Oubliez la culotte bouffante et les bas de soie. Pour son couronnement, le 6 mai prochain, Charles III portera un uniforme - probablement celui d’amiral de la flotte. Oubliez aussi le défilé des ducs royaux, qui selon la coutume médiévale venaient prêter allégeance au nouveau monarque, l’embrasser sur la joue et toucher la couronne de saint Édouard. L’époque féodale est révolue, et en ces temps de pandémie les contacts s’avèrent peu judicieux. Seul William, son héritier, s’agenouillera donc devant le roi pour être officiellement reconnu prince de Galles. Les temps changent.
Éblouir, réunir, créer du lien
Depuis soixante-dix ans que le Royaume-Uni n’avait pas organisé de couronnement, ces mises à jour cérémonielles indiquent une volonté d’adaptation à leur époque des nouveaux souverains. Pour autant, l’occasion reste une affaire d’État : hors de question de sacrifier le faste, la pompe et l’apparat qui font la grandeur et l’éclat de l’institution, réel soft power d’un pays tourmenté depuis des mois par la crise économique et sociale. Le programme a donc été pensé pour éblouir, mais aussi réunir et créer du lien, à l’image du jubilé de platine d’Élisabeth II en juin dernier.
Processions, salut au balcon, illuminations, concert géant, pique-niques de rue, jour férié, initiatives caritatives… Les annonces dévoilées le 21 janvier par le palais présentent l’opération Golden Orb, ou "week-end de couronnement", comme un grand événement populaire. Le temps de la déférence n’est plus, la monarchie se veut participative.
Samedi 6 mai au matin, la procession du roi (The King’s Procession) mènera Charles et Camilla de Buckingham à l’abbaye de Westminster, où tous deux seront oints du saint chrême et couronnés par l’archevêque de Canterbury, comme Guillaume le Conquérant en 1066. À l’instar d’Alexandra en 1902, Mary en 1911 et Elizabeth en 1937, Camilla sera faite reine consort au côté de son époux.
Arborera-t-elle la couronne de platine et diamants de Queen Mum, ornée du fameux Koh-i-Noor maudit ? Pour ne pas réactiver les polémiques liées à sa provenance, la reine pourrait remplacer ce joyau, amovible, par une autre pierre, ou encore préférer une couronne différente. Camilla sera, après tout, la première divorcée à être sacrée à l’abbaye.
Salut au balcon et concert à Windsor
Rapporté à celui de 1953, le service religieux sera écourté de moitié – 90 minutes tout de même – et le nombre d’invités divisé par quatre, passant de 8.000 à 2.000. Une cérémonie "allégée", reflet du souhait de Charles d’aller vers une monarchie restreinte et moins coûteuse, même si la jauge fera des jaloux : il n’y aura pas de place pour tout le monde. Pour être vus de tous, outre une transmission en mondovision, débutera après la cérémonie la procession du couronnement (The Coronation Procession), qui mènera les souverains à travers tout Londres dans le célèbre carrosse d’or d’État. Une épreuve douloureuse selon Élisabeth II, qui le trouvait flamboyant… et inconfortable ! De retour au palais, le couple fraîchement couronné viendra saluer au balcon, entouré de membres de la famille non encore nommés. L’exercice devrait logiquement être réservé aux membres "actifs" du clan.
Le lendemain, dimanche 7 mai, chaque Britannique est invité à organiser une fête de rue pour partager un "Big Lunch" avec sa communauté. En soirée, un grand concert du couronnement réunira icônes de la musique et stars contemporaines au château de Windsor. On y lancera un spectacle d’illuminations s’étendant à tout le pays, et on y découvrira la "Chorale du couronnement", spécialement créée pour l’occasion, réunissant des chanteurs amateurs et des associations de réfugiés, des membres du NHS [les services de soins britanniques, ndlr], des défenseurs des droits LGBTQ+ ou encore des groupes de chant en langue des signes. Le show sera retransmis sur la BBC et des places seront à gagner via une loterie. Mais Charles et Camilla ont aussi choisi d’y inviter des bénévoles des œuvres de charité qu’ils parrainent.
Enfin, le lundi 8 mai, déclaré férié par le gouvernement, sera consacré à "The Big Help Out" : une invitation pour tous, "en hommage au service public de Sa Majesté", à prendre part bénévolement à des activités de charité ou une association locale. De quoi inscrire résolument ce début de règne sous le signe de la communauté, de la diversité et de la bienfaisance. Dans le présent et le futur, pas seulement dans le passé, aussi prestigieux soit-il.
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