Funérailles d'Élisabeth II : un jour que personne n'oubliera

Jamais on n’aura vu tant de faste et de grandeur. Jamais on n’aura vu un peuple s’unir avec tant de ferveur, ni tant de monarques, de présidents assister à des obsèques nationales. Ce lundi 19 septembre 2022, à l’abbaye de Westminster, c’est le monde entier qui vient dire adieu à LA reine.

Par Thomas Pernette , Antoine Michelland - 21 septembre 2022, 09h14

 Cercueil d'Elisabeth II
Cercueil d'Elisabeth II © PA Photos/ABACA

Son cercueil est drapé du Royal Standard, la couronne impériale d’État, l’orbe et le sceptre reposent sur leur coussin de brocard violet. Il y a les fleurs aussi, cueillies dans les jardins de Buckingham, Clarence House et Highgrove, avec ce mot : "In loving and devoted memory. Charles R." On ne voit que cela, tandis que le cortège arrive au pied de l’autel et que s’élèvent les premières paroles des Funeral sentences de William Croft, "je suis la résurrection et la vie... ", chantées par les voix infiniment pures des chœurs de Westminster Abbey et de la chapelle royale. L’espace d’un instant, en ce lundi 19 septembre 2022, une émotion très intime s’invite aux funérailles d’État de Sa Très Gracieuse Majesté, les premières d’un souverain à se dérouler à Westminster Abbey depuis 1760 et celles de George II. 

Le duc et la duchesse de Sussex étaient placés juste derrière le roi Charles III et la reine consort Camilla durant les obsèques.
Le cercueil d’Élisabeth II, recouvert du Royal Standard, avec la couronne impériale d’État, l’orbe et le sceptre. ©  Lipinski Dominic/PA Wire/ABACA

La prière d’accueil est prononcée par le doyen de l’abbaye, le révérend David Hoyle. "En ce lieu où la reine Élisabeth s’est mariée et a été couronnée, nous voici rassemblés de tout le pays, du Commonwealth et des nations de l’univers pour pleurer sa perte, pour faire mémoire de sa longue vie de service inlassable et la confier, pleins d’espérance, à la miséricorde de Dieu, notre Créateur et notre Rédempteur..." Des mots qui touchent en plein cœur la vaste assemblée de deux mille personnes, dont un nombre vertigineux de têtes couronnées.

Le prince Albert II de Monaco et son épouse, la princesse Charlène de Monaco arrivent ensemble à l'abbaye de Westminster, le 19 septembre 2022, pour les funérailles d'Elisabeth II.
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Mais plus extraordinaire est la présence de l’empereur Naruhito et de l’impératrice Masako du Japon. Même s’ils ne sont plus considérés comme des dieux vivants, le caractère sacré de leur fonction leur interdit d’assister à des funérailles. Jusqu’à présent, une seule exception avait été faite, en 1993, pour le roi Baudouin des Belges, ami très intime de la famille souveraine japonaise. Les leaders des pays les plus puissants de la planète sont là eux aussi, qu’il s’agisse de Joe Biden pour les États-Unis, du vice-président de Chine Wang Qishan ou du président de l’Inde, Droupadi Murmu. Sans oublier l’Europe au grand complet, à commencer par le président Macron, les chefs d’État du Commonwealth, les Premiers ministres et gouverneurs généraux des quinze autres royaumes dont Élisabeth II était la reine.

142 matelots de la Navy tractent le cercueil

Il est 10h35, à Londres. La cloche ténor de Westminster Abbey, son battant étouffé par une gaine de cuir, continue de sonner un coup par minute pour les 96 années de vie de la reine. Le cercueil d’Élisabeth II quitte Westminster Hall avant d’être placé sur la prolonge d’artillerie stationnée à la porte Nord, la même qui est utilisée pour les funérailles des souverains britanniques depuis Victoria, en 1901. Attelés en tête et à l’arrière, pas moins de 142 matelots de la Navy vont tracter le caisson plus que centenaire sur lequel repose la reine. À 10h44, le formidable cortège commence de parcourir les trois cents mètres qui le séparent de la grande entrée Ouest de Westminster Abbey. 

Les officiers de la Navy, s'approchant de Westminster pour tracter le cercueil de la reine.
Les officiers de la Navy, s'approchant de Westminster pour tracter le cercueil de la reine. ©  Augstein Frank/PA Photos/ABACA

Installée depuis trois jours sur un bout de trottoir, au coin de Parliament et de Great George Street, Fiona Ross, venue spécialement d’Italie où elle vit désormais, se laisse emporter par l’émotion. "C’est l’histoire en marche, dit-elle. Je devais être là." Fiona aperçoit d’abord les deux cents cornemuses et tambours des Scottish et Irish Regiments, de la brigade des Gurkhas et de la Royal Air Force. Suivent les hérauts et roi d’armes des collèges héraldiques, le major général commandant la division de la Maison royale, la Lady Usher of the Black Rod, le roi d’armes de la Jarretière, le duc de Norfolk, comte maréchal d’Angleterre, et les membres principaux de la Maison de la reine.

Le prince Harry marche, aux côtés du prince de Galles, dans la procession menant la dépouille d’Élisabeth II jusqu'à l'abbaye de Westminster.
Le prince Harry marche, aux côtés du prince de Galles, dans la procession menant la dépouille d’Élisabeth II jusqu'à l'abbaye de Westminster. © Emilio Morenatti/PA Wire

Enfin, voici le cercueil d’Élisabeth II, escorté par les Yeomen of the Guard, les Gentlemen at Arms et la Royal Company of Archers. Comme lors de la procession du mercredi précédent, Charles III, ses frères et sœur, ses fils, son neveu Peter Phillips, son cousin le comte de Snowdon, le duc de Gloucester, le vice-amiral Tim Laurence suivent le cortège. Ils sont les derniers à entrer dans Westminster Abbey, rejoints au début de la nef par la reine consort, la comtesse de Wessex, la princesse de Galles, le prince George, la princesse Charlotte, la duchesse de Sussex, le duc de Kent et le prince de Kent. La présence des deux aînés de William et Kate assure les Britanniques de la continuité dynastique. Il est 11 h, la cérémonie religieuse peut commencer.

Un cantique chanté lors du mariage de la princesse Élisabeth et du duc d’Édimbourg

À la prière du doyen de Westminster succède l’hymne de John Ellerton, "Le jour que vous nous avez donné, Seigneur a pris fin..." La baronne Scotland, secrétaire générale du Commonwealth, dit la première lecture, extraite de la Première Épître aux Corinthiens. "Mais maintenant Christ est ressuscité des morts, il est le premier ressuscité parmi ceux qui se sont endormis. Car la mort étant venue par un homme, c’est par un homme aussi que vient la résurrection des morts. En effet, de même que tous les hommes meurent en Adam, c’est dans le Christ que tous recevront la vie..." Après le psaume, Mme le Premier ministre Liz Truss vient à son tour au pupitre lire le début du chapitre 14 de l’Évangile de Jean. "Jésus lui dit : Je suis le chemin, la vérité et la vie. Nul ne vient au Père que par moi..." Puis le chœur chante "Le Seigneur est mon berger", comme lors du mariage de la princesse Élisabeth et du duc d’Édimbourg.

Liz Truss fait la seconde lecture lors des funérailles d’Élisabeth II.
Liz Truss fait la seconde lecture lors des funérailles d’Élisabeth II à l'abbaye de Westminster. © Frank Augstein/PA Wire

À l’heure du sermon, l’archevêque de Canterbury, Justin Welby, invoque une reine hors norme, la femme de foi, l’âme de sa famille et de la famille de tant de nations. "Ceux qui servent avec amour sont rares, quel que soit leur milieu. Les leaders qui servent avec amour sont plus rares encore. Mais dans tous les cas, ceux qui servent seront aimés et leur mémoire chérie quand ceux qui s’accrochent au pouvoir et aux privilèges sont vite oubliés." Les intentions de prières sont dites tour à tour par les représentants des Églises anglicane, catholique ou presbytérienne, qu’il s’agisse de l’évêque de Londres, des archevêques de Westminster et de York ou du modérateur de l’Assemblée générale de l’Église d’Écosse. Elles se concluent par un bref motet, "Ô ressens et vois combien le Seigneur est bon", qui fut composé pour le couronnement d’Élisabeth II.

Plus d'un million de personnes se pressent pour apercevoir une dernière fois leur reine

"Recommandons à la miséricorde de Dieu, notre Créateur...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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