Avant même son arrivée, incertaine jusque deux heures avant le début de la cérémonie, son nom est sur toutes les lèvres. Ou plutôt son titre, la reine, avec ce sentiment que, sans autre précision, il ne peut désigner qu’Élisabeth II. Chacun sait qu’elle a supervisé dans les moindres détails ce service d’action de grâce, célébré en mémoire du duc d’Édimbourg à l’abbaye de Westminster, le mardi 29 mars 2022, à 11h30.
Y compris le choix des fleurs, parmi lesquelles des chardons bleus, également appelés houx de mer, pour évoquer l’attachement du défunt prince Philip à la Royal Navy, et surtout des orchidées identiques à celles qui composaient le bouquet de mariée de la jeune princesse Élisabeth, le 20 novembre 1947, en cette même abbaye.
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Bien au-delà d’une simple messe commémorative, ce sont les funérailles que le duc d’Édimbourg n’a pu avoir en pleine pandémie qui sont célébrées en ce jour solennel. À preuve, la présence, non seulement du gouvernement au grand complet et des corps constitués, mais aussi, et surtout, la venue de nombreux souverains étrangers, désireux de rendre eux aussi hommage à celui qui fut pendant soixante-treize ans à la fois le grand amour, l’homme lige et le soutien indéfectible de la reine.

Il est 11h05 lorsque se présentent ainsi, à la grande entrée ouest de l’abbaye, Margareta de Roumanie et son époux, le prince Alexandre de Serbie et la princesse Katherine, le roi et la reine de Suède, la reine Margrethe II de Danemark, le roi Philippe et la reine Mathilde de Belgique, le couple souverain des Pays-Bas et la princesse Beatrix, la reine Anne-Marie de Grèce, le diadoque Paul et la princesse Marie-Chantal, le roi Felipe VI et la reine Letizia d’Espagne, le prince Albert II de Monaco, la grande-duchesse de Luxembourg, le prince Kyril de Bulgarie, le prince Hassan de Jordanie et la princesse Sarvath, le prince héritier de Bahreïn...

Plus discrets, Donatus, landgrave de Hesse, Bernhard, prince héréditaire de Bade, et Philipp, prince de Hohenlohe-Langenbourg, petits-neveux du duc d’Édimbourg, représentent sa famille allemande. À quoi s’ajoute bien sûr le clan Windsor presque au complet, arrière-petits-enfants du défunt inclus, y compris George et Charlotte, graves et charmants. Un seul grand absent, le duc de Sussex qui, contrairement à l’année dernière, n’a pas fait le voyage depuis les États-Unis.

On est très loin des obsèques à la chapelle St George de Windsor, l’an dernier, limitées à trente personnes, avec la reine si seule, assise dans une stalle, séparée du reste des siens. En tout, ce sont aujourd’hui mille huit cents invités, avec les représentants des associations que parrainait Philip et des lauréats de son cher Duke of Edinburg’s Award, qui se pressent sous les somptueuses voûtes gothiques de Westminster Abbey, de part et d’autre du jubé.
Malgré sa santé fragile, Élisabeth a tenu à se rendre à Westminster
Depuis des semaines, une unique question agite les chroniqueurs royaux : Élisabeth II sera-t-elle présente, alors qu’elle s’est sentie trop faible sur ses jambes pour présider la célébration œcuménique du Commonwealth, le 14 mars, en ce même haut lieu ? On a parlé de fauteuil roulant, un itinéraire spécial a été aménagé via le Coin des Poètes, la porte accessible par le cloître, au niveau du transept sud. Vers 10h, c’est enfin confirmé, la reine a bien quitté le château de Windsor en Land Rover et doit passer par le palais de Buckingham pour changer de véhicule et arriver à l’abbaye dans sa Bentley royale.

Il est 11 h 33 lorsque sonnent les trompettes de la cavalerie de la Garde, annonçant l’entrée de Sa Très Gracieuse Majesté. Elle s’avance à pas lents mais assez sûrs, une canne dans sa main droite, le bras gauche passé sous celui du prince Andrew, venu avec elle depuis Windsor. Aux accents du cantique Monk’s Gate, chanté par le chœur de Westminster Abbey, elle parcourt seule les derniers mètres qui la séparent de son fauteuil, au premier rang, au plus près de l’autel, juste à côté du prince de Galles.

Élisabeth II a choisi une robe verte, plus exactement Edinburgh Green, couleur de la Maison de Philip, et porte la broche scarabée que son époux lui avait offerte en 1966. Les chants sont ceux qu’il avait arrêtés pour ses funérailles. Vont intervenir tour à tour, au fil de la célébration et suivant la volonté du duc d’Édimbourg, tous les chapelains de la reine, qu’il s’agisse du doyen de Windsor, David Conner, du ministre de Crathie Kirk, la paroisse de Balmoral, du recteur de Sandringham ou du chapelain de la chapelle de Tous-les-Saints, sur le domaine royal de Windsor.

Mais c’est le révérend David Hoyle, doyen de l’abbaye de Westminster, qui ouvre la cérémonie par l’exhortation. "En mémoire reconnaissante du prince Philip, nous nous engageons à vivre comme il vivait, dans la foi, dans le service de Sa Majesté et dans le plus grand respect de notre monde et de notre prochain." Lui succède Doyin Sonibare, 28 ans, d’origine nigériane, lauréate en 2014 du Duke of Edinburgh’s Award, le programme international fondé en 1956 par le prince Philip pour encourager les jeunes à relever des défis et à s’accomplir.

"Comment ai-je décroché mon premier emploi à 18 ans sans aucune expérience professionnelle ? Cela tient au prix, qui lui-même tient au mot-clef opportunité, dit-elle à la fin de son témoignage. À la réflexion, je n’aurais jamais imaginé pouvoir faire la moitié des choses que j’ai accomplies au cours de la dernière décennie et que j’ai été en mesure de mener à bien à cause de ces opportunités qui m’ont été offertes." Suivent les lectures du Livre d’Isaïe et de l’Épître de saint Paul aux Philippiens. Puis le si beau Cantique des créatures, de saint François d’Assise. Élisabeth II se lève et chante avec l’assemblée.
"Il était une parcelle d’une humanité imparfaite"
Voici maintenant l’instant le plus émouvant, celui de l’adresse...
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