La décision du tribunal régional de Hamm, en Westphalie, est tombée le 23 juillet 2020: Gustav de Sayn-Wittgenstein-Berleburg, fils de la princesse Benedikte de Danemark, conserve le château de Berleburg, domaine de ses aïeux. Il est bien, selon la loi allemande, l’héritier légitime de son père, le prince Richard, décédé en 2017. Les juges ont confirmé la décision prise en première instance en avril 2019… mais l’affaire n’est pas terminée pour autant.
Contre lui, son cousin, le prince Ludwig-Ferdinand, 78 ans, a déjà fait savoir par la voix de son avocat qu’il portera le cas devant le tribunal constitutionnel, la plus haute instance du pays. Car il n’en démord pas: Gustav, de par sa situation maritale, n’a aucun droit sur le domaine de leurs ancêtres et ne peut prétendre au titre de 7e prince de Sayn-Wittgenstein-Berleburg.
Le cousin du prince, Ludwig-Ferdinand de Sayn-Wittgenstein-Berleburg, et son épouse, Yvonne. C’est ce dernier qui entend remettre en question le titre et l’héritage accordés à Gustav.© Gisela Schober/Getty Images
L’affaire remonte à 1943. À l’époque, le prince Gustav-Albrecht, officier de la Wehrmacht et grand-père de l’actuel prince Gustav, rédige son testament. Dans une Allemagne dévorée par le nazisme, et comme bon nombre de ses voisins, Gustav-Albrecht stipule expressément que son héritier devra épouser une jeune femme noble, et, selon les sources, protestante et "de race aryenne", ou s’engager à le faire, sous réserve d’être exclu de la succession.
Disparu en 1944 sur le front de l’Est, Gustav-Albrecht de Sayn-Wittgenstein-Berleburg n’est déclaré mort qu’en 1969. Ce qui a laissé le temps à son fils aîné, Richard, d’épouser la princesse Benedikte de Danemark en 1968. Ils auront trois enfants, Gustav, né en 1969, Alexandra, en 1970, et Nathalie, en 1975.
Mais quand, en 2016, disparaît à son tour Richard de Sayn-Wittgenstein-Berleburg –dont la fortune est estimée entre 500 et 600 millions d’euros–, son fils Gustav n’est toujours pas marié. Pire encore, le jeune homme, héritier du titre, a rompu ses fiançailles en 2001 avec une jeune aristocrate française, Elvire Pasté de Rochefort, petite-fille d’ambassadeur.
Le fils de Gustav Albrecht, le prince Richard, et son petit-fils, le prince Gustav, en 1984, quarante ans après sa disparition sur le front de l’Est.© Wolfgang Kuhn/United Archives via Getty Images
À l’époque, rien ne presse. Le jeune homme a tout juste 32 ans, un sourire ravageur et d’immenses richesses. Neveu de la reine Margrethe de Danemark, il partage sa vie entre Londres, où il mène une brillante carrière dans la finance, et sa Westphalie natale.
Une rencontre va pourtant tout bouleverser. Elle s’appelle Carina Axelsson, elle est américaine, d’origine mexicaine et suédoise. Ancienne mannequin devenue romancière et illustratrice pour enfants, elle est amoureuse de l’Europe et notamment de la France où elle vient tout juste de s’installer. Le coup de foudre est immédiat. Quittant Paris pour suivre son prince charmant, la voici bientôt présentée aux Sayn-Wittgenstein-Berleburg qui l’accueillent chaleureusement.
Le prince Gustav de Sayn-Wittgenstein-Berleburg et sa compagne, Carina Axelsson. © Patrick van Katwijk /DPA/ABACAPRESS.COM
À la cour de Copenhague, elle prend part à la vie officielle, figurant sur les photos de famille, assistant au côté de son compagnon aux événements majeurs, coiffée d’un diadème gracieusement prêté par celle qui n’est pas sa belle-mère aux yeux de la loi mais l’est dans les actes. On la voit aux bras du prince au mariage de la princesse héritière Victoria de Suède et de Daniel Westling en 2010; ou encore aux célébrations du jubilé de rubis de la reine de Danemark, en 2012. Pour tous, elle a acquis le statut de compagne et meilleure alliée.
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Le testament familial a-t-il empêché les amoureux, tous deux âgés de 51 ans et sans enfant, de songer sérieusement à contracter une union? Probablement. Reste à savoir si le tribunal constitutionnel leur donnera à nouveau raison, et mettra un terme à ce feuilleton douloureux. Car au-delà de leur seul bonheur, c’est le sort de toute une famille qui se joue.
En cassant définitivement le testament, les juges pourraient délivrer la lignée d’un carcan d’un autre âge, sacralisé aux heures sombres du IIIe Reich… sans toutefois régler définitivement la question d’une autre succession: après Gustav, qui sera l’héritier des Sayn-Wittgenstein-Berleburg?
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