Le révérend Iain Greenshields ne s'attendait pas à ce que sa visite soit maintenue. Du fait de sa santé déclinante, le palais a préféré restreindre le nombre de visiteurs de peur de fatiguer la souveraine de 96 ans. L'homme d'église en convient aujourd'hui : "Sa Majesté était frêle", confie-t-il au Daily Mail. Élisabeth II insiste pourtant et souhaite qu'il prêche dans sa paroisse, non loin de son château de Balmoral, la petite église de Crathie. Alors comme le veut la tradition, l'ancien modérateur de l'Assemblée générale de l’Église d’Écosse est invité à passer le week-end du 4 et 5 août 2022 – trois nuits au total – dans la demeure écossaise si chère au coeur de la mère de Charles III.

C'est au sein de ce cocon familial, son havre de paix, qu'Élisabeth se confie. Sur sa foi, sur son père, sur sa vie. Aussi bien dans l'intimité de conversations privées avec le révérend que lors de dîners en petit comité, la reine lève le voile. Avait-elle pressenti qu'il serait bientôt l'heure, pour elle, de s'éclipser ? C'est en tout cas ce que croit Iain Greenshields. "Quand elle est morte, j’ai pensé à ma mère et à la façon dont elle aussi avait parlé de sa foi juste avant sa mort, ce qu'elle n'avait pas l'habitude de faire. Je me demande si les gens, même inconsciemment, se préparent pour la fin."
En paix et sans regret
Confident des derniers jours, le révérend Iain Greenshields est catégorique. Malgré les nombreux problèmes familiaux qui ont marqué ses dernière années, Élisabeth II est entrée dans la vie éternelle le coeur serein. Il en veut pour preuve l'un de leur tête-à-tête alors qu'il séjourne à Balmoral. Tous deux discutent quand Élisabeth se lève et s'avance vers une fenêtre. "Qui ne voudrait pas être ici...", avoue-t-elle. Pour l'homme d'église, ces quelques mots veulent tout dire : "Elle était dans un endroit (le château de Balmoral) très paisible et privé. Elle était en paix." Ensemble, ils remontent le temps, ses 70 ans de règne qui ont vu s'écrire l'Histoire. "C’était l’année de son jubilé de platine, et elle regardait en arrière. Sa mémoire était remarquable. Elle n'avait aucun regret", souligne le révérend.

À plusieurs reprises, la reine mentionne son père, le roi George VI, ainsi que sa mère. "Elle me parlait très ouvertement de ses séjours à Balmoral lorsqu'elle était enfant, de ses chevaux du passé, nommant les gens et les lieux d'il y a 40 ans", expliquait déjà Iain Greenshields au Times, le 9 septembre 2022. Une conversation qui n'a rien d'étonnant pour l'ecclésiastique puisque, selon lui, il "est très courant que les mourants pensent à leurs parents". Il précise d'ailleurs n'avoir constaté aucune dégradation intellectuelle. Au contraire, la reine est certes "assez fragile", mais sa "bonne humeur" est contagieuse et son "esprit vif". Si bien que l'annonce de sa disparition, le 8 septembre, est pour le révérend une véritable surprise. Trois jours plus tard, l'ancien modérateur de l’Église d’Écosse prononcera l'homélie du service dédié à la défunte reine en la cathédrale St Giles, à Édimbourg.
Sa foi comme fondement de sa vie... et de sa mort
Sa Majesté se montre également "contemplative", particulièrement préoccupée par sa foi. Le révérend se questionne : à quel point est-elle disposée à en parler ? Mais la reine n'hésite pas à aborder le sujet lors des repas en compagnie de la duchesse d’Édimbourg, ancienne comtesse de Wessex, de la princesse Anne et de son époux sir Timothy Laurence ainsi que de son directeur de course et ami John Warren. Avant de reprendre de plus belle au cours de conversations plus privées avec Iain Greenshields.
"Elle a mentionné un chef religieux américain qui a eu un grand impact sur elle et bien qu’elle n’ait pas donné de nom – et je ne l’ai pas interrompue pour demander – je me suis demandé si c’était Billy Graham, qu’elle avait accueilli (à Londres en 1956)." Une rencontre si symbolique que même la série The Crown la met en scène dans la saison 2. "Chaque fois qu’il venait en Angleterre, la reine l’invitait à prêcher, et souvent lorsqu’elle venait en Amérique … elle rendait visite à Billy Graham parce qu’ils avaient la même foi fondamentale", explique ainsi l’historien Robert Lacey dans Town and Country.
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Elle évoque son amour pour Balmoral, pour l’Écosse, mais plus encore, elle souhaite échanger sur son Église. "Elle n’était qu’un membre, pas dans une position élevée comme elle l’était dans l’Église d’Angleterre en tant que gouverneur suprême, et d’une certaine manière, je pense qu’elle aimait ça", rapporte le révérend. Profondément attaché à son rôle dans l'église anglicane, Élisabeth II a considéré sa vie et ses devoirs de reine à travers le prisme de sa foi, rappelle le Daily Mail. "Pour Élisabeth II, être chrétien était plus qu’une question de spiritualité personnelle." C'est à travers ses discours de Noël que la mère de Charles III s'autorisait à l'exprimer, toujours avec conviction mais sans une once de prosélytisme. Car, au-delà d'être une reine, Élisabeth Alexandra Mary Windsor était une femme de foi.
