Une longue missive personnelle. Sans précédent. Élisabeth II a pris sa plume pour marquer son jubilé de platine. Et le faire déjà entrer dans l’Histoire. Publiée la veille du 6 février, date de la disparition de son père en 1952, sa lettre évoque le passé, se félicite du présent et prépare l’avenir. En plus des remerciements adressés au peuple britannique et aux citoyens du Commonwealth pour leur soutien après la disparition de son époux le prince Philip, la reine y affirme deux points clés. Elle renouvelle le serment du Cap, fait le jour de ses 21 ans, "je continuerai de vous servir", une promesse, qu’elle souligne en signant la lettre, "your servant". Et surtout, elle assied définitivement le futur statut de la duchesse de Cornouailles : "Et quand mon fils Charles deviendra roi, je sais que vous lui apporterez à lui et à son épouse Camilla le même soutien que vous m’avez apporté ; et mon vœu le plus sincère est que, lorsque le temps viendra, Camilla soit reine consort et puisse continuer de servir avec loyauté." Quelques lignes plus haut, Sa Majesté rappelle l’importance de ce rôle d’époux ou d’épouse du souverain. "J’ai la chance d’avoir eu le soutien indéfectible et affectueux de ma famille. J’ai été bénie d’avoir eu avec le prince Philip un partenaire prêt à faire les sacrifices nécessaires pour être un consort dévoué. J’avais pu voir l’importance de ce rôle avec ma mère, tout au long du règne de mon père."
Plus que sa belle fille, une intime de la reine
En rappelant cette lignée, Élisabeth II marque sa confiance en Camilla et sa capacité à tenir cette place auprès du prochain roi. Cette annonce confirme la nouvelle position de la duchesse de Cornouailles depuis son élévation au rang de dame royale de l’ordre de la Jarretière, au mois de janvier 2022. Plus qu’une belle-fille, la duchesse de Cornouailles est une intime de la reine. La désignation des vingt-quatre chevaliers et dames, et d’un nombre restreint de membres de la famille royale, composant le plus ancien ordre de chevalerie britannique, créé en 1348, est à la discrétion du monarque. Y admettre Camilla était déjà une marque de grande confiance et de reconnaissance pour le chemin accompli depuis son mariage avec Charles, en 2005.

Au moment de l’annonce de cette union, en effet, le prince fait savoir que sa future épouse sera princesse consort lorsqu’il succédera à sa mère, et non pas reine, pour apaiser une opinion publique encore marquée par la disparition tragique de Diana. Trois ans plus tard, cependant, une modification presque imperceptible, mais révélatrice, est réalisée sur le site internet de Clarence House. Dans le menu, à la section questions-réponses, la phrase "Quel titre portera la duchesse de Cornouailles lorsque le prince Charles sera roi ?" est tout simplement supprimée. Il est vrai que le titre de princesse consort n’existe pas. Et il s’agit, pas à pas, d’installer la tranquille évidence que Camilla sera reine.
Camilla a conquis, lentement mais sûrement, l'opinion publique
Au fil des années, sa discrétion, son implication, sa loyauté ne sont pas seulement les instruments de sa reconquête de l’opinion publique. Ils dévoilent sa nature profonde. Des qualités qui sont appréciées par Élisabeth II. Sur le plan institutionnel, les cent parrainages d’associations, qu’il s’agisse de l’incitation à la lecture, des droits des animaux, ou de la lutte contre l’ostéoporose dont a été victime sa mère, ont fait de Camilla un pilier de la monarchie.
Ses visites et ses voyages officiels, toujours empreints de chaleur et de bienveillance, sont des réussites. Elle enchante ses hôtes par sa gentillesse et sa spontanéité. La duchesse de Cornouailles est issue du monde réel. Son pragmatisme s’est forgé à travers plus de cinquante années passées en bonne partie, avant son mariage princier, au plein air et à la campagne. La vie même dont aurait rêvé Élisabeth II si elle n’avait pas été reine.

Depuis deux ans et le début de la pandémie, son investissement pour soutenir le moral de la population est essentiel. Présente presque quotidiennement par écrans interposés pendant les confinements, Camilla gagne de plus en plus l’affection de l’opinion publique. À la suite du divorce de Charles, seuls 14 % des Britanniques l’appréciaient. Un chiffre porté aujourd’hui à 45 %. Nul doute, le soutien affiché aujourd’hui par la reine va finir de convaincre les sceptiques. Pour Élisabeth II, la volonté de la voir assise au côté de son fils avec le titre de reine consort n’est pas uniquement liée à son parcours sans faute. Elle est la conséquence de son attitude pleine de tact en toutes circonstances.
La "part non négociable" de la vie de Charles
La reine apprécie sa souplesse et son intelligence des situations. À l’image du 14 novembre 2021 pour la cérémonie du Jour du souvenir. Sur le balcon du Foreign Office, le ministère des Affaires étrangères, sur Whitehall, à Londres, Camilla se place sur la droite, comme en 2019, lorsque la reine était présente. Tandis que Catherine, duchesse de Cambridge, se positionne au centre et Sophie, comtesse de Wessex, sur la gauche. Selon des témoins, le choix des emplacements s’est fait naturellement. Un détail qui montre à la fois sa maîtrise du protocole et sa bonne entente avec sa belle-fille et sa belle-soeur.

Camilla, qui fêtera ses 75 ans au mois de juillet, œuvre à maintenir l’unité et la cohésion au sein du clan Windsor. De plus, Élisabeth II sait ce que sa bonne humeur et son efficacité apportent à l’héritier du trône. La duchesse de Cornouailles trouve les mots, les intonations, afin de lui apporter un peu de sérénité dans les moments de doute. Elle a été là pour le soutenir dans ses difficiles relations avec Harry, à la suite du Megxit. Elle s’efforce aussi d’être en bons termes avec les fils de son époux. William sait qu’elle sera toujours là pour réconcilier, jamais pour diviser. Et lui en sait gré.
Élisabeth II a conscience de tout cela. Au crépuscule de son règne, sa lettre du 5 février est une manière de testament. Une fois encore, elle ne songe qu’à servir et à transmettre. Elle use de son aura et de sa popularité sans égal pour asseoir le prochain règne. Car si elle règle la question du statut de reine consort de Camilla, elle affirme par là même que le prince de Galles, quel que soit son âge, lui succédera bien sur le trône. En son temps, Charles avait présenté Camilla à sa mère comme une "part non négociable" de sa vie. Aujourd’hui, Élisabeth II la présente aux Britanniques comme celle qui sera reine auprès de son fils. Car rien ne doit venir troubler la bonne marche de la succession au sein de la monarchie. Tel est le vœu suprême de Sa Très Gracieuse Majesté.
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