Marie Gabrielle de Savoie: "L’histoire de mes ancêtres me passionne"

Depuis 1986, elle préside la fondation portant le nom de ses parents, le roi Umberto II et Marie-José de Savoie. La princesse Marie Gabrielle de Savoie a reçu Point de Vue dans sa résidence genevoise, où se trouvent les archives de la fondation dont elle nous a ouvert les portes. Une rencontre chaleureuse, dont chaque échange devenait prétexte à une savoureuse leçon d’histoire sur la famille de Savoie.

Par Emmanuel Cirodde - 12 octobre 2020, 07h15

 La princesse Marie Gabrielle de Savoie à son domicile genevois, face à un buste représentant sa mère, Marie-José de Savoie.
La princesse Marie Gabrielle de Savoie à son domicile genevois, face à un buste représentant sa mère, Marie-José de Savoie. © David Nivière

Madame, avant d’en venir à l’évocation de vos actions à la tête de la fondation, comment avez-vous vécu, ces derniers mois, la période que nous traversons?

S.A.R. la princesse Marie Gabrielle de Savoie: On finit par s’habituer, on développe le "complexe de la cabane", qui consiste à s’attacher à sa maison en s’occupant des choses plus à fond. J’ai beaucoup lu et continué de faire mes collages. J’ai aussi passé beaucoup de temps au jardin. Le temps passait finalement très vite. Lors du confinement, ma fille et mes petits-enfants m’ont en revanche beaucoup manqué. Je ne pouvais pas les voir en raison du risque de contagion.

Comment avez-vous réagi à ces images si dures qui nous sont venues d’Italie pendant le printemps?

C’était terrifiant. Il semble que les choses se calment, les gens font plus attention mais est-ce encore assez? La même question se pose partout, notamment en Suisse. Il faudrait qu’un vaccin soit trouvé pour que nous retrouvions notre liberté et notre sérénité.

Marie Gabrielle de Savoie pose devant des gravures représentant les comtes, ducs et rois de Sardaigne. © David Nivière
Marie Gabrielle de Savoie pose devant des gravures représentant les comtes, ducs et rois de Sardaigne. © David Nivière

Avez-vous été sensible aux actions de votre neveu, le prince Emanuele Filiberto de Savoie, qui a réuni cet été de nombreuses personnalités influentes en Italie, à l’occasion de séminaires, afin de réfléchir à l’avenir du pays?

Je reconnais ne pas avoir suivi cela dans le détail. Mais je pense que ce qu’il accomplit est très bien. C’est un garçon plein d’idées et je lui souhaite de les concrétiser.

Vous avez récemment rendu visite à votre frère, le prince Victor-Emmanuel de Savoie, qui réside également à Genève.

Oui, il a souffert du dos cet été, comme nous tous, mais cela s’est amélioré, il va beaucoup mieux. Mon frère est toujours de bonne humeur, c’est un fait, et je m’entends très bien avec lui. Nous avons eu des hauts et des bas, des discussions mais comme cela arrive dans toutes les familles, il me semble. Si l’on ne se dispute pas un peu, on s’aime moins. Ensuite, on fait la paix et on s’aime beaucoup (rires). Nous partageons beaucoup de sujets de discussion. La montagne, nos années passées, quand il étudiait à l’Institut Le Rosey, les vacances au Portugal… Nous partageons beaucoup de souvenirs.

Le prince Victor-Emmanuel de Savoie et sa sœur la princesse Marie Gabrielle, à Genève. © David Nivière
Le prince Victor-Emmanuel de Savoie et sa sœur la princesse Marie Gabrielle, à Genève. © David Nivière

Avez-vous abordé la querelle dynastique qui vous a un temps opposés, liée à votre soutien au duc d’Aoste?

Non, nous n’en avons pas parlé. Je préfère m’occuper de l’histoire de la famille. Les disputes dynastiques m’intéressent un peu moins. Mon père tenait absolument à créer un musée de la Dynastie, que ce soit en France, en Italie ou en Suisse, trois pays liés à la maison de Savoie. À sa mort, je me suis jurée que j’allais le faire à sa place. Et cela a débuté en 1986.

Et c’est finalement chez vous, à Genève, que sont regroupées les archives de la Fondation Humbert II et Marie -José de Savoie…

L’histoire de mes ancêtres, les comtes et ducs de Savoie, me passionne. La région regorge de souvenirs. Au XIIIe siècle, Pierre II de Savoie, que l’on appelait "le petit Charlemagne", avait conquis par la seule diplomatie le pourtour du lac Léman. Les suivants ont certes tout reperdu. Je pense aussi au château de Ripaille, où Amédée VIII s’est retiré avec ses chevaliers au début du XVe siècle pour devenir prêtre, puis pape. De nombreuses histoires sont liées à Genève, qui n’a jamais voulu être sous le joug des Savoie. On y célèbre d’ailleurs la fête de l’Escalade, commémorant la tentative infructueuse de Charles-Emmanuel Ier de prendre la ville.

La princesse Marie Gabrielle de Savoie chez elle, entourée de photos de famille. © David Nivière
La princesse Marie Gabrielle de Savoie chez elle, entourée de photos de famille. © David Nivière

Le fonds de la fondation continue-t-il de s’agrandir?

Oui, nous avons reçu beaucoup de donations d’Italiens en souvenir de leur amitié avec mon père. Nous possédons ainsi 11.000 gravures ayant trait aux personnages de la maison de Savoie et aux personnes qui ont travaillé pour elle, parmi lesquels des graveurs, peintres, sculpteurs…

Y a-t-il un objet qui, à vos yeux, revêt une importance particulière, sur les plans personnel et historique?

J’ai conservé pour moi une miniature de François-Hyacinthe, le fils de Christine de France, mort à l’âge de 6 ans. Mon père l’avait acquise en 1932, dans une vente à Drouot. Elle représente l’enfant agenouillé devant le saint suaire [qui fut la propriété de la dynastie pendant 530 ans] j’y tiens beaucoup. Sur le plan historique, la fondation possède de très beaux livres relatant l’histoire de la maison et réalisés au XVIIe siècle par Christine de France.

Que représentent les gravures qui occupent tout un mur du siège de la fondation?

Il s’agit des comtes, ducs et rois de Sardaigne. La série commence avec Humbert, dit aux Blanches-Mains, le premier comte de Savoie fondateur de la famille au XIe siècle, qui a contribué à la création d’un monastère en vallée d’Aoste. Nous retrouvons ensuite le premier duc Amédée VIII, devenu pape sous le nom de Félix V, les sept rois de Sardaigne à partir de 1720, puis les quatre rois d’Italie. Cette famille très ancienne a toujours gouverné, sauf à quelques périodes, notamment d’invasion, comme celle de Bonaparte. Nous allions alors en Sardaigne, et attendions que cela passe.

La princesse réalise aussi des objets décorés par ses soins, qu’elle vend au bénéfice de la fondation. © David Nivière
La princesse réalise aussi des objets décorés par ses soins, qu’elle vend au bénéfice de la fondation. © David Nivière

Quels sont les projets de la fondation?

Je collabore à la préparation d’une exposition à Turin consacrée à la reine Marguerite [la princesse de Savoie qui épousa son cousin Humbert Ier, en 1868]. Celle que nous connaissons surtout pour avoir inspiré la recette de la pizza Margherita était une personne extraordinaire, qui a encouragé la mode en Italie, convaincu les dames italiennes qui allaient à Paris de faire travailler les bijoutiers italiens. Son apport a été important pour le pays. Une autre exposition portant sur le règne de Victor-Emmanuel II devrait avoir lieu courant 2021, peut-être au printemps. La fondation possède beaucoup d’objets rattachés à celui qui fut le premier roi d’Italie.

Et lorsque la fondation vous laisse un peu de répit, quelles sont vos occupations favorites?

Les collages m’occupent beaucoup. Je ne savais pas quoi faire des beaux catalogues des maisons Sotheby’s, Christie’s ou Phillips. J’ai commencé à les découper pour réaliser ces collages sur des boîtes à usages divers. Je les vends ensuite au bénéfice de la fondation. Car il y a toujours des dépenses à prévoir. Et je vis entourée de fleurs. Ma favorite est la pivoine, qui ne dure que très peu de temps et qu’il faut protéger de la pluie. Blanches, rouges, je les aime de toutes les couleurs…

Fondation Humbert II et Marie -José de Savoie: www.fondazionesavoia.org

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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