La révélation vient de Sebastian Payne, chef du service politique du Financial Times, qui a publié récemment un livre "explosif" intitulé The Fall of Boris Johnson – La Chute de Boris Johnson –, aux éditions Palgrave Macmillan, et encore non traduit en français.
Le 6 juillet 2022, Boris Johnson, le Premier ministre, attaqué de toutes parts, ne sait comment se maintenir à son poste. Il s’est discrédité en organisant des fêtes au 10 Downing Street pendant la pandémie de Covid-19 au mépris des restrictions en vigueur. Un de ses proches collaborateurs est englué dans un scandale sexuel et plusieurs ministres et secrétaires d’État le lâchent – dont le chancelier de l’Échiquier Rishi Sunak –, tandis que les députés conservateurs sont de plus en plus nombreux à l’inciter à partir.

Boris Johnson décide alors de jouer son va-tout, en organisant des élections anticipées, espérant ainsi reconquérir une majorité à sa dévotion. Mais il doit auparavant obtenir l’accord de la reine pour dissoudre la Chambre des Communes. En théorie, la souveraine ne pourrait s’y opposer, sauf…
Les "trois principes de Lascelles"
Dans une lettre adressée au rédacteur en chef du Times et publiée le 2 mai 1950 sous le pseudonyme de Senex - le Vieux en latin -, Sir Alan "Tommy" Lascelles, secrétaire particulier du roi George VI, avait énoncé trois circonstances dans lesquelles le souverain est en droit de refuser la dissolution :
"1/ Si le Parlement existant est encore nécessaire, viable et capable d’accomplir son travail. 2/ Si des élections générales seraient préjudiciables à l’économie nationale. 3/ Si le souverain peut compter sur la possibilité de découvrir un autre Premier ministre apte à gouverner durant une période raisonnable avec une majorité de travail à la Chambre des Communes."
En l’occurrence, ces "trois principes de Lascelles", élevés au rang de règles constitutionnelles, sont réunis. En effet, la droite conservatrice dispose d’une confortable majorité au Parlement, le pays traverse une grave crise économique et il y a pléthore de candidats valables à la succession !
La reine Élisabeth refuse de sauver "BoJo"
Malgré cela, il aurait été difficile pour Élisabeth II de refuser une demande directe de la part du Premier ministre en exercice. Le risque était de déclencher une crise institutionnelle. Sebastian Payne explique comment cette difficulté a pu être contournée, avec un doigté tout britannique.

La reine, déjà très affaiblie, se repose à Balmoral. De connivence avec son entourage proche, "un autre haut responsable [du parti conservateur] a confirmé qu'il serait poliment communiqué à Downing Street que Sa Majesté 'ne pouvait pas venir au téléphone' si Johnson passait un appel dans l'intention de dissoudre le Parlement."
Dès le lendemain, "BoJo" n’avait d’autre solution que d’annoncer sa démission qui sera effective le 6 septembre. Deux jours plus tard, Élisabeth II s’éteignait à l’âge de 96 ans, au terme de sept décennies de règne. Non sans avoir, la veille, adoubée son nouveau et dernier Premier ministre, Liz Truss, qui se révélera beaucoup plus éphémère…