Margrethe II, ses noces d'or avec la couronne danoise

Plus épanouie que jamais, celle qui n’était pas née pour régner, aborde son jubilé avec une cote de popularité au plus haut. Figure respectée, grand-mère modèle, artiste accomplie, Margrethe II traverse son règne depuis 1972 avec la jovialité d’une femme libre.

Par Angélique d'Erceville - 14 janvier 2022, 06h45

 Le 14 janvier 2022, Margrethe II de Danemark célèbre ses 50 ans de règne.
Le 14 janvier 2022, Margrethe II de Danemark célèbre ses 50 ans de règne. © Per Morten Abrahamsen

Sur la planche de timbres émise à l’occasion du jubilé, deux visages se font face. Toutes décorations dehors et port altier, la Margrethe de 2022 observe du coin de l’œil son alter ego de 1972, comme pour mesurer le chemin accompli. Bien que cinquante ans séparent les deux dessins, l’effet miroir est saisissant.

Emission de timbrs pour les 50 ans de règne de la reine Margrethe II de Danemark
Feuillet de timbres pour les 50 ans de règne de la reine Margrethe. © @Detdanskekongehus/PostNorth

Certes, la chevelure a blanchi, la robe est moins sévère et une discrète paire de lunettes est venue se superposer au regard bleu. Surtout, le visage lisse de la trentenaire a laissé place à celui d’une octogénaire épanouie, assumant ses rides du sourire. C’est là le plus frappant : plus les années passent et plus Margrethe II semble épanouie ! Une reine solaire.

Une enfance heureuse entourée de ses parents et ses soeurs

Ce destin, elle le doit peut-être aux conditions particulières de sa naissance. Alors que l’Allemagne vient d’envahir le Danemark, le roi Christian X et sa famille ont refusé de fuir. Dans la nuit du 16 avril 1940, Ingrid, l’épouse du prince héritier Frederik, donne naissance à son premier enfant : Margrethe, Alexandrine, Torhildur, Ingrid. Le nouveau-né est perçu par les Danois comme une lumière dans la nuit. Quelques années plus tard, deux sœurs suivront, les princesses Benedikte et Anne-Marie.

Le prince héritier (futur roi Frederik IX) et sa fille la princesse Margrethe en 1942.
La princesse Margrethe et son père, le prince héritier Frederik, en 1942. © Collection Point de Vue

La fratrie 100 % féminine bénéficie d’une enfance heureuse, loin du carcan d’une éducation royalement stricte. Les étés, dans la résidence de Graasten, et les fêtes de Noël, dans le pavillon de chasse dans le Jutland, sont très joyeux. "Mon père aimait ce qui était lumineux et tenait à donner un air de fête aux choses les plus banales", raconte Margrethe. Lorsqu’elle a 7 ans, les choses changent : son père accède au trône sous le nom de Frederik IX. Puis lorsqu’elle a 13 ans, l’abrogation de la loi salique la catapulte en princesse héritière et change son destin — tandis que le frère cadet de son père, le prince Knud, perd ses prérogatives.

Les princesses Margrethe, Benedikte et Anne-Marie de Danemark posent ensemble en 1951.
La princesse Margrethe et ses soeurs cadettes, les princesses Benedikte et Anne-Marie, en 1951. © Collection Point de Vue

Mais cette idée n’est pas pour rassurer la jeune Margrethe, qui prie pour que son père vive le plus vieux possible... "Avant d’être reine, j’appréhendais ce rôle", confie-t-elle à Point de Vue en l’an 2000. "Comme toute personne qui a devant elle quelque chose de difficile à assumer et qui sait que les gens attendent beaucoup d’elle." Au fil des ans, la jeune femme se fait une raison. Elle comprend notamment qu’elle pourra rester vivre dans son cher pays, contrairement à ses sœurs qui épouseront un prince allemand et un roi des Hellènes et les suivront dans leurs pays respectifs.

À seulement 31 ans, margrethe est la nouvelle souveraine du danemark

Son bac en poche, la princesse héritière démarre des études de philosophie et de droit international à l’université d’Aarhus. Férue de dessin, c’est dans les croquis de costumes et la création de décors de théâtre qu’elle révèle ses talents. En 1966 à Londres, Margrethe rencontre Henri de Monpezat, un jeune attaché d’ambassade français. Ils se reverront à Paris, où elle fréquente la Sorbonne, tandis que le jeune diplomate est en poste au Quai d’Orsay.

La princesse héritière n’est pas reine de la patience. Plutôt que d’attendre les circonvolutions du jeune homme, de six ans son aîné, Margrethe fait elle-même la demande en mariage. Le 10 juin 1967, c’est dans l’intimité de l’église des marins de Copenhague, Holmens Kirke, que la princesse héritière et le diplomate français se disent "ja". Ce jour-là, Henri, Marie, Jean, André de Laborde de Monpezat devient le prince Henrik de Danemark.

Margrethe II et Henrik de Danemark se sont dits "oui" il y a 50 ans, le 17 juin 1967.
Célébré le 10 juin 1967, le mariage de Margrethe II et Henrik de Danemark est un des plus beaux mariages du gotha. © Polfoto/ ABACA

Cinq ans plus tard, la vie du couple change de dimension. Alors que leurs garçons, Frederik et Joachim, n’ont encore que 3 et 2 ans, le décès du roi, qui succombe aux conséquences d’une mauvaise grippe, exige que Margrethe accède au trône. Le 14 janvier 1972, alors que le pays pleure son roi défunt et elle son père chéri, Margrethe ne fléchit pas. Fidèle au rôle qui lui incombe, la jeune femme de 31 ans apparaît au balcon du palais d’Amalienborg, signe qu’elle accepte la fonction. Une nouvelle vie démarre.

Le 15 janvier 1972, la nouvelle souveraine salue la foule depuis le balcon du palais de Christiansborg.
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Aux yeux du monde, elle devient Margrethe II, première reine de Danemark depuis le XVIe siècle. Sa devise : "L’aide de Dieu, l’amour du peuple et la force du Danemark." Tous les étés pourtant, cette bonne vivante et fumeuse invétérée quitte son pays pour aller se ressourcer en France, dans le château de Cayx, qu’elle et le prince Henrik ont acheté, près des terres Monpezat. L’anonymat dont la reine bénéficie dans les villages alentour et sur les marchés lui donne l’énergie pour tous les défis qui l’attendent.

"L’essence même de la monarchie héréditaire est l’engagement d’une vie"

Mais les étés heureux dans ce refuge ne suffisent pas à panser le mal-être d’Henrik qui supportera toujours difficilement le rôle de second plan que lui réserve la vie de prince consort. Il fera de l’obtention du titre de roi, le dernier combat, perdu, de sa vie. Apothéose médiatique de cette croisade malheureuse, l’interview coup de poing qu’il donne au quotidien Berlingske Tidende en 2002 : "Après trente ans à la cour danoise, je suis souvent vu comme le numéro trois. Le prince héritier a souvent pris ma place. Si cela doit se passer de cette façon, je ne veux plus faire partie de ce jeu. Je suis le numéro deux de la Cour et je le resterai."

Le prince consort Henrik de Danemark embrasse sa femme la reine Margrethe en janvier 2012
Même s’il soutient son épouse, Henrik maudit son statut de prince consort. © Dana Press / Abaca

Quelques mois avant sa mort en 2018, le père de Frederik et Joachim demandera même à ne pas être inhumé dans la nécropole royale avec son épouse... Ce n’est qu’à sa mort que Margrethe accédera à une partie de ses demandes. Aux funérailles, la reine s’incline même devant le cercueil de son défunt époux, comme jamais auparavant.

Les funérailles d'Henrik de Danemark le 20 février 2018 au château de Christiansborg
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Connue pour son caractère bien trempé, la princesse des glaces n’a pas l’habitude de céder. Celle qui admet ne pas avoir été une mère idéale, par manque de patience, se rattrape aujourd’hui en jouant les grands-mères modèles. Avec huit petits-enfants, la reine prend son rôle très à cœur. Si elle ne manque jamais une occasion d’épauler Christian, le fils aîné du prince héritier, elle passe aussi du temps avec ses cousins, essayant de leur transmettre sa fibre artistique.

© Franne Voigt, Kongehuset
La reine et la famille du prince héritier lors de la confirmation de Christian de Danemark, en mai 2021. Avec ses...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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