Décidément, les lignes bougent au cœur de la monarchie britannique. À preuve, le numéro du magazine Country Life, du 13 juillet 2022. La rédactrice en chef invitée n’est autre que la duchesse de Cornouailles, à l’occasion de ses 75 ans. Radieuse, Camilla sourit en couverture de l’hebdomadaire, assise sur une barrière, dans son jardin de Raymill House. D’autant plus détendue que la photographe n’est autre que la Kate, la duchesse de Cambridge. Témoignage des liens de confiance et de complicité qui unissent deux piliers du clan Windsor.

Un mois plus tôt, le 13 juin, au château de Windsor et en présence d’Élisabeth II, la duchesse de Cornouailles se trouve déjà à l’honneur. Et de quelle manière ! Elle est intronisée dame royale de l’ordre de la Jarretière. Après le souhait formulé par Sa Très Gracieuse Majesté que sa belle-fille devienne reine consort "lorsque le temps sera venu", cette cérémonie sonne comme la reconnaissance suprême des services rendus par Camilla à la Couronne.

Pourtant, voici trente ans, celle qui était alors Mme Parker Bowles sentait le soufre. Pire, elle était celle par qui le scandale arrive.
En juin 1992, en effet, lorsque le Sunday Times publie les premiers extraits du livre d’Andrew Morton, Diana, sa vraie histoire, le monde entier découvre l’existence de Camilla Parker Bowles, la maîtresse du prince de Galles, coupable d’avoir réduit Diana au désespoir et fait sombrer le mariage du siècle. Le destin de la fille du très honorable major Bruce Shand, héros de la dernière guerre, personnalité de la gentry britannique, bascule une nouvelle fois, deux décennies après sa première rencontre avec le prince de Galles. C’était à l’été 1971.
La haine de l'opinion publique à l’encontre de Camilla
Coup de foudre. Sa voix chaude, un peu grave, son regard pétillant, son humour ravageur, sa simplicité d’attitude, son assurance séduisent le timide et emprunté prince Charles. Il ne peut bientôt plus se passer d’elle. Elle est son amante et plus encore sa confidente, la seule qui sache calmer ses doutes et ses angoisses. Mais elle ne veut à aucun prix abdiquer sa liberté et devenir l’épouse de l’héritier du trône. D’un an plus âgée, elle ne correspond d’ailleurs pas au profil idéal de l’époque.

Alors que la famille royale a œuvré pour éloigner le prince Charles de la jeune femme, notamment grâce à son service dans la Royal Navy, Camilla se marie en 1973 au séduisant et fort coureur major Andrew Parker Bowles. Qui la trompe avec constance. Si elle oscille entre amitié profonde et amour, au fil des circonstances, la relation entre Charles et Camilla, ne cesse pour ainsi dire jamais. Et ils redeviennent amants vers 1985 ou 1986, lorsque l’héritier du trône renonce à sauver son mariage avec Diana. Mais tout se passe dans la plus grande discrétion et jamais Camilla n’a fait la une des journaux.

Jusqu’aux révélations du livre de Morton. Dès lors les tabloïds anglais se déchaînent. La transcription d’une conversation téléphonique très intime, enregistrée en 1989, est publiée quatre ans plus tard. Camilla vit un cauchemar. Insultée par les passants, elle est poursuivie lorsqu’elle fait ses courses au supermarché, se fait cracher dessus. Et doit se résoudre à rester cloîtrée. Soutenue par un petit cercle d’amis, elle encaisse, sans colère ni rancœur.

Lorsqu’elle divorce d’Andrew Parker Bowles, en 1995, elle achète Raymill House, dans le Wiltshire, non loin de Highrove, mais sa situation financière est précaire. Camilla croule sous les dettes. Charles prend son cheval en pension chez lui, charge son personnel d’apporter des provisions à Raymill House, mais d’après la journaliste Tina Brown, auteur du livre The Palace Papers, il ne prend pas la mesure des difficultés dans lesquelles se débat sa bien-aimée. Il se concentre sur la campagne de communication destinée à faire accepter Camilla par l’opinion publique. Mais en 1997, la mort de Diana bouleverse ses plans et rallume la haine à l’encontre de Mme Parker Bowles... et du prince de Galles.

Qu’importe, la force d’âme de Camilla demeure inébranlable. "Elle n’en voulait même pas aux médias. Elle attendait que cela passe", témoigne une proche. En coulisse, la "Campagne Camilla", menée par le conseiller du prince Charles, Mark Bolland, se réorganise. En novembre 1999. Le couple apparaît au Ritz de Londres pour les 50 ans d’Annabel Elliot, la sœur de Camilla. Sous les flashes, Charles assume d’être avec celle qu’il aime depuis si longtemps, mais Camilla paraît pétrifiée. Si elle accepte son destin – Charles ne peut pas vivre sans elle, ni abandonner ses devoirs d’héritier du trône – elle sait les embûches, et le chemin qui reste à parcourir. Ses participations aux activités publiques sont choisies avec soin. Ni trop peu, ni pas assez. Il s’agit de l’habituer au public et que le public s’habitue à elle.
La reine mère et Élisabeth II ne veulent cependant pas entendre parler de Camilla. Même si elles reconnaissent la dignité de son attitude. En 2000, l’ex Madame Parker Bowles rencontre bien "de façon fortuite" Sa Très Gracieuse Majesté, à l’occasion des 60 ans de Constantin de Grèce. Mais la reine demeure inflexible. Le mariage est exclu. Charles lui-même désespère. Tergiverse, inquiet de la réaction de l’opinion.
Le tournant des années 2000
Il lui faudra deux électrochocs pour raffermir sa décision. Le premier survient en novembre 2004, à l’occasion du mariage d’Edward Van Cutsem, filleul du prince de Galles et fils de Hugh et Emilie Van Cutsem, ses amis intimes. Tant à l’église que lors du dîner, Camilla est reléguée parmi les invités de second ordre. C’est William qui le fait remarquer à son père, huit jours avant la cérémonie. Pour Camilla, c’est l’humiliation de trop, elle n’ira pas. Et le prince de Galles non plus. C’est à la suite de ce camouflet qu’intervient le major Bruce Shand, 87 ans.
"Il était contrarié de voir à quel point le prince avait rendu Camilla vulnérable en la laissant vivre dans l’incertitude", confie Penny Junor, biographe du prince Charles. Il prend à part l’héritier du trône et lui dit, "avant de comparaître devant mon Créateur, je voudrais être sûr que tout ira bien pour ma fille". Bouleversé, et plein de respect pour le père de Camilla, Charles promet au vieil homme qu’elle ne connaîtra plus jamais une telle situation. Et demande sa main au Nouvel An, à Birkhall.
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