La candeur de Meghan
Meghan s’est reproché sa "naïveté" à son arrivée dans la famille royale, et affirme qu’elle ignorait où elle mettait les pieds. Si la jeune femme habituée de la célébrité a certainement sous-estimé la difficulté de sa nouvelle vie, elle n’était pas non plus dans une totale ignorance.
Sans doute a-t-elle oublié cette photo, prise en 1996, qui la montre à 15 ans, posant devant le palais de Buckingham avec une amie, Ninaki Priddy. Elle a déjà une idée de ce que représente la monarchie britannique. Plus encore, vingt ans plus tard, lorsqu’elle rencontre Harry.
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Meghan vit et travaille alors depuis six ans à Toronto, dans un Canada dont la reine est... Élisabeth II. Difficile d’ignorer, comme elle le soutient, ce qu’est le God Save the Queen, surtout quand on a dans ses relations amicales la princesse Eugenie d’York, avant même de rencontrer son cousin préféré, Harry.
Le racisme de la famille royale
Les Sussex ont été bouleversés par une conversation avec un membre non identifié de la famille royale à propos de la couleur de peau que pourrait avoir leur futur enfant. Ce qui engendre une réaction du premier lord lieutenant noir d’Élisabeth II, sir Kenneth Olisa.
"J’ai eu l’occasion, par ma position de rencontrer tous les membres de la famille royale. Je peux vous dire qu’ils sont charmants et inclusifs. Ils ne sont pas racistes." Il poursuit : "Mon épouse Julia et moi avons été confrontés à la même question – posée dans un esprit innocent – par ma belle-mère, peu avant la naissance de l’aînée de nos deux filles, en 1980. Je dois préciser ici que, comme Meghan et Harry, je suis noir et Julia est blanche. Ma défunte belle-mère s’interrogeait de la même façon que n’importe qui se serait demandé, le bébé aura-t-il les cheveux de sa mère ou le nez de son père ? Il n’y a là aucune intention de blesser."
Il ajoute également que, ne sachant pas dans quel contexte cette phrase a été dite, il ne faut pas en tirer de conclusions immédiates.
Élisabeth II accueillie par sir Kenneth Olisa, lord lieutenant de la reine pour le Grand Londres. Sir Kenneth témoigne que la famille royale n’est pas raciste. © Max Mumby/Indigo/Getty Images
Depuis, Harry a d’ailleurs précisé, hors tournage, que la personne avec qui il avait eu cette conversation n’était ni la reine ni le prince Philip. Sans doute parce que le duc d’Édimbourg a par le passé eu des propos malvenus sur les "yeux bridés" qui ont fait le miel des tabloïds.
La souveraine, elle, a passé son règne à resserrer les liens avec le Commonwealth dont la diversité ethnique et culturelle est sans égale. L’équipe qui travaille avec Élisabeth II est emblématique de cette diversité, depuis longtemps.
À l’instar du lieutenant-colonel Nana Kofi Twumasi-Ankrah, de la cavalerie de la Garde, l’écuyer ghanéen de la reine, détaché auprès de Meghan pour l’aider à appréhender la vie officielle. En 1986, la souveraine s’était d’ailleurs opposée à Margaret Thatcher qui refusait d’adhérer à la politique de sanctions contre l’Afrique du Sud en plein apartheid, ainsi qu’en a attesté son secrétaire de presse de l’époque dans le Sunday Times.
Quant à Charles, sa quête spirituelle, sa volonté de réconcilier les communautés l’incitent depuis des décennies à favoriser le dialogue interreligieux et interculturel. Au jour de son sacre, il souhaite être défenseur des religions plutôt que de la foi pour inscrire cette diversité au cœur de l’institution monarchique. William, enfin, partage avec son frère un immense amour de l’Afrique et son éducation l’a préparé à s’ouvrir sur le monde sans préjugés.
Tout cela, Harry devrait être le premier à en avoir conscience. D’autant qu’il est bien placé pour savoir que chacun peut commettre une erreur par manque de recul, ignorance ou inconscience. C’est ce qui lui est arrivé en 2005, lorsqu’il a endossé un uniforme de l’Afrikakorps avec croix gammée pour une soirée costumée. Tollé des anciens combattants et excuses publiques de Harry.
Harry dans un uniforme de l’Afrikakorps en 2005. © GOFF INF / BESTIMAGE
L’année suivante, une vidéo tournée à l’école d’officiers de Sandhurst l’enregistre, en train de présenter un de ses camarades de promotion en parlant de "our little Paki friend" – notre petit camarade pakistanais –, le terme Paki pouvant être péjoratif. À l’époque, le palais prend la défense du coupable via un communiqué : "Le prince Harry a utilisé le terme – Paki – sans aucune arrière-pensée, comme le surnom d’un membre très apprécié de sa section." Il n’y a aucune raison d’en douter.
Le manque de soutien
Le couple se plaint de n’avoir reçu aucune aide psychologique de la part de la famille royale. Harry, William et Kate ont parrainé ensemble Heads Together, une association luttant pour préserver la santé mentale. Du propre aveu de Harry, c’est William qui l’a convaincu de se faire aider psychologiquement pour surmonter le traumatisme de la mort de Diana.
Difficile après ces déclarations de croire que les Windsor auraient refusé leur aide au couple. En revanche, il est vrai que le palais n’est pas sorti de sa réserve pour défendre Meghan point par point lorsqu’elle était la cible des tabloïds, mais ce n’est pas un refus de la soutenir, c’est simplement la règle de la famille royale que de ne pas répondre aux attaques.
William, Kate et Harry évoquent ensemble des sujets très personnels devant les caméras dans le cadre de leur campagne Heads Together. © Heads Together campaign/PA Wire/ABACAPRESS
Ils ne l’ont pas fait pour le prince Charles qui pendant des décennies a reçu quotidiennement des tombereaux d’insultes et de moqueries, ni pour les Cambridge quand la presse les a traités de paresseux et d’enfants gâtés après la rénovation de leur appartement de Kensington. Ni même pour la reine lorsque certains ont insinuéque son époux lui était infidèle.
Meghan s’est sentie abandonnée, mais il y a eu un "choc des cultures" entre stratégie britannique et stratégie américaine de communication. La famille royale estime, pas forcément à tort, que répondre ne fait qu’entretenir le débat et nourrir l’incendie.
Archie mal traité ?
Meghan suggère dans l’interview que tous les "petits-enfants" de la reine sont princes et qu’Archie a été discriminé en raison de sa couleur de peau. C’est inexact. Ni les enfants de la princesse Anne, ni ceux du comte et de la comtesse de Wessex ne sont princes. En outre, Archie est un arrière-petit-fils d’Élisabeth II et il ne peut êtretitré prince. Quelle que soit sa couleur de peau.
Contrairement aux trois enfants deWilliam, Archie n'est pas prince.© Chris Allerton/ Sussex Royal/ PA Photos/ ABACA
En effet, depuis George V, la règle est que seuls les enfants et petits-enfants du monarque bénéficient de ce privilège. Unique exception, la ligne de succession directe. C’est ainsi que les enfants des Cambridge, eux-mêmes futurs souverains, sont nés altesses royales. Archie pourra lui aussi devenir altesse royale à l’avènement de son grand-père Charles. Pas avant. Enfin le titre de prince est à décorréler entièrement des questions de sécurité. Il n’en est pas la condition.
La protection rapprochée
Harry comme Meghan se sont inquiétés pour leur sécurité après les campagnes racistes et les menaces dont ils ont été l’objet sur les réseaux sociaux. Ils semblent choqués que la sécurité permanente 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 leur ait été refusée, et pensent que c’est pour les punir de leur retrait de la vie officielle.
Là encore,...
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