Massés sur la place Stortovet, malgré un ciel menaçant, des milliers de Norvégiens attendent l’arrivée de Mette-Marit. Son père, le journaliste Sven O. Hoiby, en queue-de-pie, est déjà installé dans le chœur de la cathédrale Saint-Sauveur d’Oslo. Il ne conduira pas sa fille à l’autel. Haakon, le fiancé, lui a demandé de lui abandonner ce privilège. Un peu avant 17 heures, les cloches sonnent à toute volée. Sanglé dans son uniforme d’officier, gants blancs, épée au côté et la poitrine constellée de décorations, le prince héritier s’avance sur le tapis rouge. Souriant, il donne très solennellement le bras à sa fiancée qui descend de la limousine.
Plus surprenant encore pour une union royale, la présence d’un petit page blond, qui n’est autre que le fils de la mariée. Marius, 4 ans, écarquille les yeux quand paraît sa maman. Elle est belle comme une princesse de conte de fées. Inspirée de celle du mariage de la reine Maud, l’arrière-grand mère d’Haakon, la robe est l’œuvre du Norvégien Ove Harder Finseth. Manches gaines, décolleté carré, le couturier a fait couper et coudre cent vingt-cinq mètres de tulle de soie, fixés sur du crêpe de soie, pour réaliser cette tenue à la ligne "moyenâgeuse". La traîne est relativement courte, et le voile, de six mètres, est fixé sur un chignon rond.
Mette-Marit porte une tiare ancienne composée de vingt-trois rosettes en diamants montées sur platine, présent de ses beaux-parents. L’étonnant bouquet en chute, dans les tons de rose tendre, se compose de roses, d’hortensias, d’orchidées, de perles et d’éclats de métal.
Huit-cents invités célèbrent en ce jour "la victoire de l’amour", comme le martèle Gunnar Staalsett, l’évêque d’Oslo. Le prince héritier s’est battu contre vents et marées pour avoir le droit d’épouser la femme qu’il aime. Et le prélat insiste sur la force de caractère de cette jeune Norvégienne qui a dû résister aux attaques incessantes des champions de la vertu : "Tu démontes aujourd’hui ton courage en disant oui à cette nouvelle destinée. Tu ouvres un nouveau chapitre de ta vie. Suis le chemin de ton cœur."
Un véritable mariage d'amour
Le profil peu comme de la future reine, ancienne "raveuse" et mère célibataire, n’a pas dissuadé les souverains d’Europe. Margrethe II de Danemark, endiamantée comme jamais, est arrivée en compagnie de Carl XVI Gustav et Silvia de Suède. Le roi Albert II des Belges et la reine Paola précèdent les souverains luxembourgeois. Constantin et Anne-Marie de Grèce soutiennent également leurs cousins norvégiens. Sophie d’Espagne est au bras de son fils, l’infant Felipe, prince des Asturies. Et le marquis des Baux, Albert de Monaco, comme le prince de Galles, Charles d’Angleterre, représentent leurs souverains parents, Rainier III et Elizabeth II. Tous témoignent de l’évolution des mentalités dans les familles royales.
Le couple agenouillé ne se lâche que rarement la main durant la cérémonie ponctuée d’intermèdes musicaux du saxophoniste de jazz Jan Garbarek. Pour la première fois dans un mariage royal, le choix de la chanteuse Mari Boine rend hommage à la minorité samie, le peuple ancestral des régions septentrionales de la Scandinavie, indûment appelé "lapon".
Quand l’évêque protestant, la main sur leurs têtes, bénit Haakon et Mette-Marit, ils prononcent le ja sacramentel. Le couple échange de simples alliances d’or blanc, offertes par la guilde des orfèvres norvégiens et dessinées par Ester Helen Slagsvold. À l’intérieur sont gravés les mots "Bonne chance".
Haakon exulte, il exprimera bientôt publiquement sa joie à Mette-Marit: "Maintenant tu n’es plus mon amie, ma petite amie, ni même ma fiancée. Maintenant nous sommes mariés, et tu es la princesse héritière de Norvège." Dans la foule, la nouvelle "altesse royale" est décorée par son beau-père de l’ordre de Saint-Olav, le plus prestigieux de la monarchie norvégienne.
La mariée regrette ses erreurs de jeunesse
Lui-même contraint de patienter neuf ans avant que son père, Olav V, ne l’autorise à épouser la "trop roturière" Sonja Haraldsen, le roi soutient son fils sans conditions. A ceux qui s’indignent en ce jour de la trop grande faveur faite à la jeune mariée, Harald V oppose le droit à l’amour. Il n’imagine pas d’en priver son fils. Mette-Marit, qu’Haakon a rencontré dans un festival de musique, en 1999, a droit au pardon, comme tout autre. Elle a d’ailleurs regretté ses "égarements" de jeunesse: "J’ai évolué dans un milieu où de nombreuses limites ont été dépassées et j’en suis désolée. J’ai vécu des expériences que j’ai chèrement payées."
Cette pénible, mais nécessaire confession publique, orchestrée quelques jours avant le mariage, a gagné l’opinion au jeune couple. Et quand, à 18h, le lourd portail de la cathédrale s’ouvre pour la sortie du cortège, ils sont plus de cent mille, dans les rues de la capitale, à hurler leur joie. Les petits drapeaux norvégiens s’agitent frénétiquement au-dessus des têtes, coiffées pour certaines de casques vikings.
Haakon et Mette-Marit prennent place dans la superbe Lincoln Continental noire décapotable. La même qui servit, il y a plus de trente ans, pour le mariage d’Harald et Sonja. Escortée par la garde royale à cheval, la voiture remonte lentement l’avenue Karl-Johansgate, pavoisée, sous les acclamations de la foule.
Tous ceux qui attendent depuis des heures sur la place du "Slottet", le palais royal d’Oslo, ne seront pas déçus. Quand Haakon et Mette-Marit apparaissent à l’imposante colonnade du fronton, ils n’échangent pas un, mais cinq baisers, aussi tendres que passionnés. Intrigué par la liesse de la foule, le petit Marius veut être de la fête. Sans hésiter, sa mère le prend dans ses bras, mais le garçonnet, soudain impressionné par cette marée humaine, n’ose pas saluer.
Le prince et son épouse quittent le balcon pour la salle de bal où résonnent déjà les premières mesures d’une valse anglaise, interprétée par l’orchestre Prime Time. Le banquet est simple, mais raffiné: coquilles Saint-Jacques prince de Norvège, turbot au four et purée de chou-fleur, filet d’agneau accompagné de girolles à la crème et parfait à la Mette-Marit noyé d’un coulis de mûron arctique.
À 23h45, le couple découpe au sabre l’impressionnant gâteau nuptial de sept étages. Détail amusant, tous les angles de l’édifice meringué se terminent en proues de drakkar, par des têtes de dragons. Haakon et Mette-Marit vont discrètement s’éclipser pour leur nuit de noces, à Düsseldorf, avant d’aller à New York se noyer, anonymes, dans la foule de la Grosse Pomme.
Depuis, la polémique sur le mariage de l’héritier est retombée comme un soufflet. Deux petits princes, Ingrid, l’héritière, née en 2004, et Sverre, en 2005, ont rejoint leur grand frère Marius au palais de Skaugum. Ils ont grandi dans ce grand parc, sur les hauteurs d’Oslo, où le prince Haakon avant eux a "accroché ses souvenirs d’enfance aux branches des arbres."
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