La voici de nouveau à Londres après son séjour au château de Balmoral, en Écosse. Pour sa reprise, ce 29 août 2023, la reine Camilla a choisi une visite hautement symbolique. Elle se rend, en effet, au Royal Air Force Club, situé sur Piccadilly, non loin de Buckingham, afin d'inaugurer un portrait de Noor Inayat Khan. "Je me sens très humble de dévoiler le portrait d’une femme aussi courageuse", confie-t-elle. Depuis son plus jeune âge, l’épouse de Charles III sait ce que signifie l’engagement pour son pays, son père, le major Bruce Shand, ayant combattu pendant la Seconde Guerre mondiale.

"C’est une merveilleuse peinture", ajoute la reine en regardant avec émotion cette toile réalisée par Paul Brason, ancien président de la Society of Portrait Painters. Née à Moscou le 1er janvier 1914 d’un père musulman indien - dont l’ascendance noble lui vaut le titre de princesse - et d’une mère américaine, Noor Inayat Khan passe ses deux premières années en Russie avant que sa famille ne s’installe à Londres. Lorsqu’elle a six ans, les Khan déménagent à Suresnes, en région parisienne. En juin 1940, alors que les Allemands se rapprochent de la capitale, Noor et ses proches retournent habiter en Angleterre où la jeune femme s’engage auprès de la Women's Auxiliary Air Force, qui sert au côté de la Royal Air Force pendant la guerre.
Faire perdurer son histoire
Début 1943, celle que l’on surnomme la "princesse espionne" rejoint le Special Operations Executive - service secret créé par Winston Churchill au début de la Seconde Guerre mondiale - où elle poursuit sa formation d’opératrice radio. Son parachutage en juin fait d’elle la première femme opératrice radio à être envoyée dans la France occupée pour aider la Résistance française. Transmettant une vingtaine de messages codés à l’Angleterre, elle est capturée par la Gestapo au mois d’octobre 1943. Emprisonnée et torturée des mois durant sans jamais dire un mot, Noor Inayat Khan sera envoyée en Allemagne avant d’être fusillée en septembre 1944 à Dachau.

Durant sa visite, Camilla découvre un vitrail inauguré par sa belle-mère, Élisabeth II, en 2018. "Il met en lumière le rôle des femmes dans la RAF depuis sa création en 1918", souligne le Royal Air Force Club. Celui-ci se trouve d’ailleurs en face du portrait de Noor. "Je suis ravie de donner son nom à la pièce", annonce la reine. Un choix naturel au regard de la bravoure et de l’héroïsme dont aura fait preuve la jeune femme et ce, au péril de sa vie.

Au cours de la réception, l’épouse de Charles III fait la connaissance d’un des cousins de la résistante, Shaik Mahmood. Âgé de 95 ans, il a tenu à faire le déplacement, non content de découvrir l’œuvre de Paul Brason qu’il trouve "vraiment magnifique". "La ressemblance est excellente. C’est ce qui m’a le plus frappé : le peintre a fait tant d’efforts pour donner vie à sa personnalité", indique-t-il. En effet, peu de photos de Noor existent, ce qui n’a pas rendu le travail de l’artiste facile. "L'une des difficultés à dresser le portrait de quelqu'un qui travaillait sous couverture, en particulier pendant la Seconde Guerre mondiale, est que ces personnes n'aimaient pas qu'on prenne des photos d'elles", relate Paul Brason à l'agence de presse britannique PA. Mais les quelques clichés disponibles lui ont toutefois permis de représenter fidèlement la résistante.

Pacifiste convaincue, auteure de livres pour enfants, musicienne, Noor Inayat Khan avait vu sa vie basculer lors de l’entrée en guerre de ses deux pays d’adoption, le Royaume-Uni et la France, la conduisant à revoir ses principes de non-violence. "Pour Noor, l’idéologie nazie avec ses pogroms envers les Juifs était fondamentalement répugnante et opposée à tous les principes d’harmonie religieuse dans lesquels elle avait été élevée avec son père", explique la journaliste, historienne et auteure indienne Shrabani Basu, citée par La Libre Belgique. Auteure de la biographie The Spy Princess - The Life of Noor Inayat Khan, Shrabani Basu se dit "enchantée" et "fière" d’avoir été conviée au Royal Air Force Club. L’occasion pour elle d’échanger avec Camilla et de lui offrir son livre. "Son histoire perdure", ajoute-t-elle sur son compte X (ex-Twitter).

Outre la reine, ce n’est pas la première fois qu’un membre de la famille royale britannique rend hommage à Noor Inayat Khan. En novembre 2012, la princesse Anne avait assisté à l’inauguration d’un buste de la jeune femme à Gordon Square, à Londres, à deux pas du 4 Taviton Street où a été apposée une Blue Plaque, témoignage de sa dernière adresse dans la capitale britannique. Avant de s’envoler pour la France.