Mai 2013. Camilla, qui n’était encore "que" duchesse de Cornouailles, n’avait jamais fait d’apparition publique hors du Royaume-Uni depuis son mariage avec le prince de Galles en 2005, huit années auparavant. C’est dire que la réussite de cette visite "solo" comptait à ses yeux, comme le soulignera l’ambassadeur de Grande-Bretagne en France, sir Peter Ricketts : "C’est elle qui a choisi de venir ici et vous imaginez combien c’était important pour elle".

Néanmoins, pour cette première fois, l'épouse du prince Charles ne représente pas officiellement la Couronne. Ses frais de déplacement ont d’ailleurs été financés par son mari, à titre personnel.
Camilla et la communauté Emmaüs
Les voyageurs de l’Eurostar de 10h25, partant de la gare de Saint-Pancras, en ce lundi 27 mai 2013, découvrent avec étonnement que plusieurs compartiments du train ont été réservés à l’usage privé de l’épouse de l’héritier du trône. Parmi le petit groupe qui l’escorte, figurent trois "compagnons" de la Communauté d’Emmaüs dont la princesse parraine la branche britannique depuis 2006. La philosophie du mouvement humanitaire lancé soixante ans auparavant par l’abbé Pierre l’a séduite, car elle offre un projet de vie global, un modèle de réinsertion basé sur le travail et la dignité, et pas seulement sur la charité.

En début d’après-midi, Camilla est accueillie à la maison mère d’Emmaüs, à Bougival, près de Saint-Germain en Laye. Elle s’arrête longuement devant les stands de brocante où sont exposés meubles en tout genre, livres et disques, vaisselles de porcelaine, linge brodé, bijoux vintage, au milieu des acheteurs surpris d’une telle rencontre. "Elle écoute, elle comprend et elle réagit", constate avec satisfaction Alain Capmas, l’administrateur d’Emmaüs.
"C’est comme une boutique de Noël avant l’heure !", lance Camilla joyeuse. C'est un endroit fantastique où venir. Si j'avais tout le temps du monde et que personne ne voulait de moi, je dépenserais une fortune ici." Comme elle admire particulièrement une montre dorée Lip des années 70, imitation d'une Cartier, l’ambassadeur en fait l’acquisition… pour 10 euros. "Je ne crois pas que ce soit une vraie, plaisante Camilla, en toute cas c’est réellement une belle montre."
"Mon français est plutôt rouillé"
Le petit discours de remerciement, prononcé dans la salle à manger de la communauté, est un moment de vérité ! La princesse n’a guère pratiqué la langue de Molière depuis son séjour de six mois au British Institute de Paris quand elle avait 16 ans ! "Mon français est plutôt rouillé", avoue-t-elle sans fausse honte. Cependant, elle franchira l’obstacle avec brio, méritant les félicitations de Julia Batters, directrice du lycée britannique de Paris : "Elle n’a fait aucune erreur. Sa prononciation est très anglaise, mais c’est normal." Après coup, Camilla confiera : "J’étais tellement terrifiée. Cela m’a vraiment enlevé des années de vie !"

Le soir, changement de décor, pour une garden party très chic sur le gazon impeccable de l’ambassade, rue du faubourg Saint-Honoré. Les Britanniques célèbres résidant en France ont été conviés à sabler le champagne, en dégustant de mini fish and chips, des cornish pastries et de non moins typiques breaksfast sausages, ainsi qu’une sélection de fromages. Entre autres invités, Camilla pourra discuter avec la cheffe cuisinière Rachel Koo, la romancière Joanne Harris ou encore le poète Michael Edwards, récemment élu à l’Académie française.
Chez Dior, avenue Montaigne, puis au Louvre
Le lendemain, mardi 28 mai, le soleil boude et le temps printanier de la veille a cédé la place à un crachin ininterrompu. Le programme commence par une visite à la caserne de la Garde Républicaine, boulevard Henri-IV, où cette cavalière émérite assiste à une revue équestre avant de visiter les écuries en connaisseuse.

Elle s’arrête ensuite au marché du boulevard Raspail, discute avec les commerçants et les clients, achète des abricots séchés et des robes pour sa petite-fille Eliza. "Faites-vous la cuisine ?" l’interroge une passante. "Bien sûr, quand j’ai le temps", répond Camilla sans se démonter.

Cette visite éclair se poursuivra, l’après-midi, par une visite chez Dior, avenue Montaigne. Reçue par Bernard et Hélène Arnault, l’épouse de Charles parcourt une petite exposition résumant les relations entre la maison de couture et l’Angleterre. Avec Sidney Toledano, président de Dior, et le directeur artistique Raf Simons, elle découvre le studio de création et les ateliers. Après cela, il faut accélérer le rythme pour "avaler" la dernière étape, au musée du Louvre.

Sous la conduite du directeur Jean-Luc Martinez, Camilla expédie en 25 minutes la Vénus de Milo, la Victoire de Samothrace, la galerie d’Apollon et la Joconde. "C’est fabuleux d’avoir ce tableau pour nous tout seuls, sans les visiteurs", s’extasie la "touriste" express avant de se précipiter vers la gare du Nord, pour l’Eurostar de 17 heures.
