En 1952 – elle a cinq ans –, Camilla Shand [son nom de jeune fille] est envoyée à Dumbrells, un ancien pensionnat à cinq kilomètres de la maison familiale, située dans le village de Plumpton, au sud-est de l'Angleterre. Fondée dans les années 1880 par trois sœurs, miss Mary, miss Edith et miss May, cette école, installée dans un ancien corps de ferme, est alors considérée comme un établissement pour apprenties femmes du monde, dont la directrice, Helen Knowles, a fait vœu d’éduquer la jeune génération du royaume dans le respect de règles d’une rigueur toute victorienne.
Les fillettes doivent lui faire la révérence tous les matins, discipline et coups de baguette s’appliquent sans distinction d’âge à l’ensemble des élèves. "Il lui arrivait de s’interrompre brusquement pendant un cours pour demander à l’une d’entre nous de lire ou de prononcer tel ou tel mot, se souvient une ancienne. Et lorsque nous nous trompions, nous devions rester debout sur une chaise, devant toute la classe, jusqu’à la fin de la matinée."

Certaines repensent en riant au "tailleur bleu" de la directrice, "le même tous les jours, été comme hiver", aux bottes en caoutchouc obligatoires "à cause des serpents que l’on disait cachés dans l’herbe." D’autres évoquent en grimaçant le supplice des repas pris au réfectoire, la nourriture à l’ancienne, du vieux bœuf et des carottes bouillies, du sagou, du pudding farineux. "Lorsque nous disions ne pas aimer du tout tel ou tel plat, on nous en donnait double ration. Nous devions manger tout ce qui nous était servi, même la ficelle si nous en trouvions autour de la viande. On nous obligeait alors à la couper en tout petits morceaux et à la mélanger au reste. Ceci pour nous apprendre à devenir des invitées irréprochables, des invitées qui jamais n’embarrassent la maîtresse de maison en laissant quoi que ce soit dans leur assiette."
Les déjeuners sont expédiés dans un silence religieux, seules les fillettes assises à la table de miss Knowles ont l’autorisation de parler. "Il fallait faire comme si nous assistions à un dîner mondain, se souvient une autre. Pour nous apprendre à tenir une conversation, à nous comporter avec aisance en société, elle nous bombardait de questions. En soi, ce n’était pas une mauvaise approche. Même si, chaque jour ou presque, elle réussissait à faire pleurer l’une d’entre nous."
La directrice a la réputation de mener la vie dure aux élèves un peu plus timides que les autres et de se montrer nettement plus indulgente vis-à-vis de celles issues de familles titrées et fortunées. "Mais notre anglais est parfait car elle adorait cette langue et était déterminée à ce que nous l’apprenions le mieux possible. À bien y réfléchir, l’éducation dispensée à Dumbrells était excellente. Et la très grande sévérité qui l’accompagnait nous a sans doute préparées à affronter les difficultés de l’existence."
Les Shand étaient une famille heureuse
Rosalind Shand, la mère de Camilla, vient la chercher à l’école tous les jours. "L’été, elle emmenait [ses filles] à la plage, à Hove, raconte William Shawcross, l'un de leurs amis. La plupart des familles employaient des nounous, mais pas les Shand. Rosalind passait tout son temps avec ses enfants. Chez eux, on s’amusait beaucoup. Il y avait des poneys, des chiens, des pique-niques, jamais rien de pompeux ni de snob, mais beaucoup de plaisir et de bon temps pour toutes les générations. Les Shand étaient une famille heureuse."
À sa sortie de Dumbrells, en 1957, Camilla entre brièvement à Southover Manor, à Lewes – où Elisabeth II et son époux, le prince Philip, ont eux-mêmes, un temps, songé à inscrire la princesse Anne –, avant d’intégrer un établissement londonien, Queen’s Gate, dans le quartier de Kensington.
La réputation du pensionnat est alors de fournir en épouses la moitié du ministère des Affaires étrangères de Sa Majesté. "Les filles ne se sentaient pas dans l’obligation d’apprendre grand-chose, témoignera l’actrice Lynn Redgrave, une ancienne élève. Nous avions des heures et des heures de leçons destinées à nous expliquer comment devenir de bonnes épouses et de bonnes mères."
Le weekend, mademoiselle Shand suit des cours de danses de salon dans la salle paroissiale de Hassocks, à quelques kilomètres de Plumpton. Afin de la préparer à ses futures obligations de maîtresse de maison, ses parents chargent une voisine, Julia Roper-Caldbeck, de lui apprendre la cuisine, mais ni son talent ni ses efforts ne parviennent à éveiller l’intérêt de Camilla pour l’art et la manière de préparer un pudding ou de mijoter un plat en sauce.
Au début de l’année 1964, celle-ci quitte Queen’s Gate pour Mon Fertile, une institution privée pour jeunes filles à Genève, en Suisse.Le 25 mars 1965, elle fait officiellement son entrée dans le monde au cours d’une réception donnée par sa mère chez Searcys, sur Pavilion Road, dans le quartier de Knightsbridge. Elle compte alors au nombre des 150 Débutantes les plus socialement désirables du moment…
Charles et Camilla, une histoire anglaise, par Isabelle Rivère, Éditions Fayard.
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