"Je l’ai aidée à ôter son manteau et son chapeau, aucun mot n’a été prononcé." Angela Kelly, l’habilleuse en chef et amie d’Élisabeth II, se souvient. Les obsèques du prince Philip, la reine, isolée et masquée, dans la nef de la chapelle St George de Windsor, les adieux de la famille royale, ceux de tout un pays qui suit la cérémonie en direct à la télévision. Et l’instant d’après, à l’abri des regards, Lilibet sans Philip. "La reine s’est dirigée vers son salon, elle a fermé la porte derrière elle pour se retrouver seule avec ses pensées."
Des témoignages précieux et des révélations inédites
La biographie de Gyles Brandreth regorge de témoignages précieux, à l’image de celui-ci. La parole de proches, patiemment recueillie. De fidèles collaborateurs mais aussi – et surtout – certains membres de la famille royale, parmi lesquels le cousin germain de la reine, le duc de Kent, la reine Camilla, alors duchesse de Cornouailles, et le duc d’Édimbourg lui-même. C’est d’ailleurs le mari de la reine, rencontré en 1968, qui a introduit Gyles Brandreth dans le saint des saints. Qui mieux que lui pour évoquer la véritable Élisabeth, son sens de l’humour imparable, son inaltérable modestie ? "Dès son couronnement, et pendant plus de soixante-dix ans, Élisabeth II a fait l’objet d’une véritable adulation", rappelle Brandreth.

"Cela ne l’a pas du tout affectée", lui confie, un jour, le prince Philip. "Elle n’a jamais pensé un seul instant que les acclamations étaient pour elle personnellement. C’est pour la position qu’elle occupe, pour le rôle qu’elle remplit. C’est parce qu’elle est la reine." Et le duc d’Édimbourg de poursuivre, philosophe : "Personne ne s’intéresse à vous sur le long terme. Ne courez pas après la popularité : cela ne dure pas. Rappelez-vous que vous êtes au centre de l’attention du fait de la position que vous avez le privilège d’occuper, pas pour ce que vous êtes. Celui qui croit que tout tourne autour de lui ne sera jamais heureux."
Des paroles qui résonnent, a posteriori, comme une utile mise en garde, une règle de vie à l’usage de tous. Avec le recul qui est le nôtre, comment ne pas penser aux Sussex, partis à l’autre bout du monde mais toujours prompts à déclencher autour d’eux de nouvelles tempêtes médiatiques ? Pourtant, Gyles Brandreth en convient, tout avait si bien commencé... En témoigne l’accueil chaleureux réservé à Meghan par Élisabeth II. "Elle s’inquiétait pour son bonheur futur. Lors de leur première rencontre, la reine a dit à Meghan : 'Vous pouvez continuer à être actrice si vous le souhaitez, c’est votre profession, après tout.'" Et pour leur premier – et unique – déplacement toutes les deux, le 14 juin 2018 à Chester, Sa Majesté aurait insisté pour que le programme inclue la visite d’un théâtre, persuadée que le détour intéresserait l’ex-comédienne.

Élisabeth II a-t-elle souffert du départ des Sussex ? En a-t-elle voulu à Meghan et Harry ? La version de Gyles Brandreth est tout en subtilités, loin des raccourcis faciles proposés par des tabloïds en guerre ouverte contre le duc et la duchesse. Au prince Andrew qui raille ouvertement l’interview donnée à Oprah Winfrey, la reine rétorque : "Est-ce que Sarah n’a pas fait de même ?" Le duc d’York n’a plus qu’à ravaler sa superbe. "La reine était très attachée à Harry. Elle l’aimait, elle le trouvait très amusant, et elle lui souhaitait vraiment bonne chance dans sa nouvelle vie à l’étranger", écrit Gyles Brandreth. "Chaque fois que le prince Harry appelait sa grand-mère depuis Montecito, il était toujours immédiatement mis en relation avec Sa Majesté." Et Élisabeth II aurait été ravie d’apprendre que les Sussex avaient choisi d’appeler leur fille Lilibet Diana.
Un cancer de la moelle osseuse ?
Autre révélation : l’hypothèse que la souveraine souffrait, à la fin de sa vie, d’un cancer de la moelle osseuse, nommé myélome. Une maladie incurable dont les symptômes les plus connus sont la fatigue, la perte de poids et qui expliquerait "les problèmes de mobilité" évoqués à plusieurs reprises par le palais de Buckingham. Le biographe revient sur la dernière semaine à Balmoral, la démission de Boris Johnson, l’unique audience de Liz Truss. Et cette ultime photo où elle apparaît souriante et pourtant si frêle, dans le Drawning room. "La reine a-t-elle reçu des stéroïdes pour l’aider à traverser cette importante dernière journée ? L’ecchymose sur le dos de sa main que nous avons vue sur les photos avec Liz Truss était-elle la marque laissée par un cathéter ? Ou était-ce simplement le genre d’ecchymose qui vient avec âge ? Tout ce que je sais c’est que sur le certificat de décès, il sera simplement indiqué "vieillesse", tout comme ce fut le cas sur celui du duc d’Édimbourg, l’année précédente."

Reste les anecdotes piquantes, qui brossent, par petites touches, le véritable portrait de Lilibet. Son goût pour la télévision et notamment les films de James Bond – "avant qu’ils ne deviennent trop bruyants" –, son difficile maniement du téléphone portable, malgré les leçons de ses petits-enfants. Et cet échange drolatique avec Zara Tindall, l’une de ses petites-filles, le jour où cette dernière lui a annoncé qu’elle avait choisi d’appeler sa deuxième fille Lena, le diminutif d’Elena. "Qu’est-ce qui n’allait pas avec le prénom Elena ?", interroge la reine. "Ses initiales auraient été E.T.", lui répond Zara. "Je crains bien que tu m’aies perdue", aurait avoué une Élisabeth qui, visiblement, goûtait peu l’univers de Steven Spielberg.

Elizabeth, an intimate portrait, Michael Joseph, 576 pages, 23,00€
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