Archives. Le mariage de Harald et Sonja de Norvège

Il y a 50 ans, le 29 août 1968, le prince héritier Harald épousait Sonja Haraldsen. La cérémonie était plus simple que fastueuse, plus émouvante que grandiose. Six rois et chefs d'État étaient là, dans cette cathédrale de briques rouges qui, par son style et ses dimensions, est plus intime que solennelle. Voici comment, sous le ciel gris d'Oslo et sous les ovations de son peuple enthousiaste, Sonja est devenue S.A.R. la princesse héritière de Norvège. 

Par Point de Vue - 29 août 2018, 11h54

 La photo officielle des jeunes mariés posée au palais royal d'Oslo. La robe de Sonja est signée d'un très grand couturier norvégien du nom de Molstad.
La photo officielle des jeunes mariés posée au palais royal d'Oslo. La robe de Sonja est signée d'un très grand couturier norvégien du nom de Molstad. NTB Archive/Scanpix/Kongehuset.no

Si l'on devait établir une similitude entre les mariages royaux ou princiers des dix dernières années, auquel ressemblerait davantage celui du prince héritier Harald? À celui de Constantin et d'Anne-Marie? Non. Eux symbolisaient d'abord la jeunesse, Anne-marie devanant reine à 18 ans. À celui de Beatrix et Claus? Non. Il s'était déroulé sous le signe de la tempête politique. À celui d'Irène et de Hugues de Bourbon-Parme? Non. Il avait eu lieu en dehors du consentement de la famille de la mariée. À cleui d'Albert de Liège et de Paola? Non. C'était là une union faite pour le bonheur, et qui attendrissait tout le Gotha. 

Non. Aujourd'hui 29 août, à 17 heures et quelques minutes, Harald et Sonja, assis côte à côte dans la cathédrale baroque d'Oslo, au pied de l'autel paré d'une tapisserie rose, font irrésistiblement penser à un autre couple touchant de ferveur, de dévotion et d'amour: Beaudouin et Fabiola. Ce sont les mêmes attentions du marié envers la mariée, la même inquiètude parfois dans le reagrd, la même gravité. 

Six souverains et chefs d'État sont les témoins du bonheur du jeune couple

Dix-neuf voitures (et non pas des carrosses) amènent les 850 invités du Gotha, du corps diplomatique, du gouvernement et du Tout-Oslo à cette cathédrale de briques rouges dont les dimensions font davantage songer à la paroisse d’un gros bourg.

Les invités du mariage ont été accueillis par le prince héritier et sa fiancée la veille de la cérémonie. Collection Point de Vue

Il y a là le roi du Gustave-Adolphe de Suède, le roi Frédérik de Danemark et la reine Ingrid, le roi Baudouin, le grand-duc Jean de Luxembourg et la grande-duchesse Joséphine-Charlotte, le président de la République de Finlande et celui d’Islande, M. Kekkonen et M. Eldjern. Il y a aussi la princesse héritière Margrethe de Danemark et le prince Henrik, le prince Claus des Pays-Bas, accompagnés d’une multitude de cousins et cousines, à des degrés divers, du prince héritier.

Quelques membres aussi de la famille à Haraldsen conduite par Mme Dagny Haraldsen, très digne, belle et émouvante dans une longue robe de satin beige rebrodée de cristal, ne portant aucun bijou.

La mariée entre dans la cathédrale au bras du roi Olav V

Le marié pénètre dans la cathédrale avant la mariée, accompagné de son témoin, le comte Flemming de Rosenborg. Nerveux, grave, presque anxieux. Il porte l’uniforme bleu de capitaine, la poitrine barrée du grand cordon bleu et rouge de l’ordre de Saint Olav. Il prend place et son regard se tourne fréquemment vers l’entrée où Sonja n’apparaît pas… Quelques minutes de retard sur le protocole, et Harald semble plus inquiet que jamais!

Enfin, elle est là. Silhouette gracile qui fait une tache toute blanche aux côtés du roi Olav, massif, puissant, souriant, en grand uniforme général.

À partir de cet instant, le prince héritier ne cessera de couver des yeux sa princesse héritière. À partir de cet instant, les invités, le Gotha, le peuple norvégien ne cesseront de noter mille et une attentions des mariés et de la famille royale pour que cette cérémonie soit à la fois belle, simple et fasse œuvre de réconciliation entre tous.

D'abord, jusqu'à la dernière minute, on avait cru que Sonja serait conduite à l'autel par son frère, son père étant décédé voici cinq ans. Mais le roi Olav eut ce geste paternel qu'on attendait de lui.

Sonja a elle-même dessiné le modèle de sa robe, en soie blanche piquée de perles

La simplicité de la décoration florale à l'intérieur de l’église (roses, glaïeuls et marguerites blanches qui seront ensuite distribuées à 8.000 vieillards d’Oslo) va de pair avec la tenue de la mariée: une robe de soie blanche à manches longues piquée de perles, avec un voile de tulle long de cinq mètres qui s’achève en traîne carrée.

Il est un peu plus de 18 heures lorsque le "oui" timide de Sonja est prononcé, suivi du "oui" beaucoup plus assuré d'Harald. Collection Point de Vue 

C’est Sonja elle-même qui a dessiné le modèle (elle a fait des études de modélisme). Elle l’a fait exécuter par l’un des plus grands couturiers d’Oslo, Molstad, et non dans le magasin familial, comme l’avaient insinué de mauvaises langues… Son bouquet de mariée est fait de roses blanches. Elle ne porte aucun bijou. Pas même le plus léger diadème. Son voile est simplement retenu par quelques fleurs.

Harald et Sonja ont souhaité une cérémonie sobre mais émouvante

La cérémonie, de rite luthérien, est très brève: tous les jeunes mariés d’Oslo ont eu la même. Strictement. Seule, la qualité des chants est vraiment "royale": des cantiques chantés par les chorales estudiantines d’Oslo et par une cantatrice d’opéra réputée: Aase Nordmo Lovberg.

C'est l'évêque de la capitale, le docteur Fridjof Birkeli, qui reçoit le consentement des époux et les bénit. À la fin de son sermon, une phrase très importante aux yeux du Gotha: "Un nouveau lien très fort vient de se forger entre la famille royale et le peuple norvégien."

L’instant le plus émouvant: lorsque la nouvelle princesse Sonja se retourne vers le roi Olav et lui fait la révérence. Lorsque, quelques instants plus tard, elle passera à nouveau devant lui, le souverain, contre toute attente, l’embrassera.

Au moment où le couple, main dans la main, descends l’allée centrale, toutes les cloches de la capitale se mettent à sonner et deux salves de vingt et un coups de canon sont successivement tirés.

Le peuple norvégien acclame avec ferveur ses futurs souverains sur le parcours 

Harald et Sonja sont encore un peu crispés lorsqu’ils montent en voiture. Leur sourire n’éclatera vraiment qu’en parcourant au pas la Johansgate, l’artère élégante de la capitale qui mène au palais royal. Lorsqu’ils s’apercevront, derrière la haie d’honneur formée par 2.800 soldats, les cent mille personnes massées et enthousiastes, ils auront les larmes aux yeux.

2.800 soldats de toutes les armées font une grandiose haie d'honneur à la Cadillac décapotable qui conduit les jeunes mariés de la cathédrale au palais royal. Plus de 100.000 personnes sont venues contempler ce spectacle. Collection Point de Vue

Il y a là tous les échantillons de la population: les très jeunes qui sautent de joie, clament: "Vive Sonja!" et brandissent des photos du jeune couple. Les moins jeunes qui, curieusement, alors que le mariage s'est déroulé très simplement, se sont "endimanchés" pour voir passer leurs futurs souverains. Tous les bureaux, les magasins ont fermé spontanément à 15h, alors que la journée n’est pas chômée. On ne veut pas manquer le spectacle!

Un dîner frugal, un grand bal inoubliable et enfin, la lune de miel aux Bahamas

Il est 19 heures lorsque les mariés arrivent au palais. Quelques instants de repos, et ce sera le dîner, servi dans la salle à manger d’apparat. La table est décorée de roses roses le menu plus frugal que royal: soupe de queue de bœuf, saumon et glace. Le gâteau seul fait exception par ses dimensions.

Il a sept étages, deux mètres de haut; il pèse 120 kilos et sa confection a nécessité 26 kilos de fruits, 50 kilos de massepain, un demi-litre de rhum, dix kilos de beurre et 200 oeufs. Sonja le découpe à la baïonnette, laissant –selon une ancienne coutume norvégienne– le dernier étage, qui sera dégusté pour les noces d'argent. Le cuisinier affirme qu'il sera encore délicieux.

Tout le monde s'apprête enfin pour la grande fête tant attendu: le grand bal du mariage. Pareil événement ne s’était pas déroulé au palais royal d’Oslo depuis la mort de la princesse Märtha, en 1954.

Les mariés ouvrent le bal sur une valse spécialement composée en leur honneur par le compositeur norvégien Reidar Thommessen, âgé de 75 ans. Le titre convient parfaitement: "Ecoutez la voix de votre cœur"…

Le repas de mariage est rapide et sobre: c'est Sonja elle-même qui l'a voulu. Collection Point de Vue 

Il est minuit à l'instant du départ en voyage de noces. Le roi Olav et Mme Haraldsen regarderont s’éloigner le Norge, jusqu’à ce qu’il ne soit plus qu’un tout petit point blanc à l’horizon. Le somptueux yacht, qui avait été offert au roi à l’occasion de son cinquantième anniversaire, les emmène vers une destination inconnue pour le protocole, mais qui est cependant connue de tous: les Bahamas. Ensuite, il était prévu que le prince héritier, grand sportif et fervent de yachting, participe aux jeux Olympiques de Mexico.

Les noces d'Harald et Sonja ont failli être annulées à plusieurs reprises

Ce mariage, achevé en apothéose a failli plus d’une fois être compromis. Il y a eu d'abord les événements de Tchécoslovaquie. Aussitôt, le roi, en accord avec le gouvernement, décida d'annuler le grand bal qui devait ouvrir les festivités. Ce fut un drame pour les trois cents dames de la haute société norvégienne qui avaient toutes commandé de somptueuses toilettes.

Sonja, elle aussi, pour ce jour là, avait fait une exception: elle avait choisi chez Balmain une robe de soie bleu pâle et elle espérait pouvoir arborer le bijou que venait de lui offrir son fiancé: un collier de diamants, joyau de la famille royale norvégienne.

Au lieu de ce grand bal de cour, il y eut, le lendemain matin, l'annonce tragique de la mort de la duchesse de Kent au palais de Kensington. Ce deuil frappa cruellement le roi Olav: des liens amicaux l’unissaient depuis toujours à cette grande dame, très douce et très élégante.

Absente, la famille Windsor pleurait le décès de la duchesse de Kent 

La princesse Marina était veuve depuis quinze ans lorsque mourut d’un cancer, en 1954, la princesse Märtha, épouse du prince héritier Olav. Quelques années plus tard, le roi tentait une démarche auprès de la princesse et lui demandait sa main. La reine mère Elisabeth plaida la cause du souverain. Mais en vain. Marina se déclara très honorée, mais affirma qu’elle se devait d’abord à l’éducation de ses trois enfants.

Le secret de la maladie de la duchesse de Kent fut bien gardé: même pour le roi Olav qui apprit presque en même temps la nature de sa maladie et son décès. Il fut...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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