Pierre Casiraghi et Boris Herrmann à l'assaut du Vendée Globe

En 2014, le fils de la princesse de Hanovre et le marin hambourgeois s’étaient lancé un sacré défi: engager un bateau aux couleurs du Yacht-Club de Monaco dans la plus mythique des courses au large, le Vendée Globe, tour du monde en solitaire d’ouest en est, sans escale ni assistance. À quelques jours du départ de la 9e édition, ce 8 novembre, le skipper de Seaexplorer-Yacht-Club de Monaco et son premier supporter confient leurs espoirs et leur enthousiasme.

Par Marie-Eudes Lauriot Prévost - 06 novembre 2020, 07h20

 Boris Herrmann, 39 ans, s’apprête à prendre le départ en solitaire du Vendée Globe, soutenu à distance par Pierre Casiraghi.
Boris Herrmann, 39 ans, s’apprête à prendre le départ en solitaire du Vendée Globe, soutenu à distance par Pierre Casiraghi. © Martin Messmer

Nous sommes quasiment à la veille du départ, s’il est maintenu. Quel est votre état d’esprit?

Pierre Casiraghi: Quelle aventure! Nous l’avons évoquée la première fois à Kiel en 2014. Depuis, cette équipe et ce projet ont abouti à force de beaucoup de travail et de chance aussi, puisque des partenaires nous ont suivis. Et surtout grâce à un marin organisé, qui a envie d’y aller et se donne à fond pour cette course. Nous sommes super-contents. Il ne reste plus que Boris parte pour que notre rêve se réalise.

Boris Herrmann: Au départ, nous nous étions dit qu’il y avait treize caps à passer: monter une équipe, trouver des partenaires, comprendre le fonctionnement des Imoca, se qualifier –nous sommes l’équipe qui a le plus navigué avec neuf transats en quatre ans. Dont celle de l’été 2019 pour emmener Greta Thunberg à New York. Aujourd’hui, 80% de la réussite de ce défi est déterminée par la qualité de l’équipe qui a préparé la course. C’est vraiment un sport d’équipe, même, si à la fin, je suis seul pour faire passer les trois derniers caps au bateau: Bonne-Espérance, Leeuwin en Australie et le mythique Horn, bien sûr. On peut rajouter deux autres caps, celui du départ où il faut être prudent avec 33 bateaux sur la ligne. Enfin, le 6 novembre, tous les skippers se soumettront au test Covid19. Seuls les négatifs pourront prendre le départ.

Quelles sont les chances de Seaexplorer-Yacht-Club de Monaco ?

Pierre Casiraghi: Dans le sport, tout est possible, et en voile encore plus. Sur le papier, je dirais que nous sommes dans le top 10. À l’issue de toutes les courses que nous avons courues avec Boris, nous sommes arrivés dans les cinq premiers. Alors… Et surtout, je serai heureux que Boris termine la compétition. Le but est vraiment de participer jusqu’au bout.

Boris Herrmann: Depuis le départ, notre objectif est de faire une course solide. Au cours des huit précédentes éditions, 46% des bateaux engagés ne sont pas arrivés au bout. Nous allons tout faire pour franchir la ligne d’arrivée aux Sables. Il y a 33 concurrents au départ, dont 8 bateaux neufs et 3 plus anciens et très bien préparés dont nous faisons partie.

Présentez-nous Seaexplorer-Yacht-Club de Monaco…

Boris Herrmann: Il s’agit d’un monocoque de 18,288 mètres de la catégorie Imoca construit il y a cinq ans. Depuis deux ans, nous l’avons optimisé en l’équipant de foils en V, plus larges que ceux des bateaux nouvelle génération, mais plus confortables en gros temps. À certaines allures, nous tenons vraiment la cadence avec les meilleurs. L’intérieur est très spartiate, mais Pierre a tenu à installer un siège de pilotage tout confort, équipé d’une ceinture de sécurité pour éviter de se cogner en cas de choc. En solitaire, on est souvent à l’intérieur pour travailler à la navigation.

Seaexplorer-Yacht-Club de Monaco en pleine préparation dans une mer formée. Le monocoque de 18,288m est muni de foils qui lui permettent de planer au-dessus de l’eau et de dépasser ainsi les 30 nœuds en vitesse de pointe. © Jean-Marie Liot
Seaexplorer-Yacht-Club de Monaco en pleine préparation dans une mer formée. Le monocoque de 18,288m est muni de foils qui lui permettent de planer au-dessus de l’eau et de dépasser ainsi les 30 nœuds en vitesse de pointe. © Jean-Marie Liot

Pourquoi ne pas lui avoir laissé son nom de Malizia II?

Pierre Casiraghi: Le Yacht-Club de Monaco accompagne l’équipe depuis le début, mais il nous fallait un vrai budget pour aller au bout. Nous avons dû prouver que nous étions compétitifs, organisés et professionnels. Il y a deux ans, Kuehne+Nagel, géant allemand du transport maritime, a décidé de nous suivre, entraînant dans son sillage d’autres compagnies comme MSC et MA CGM. D’où ce nom de Seaexplorer, qui résume bien le projet sportif et scientifique.

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Quels sont vos objectifs sportifs?

Boris Herrmann: J’ai de la nourriture pour 80 jours et je peux aller jusqu’à 100 jours sans trop de sacrifices. Si tout se passe bien, on peut imaginer une course en moins de 70 jours. Lors de la dernière édition, Armel Le Cléac’h a gagné en 74 jours avec un bateau assez similaire, mais avec des foils plus petits. Nos bateaux ont gagné en vitesse. Tout dépend du sud. S’il fait plus chaud, les vents sont plus forts et font dériver la glace vers le nord, ce qui agrandit la zone de risque et peut rallonger la course de plusieurs jours.

Le Monégasque et le Hambourgeois se sont rencontrés en mer il y a six ans et ne cessent depuis de rêver aux plus belles navigations. © Martin Messmer
Le Monégasque et le Hambourgeois se sont rencontrés en mer il y a six ans et ne cessent depuis de rêver aux plus belles navigations. © Martin Messmer

Pour vous deux, cette course se double d’un projet scientifique…

Boris Herrmann: Nous partageons avec Pierre une même curiosité et à force de passer beaucoup de temps en mer, nous nous sommes demandé quel rôle jouait l’océan dans le réchauffement climatique actuel. Nous avons eu la chance de rencontrer des scientifiques qui nous ont confié un laboratoire à bord depuis deux ans. Il s’agit d’une machine de 18kg, capable de mesurer la température de la mer avec une grande précision, la salinité de l’eau, son pH, et le plus difficile, la teneur en CO2 à la surface de l’océan. À chaque sortie, même en vol à 30 nœuds de vitesse, nous revenons avec une base de données identique à celle d’un grand bateau de recherche. Ces données ont été acceptées par les grands instituts scientifiques, l’institut Max-Planck, l’Ifremer à Brest, Geomar…

Pierre Casiraghi: Jusqu’à présent, la recherche a eu tendance à séparer l’air et la mer, alors qu’ils ne font qu’un et échangent constamment leurs molécules. Cela peut paraître étrange, mais, jusqu’à présent, peu de données ont été récoltées dans les mers du Sud. Aujourd’hui, les scientifiques sont demandeurs de données. Envoyer des bateaux dans ces zones coûte cher et notre projet n’est pas un gadget. Nous voulons avec Boris être une petite goutte d’eau dans la mer des récoltes scientifiques et participer à la compréhension des océans et du monde en général. Cette démarche s’accompagne d’un programme éducatif mené avec les enfants de Monaco. Nous avons publié un livre pour les écoles, traduit en huit langues, que tout le monde peut télécharger sur le site team-malizia.com.

Pierre, vous inscrivez-vous dans l’héritage de votre ancêtre le prince Albert Ier?

Pierre Casiraghi: Je suis évidemment marqué par l’histoire du prince Albert Ier, comme beaucoup de membres de ma famille et l’ensemble des Monégasques, à vrai dire, qui connaissent le musée Océanographique de Monaco par cœur. Sa philosophie, son approche avant-gardiste de la mer sont un exemple pour nous tous. Surtout, je suis fier que la principauté soit présente au départ de cette course mythique pour la première fois. Tout le pays est derrière Boris.

En quatre ans, l’équipage de Seaexplorer a couru l’équivalent de neuf transats pour pouvoir se qualifier pour le Vendée Globe. © Martin Messmer
En quatre ans, l’équipage de Seaexplorer a couru l’équivalent de neuf transats pour pouvoir se qualifier pour le Vendée Globe. © Martin Messmer

Justement, n’aviez-vous pas envie de prendre le départ?

Pierre Casiraghi: Forcément un peu… J’aime l’esprit d’aventure, ces moments difficiles où il faut trouver la force d’aller de l’avant, de pousser les limites, de forcer le bateau, de le réparer et de remettre les voiles. Mais pour être franc, je n’ai pas le niveau de Boris, ni son expérience ni sa force mentale pour me lancer dans un tour du monde en solitaire. Sans parler du fait que j’ai une famille maintenant, avec deux enfants petits. Ce serait impossible pour moi de les laisser pendant une si longue période. Plus tard peut-être, quand ils seront grands. Mon rôle maintenant est de soutenir Boris par tous les moyens, y compris de lui parler dans les moments difficiles, essayer de le faire rire, de lui faire comprendre que même si le monde est à l’arrêt, il faudra qu’il continue à lui tourner autour.

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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