Farah Pahlavi : "Les Iraniennes sont d'un courage extraordinaire"

Alors que le mouvement de contestation déclenché par la mort de Mahsa Amini déstabilise le régime des mollahs, la shahbanou a accepté de rencontrer Point de Vue, chez elle, à Paris, avec la princesse Noor, sa petite-fille aînée, installée aux États-Unis. L’occasion de prendre la défense des Iraniennes. Un combat que toutes deux partagent.

Par Thomas Pernette - 05 octobre 2022, 10h05

 L'impératrice Farah et sa petite-fille, la princesse Noor, réunies à Paris, en octobre 2022.
L'impératrice Farah et sa petite-fille, la princesse Noor, réunies à Paris, en octobre 2022. © David Atlan

Majesté, quel regard portez-vous sur les événements qui secouent l’Iran ?

S. M. Farah Pahlavi. La mort de Mahsa Amini m’a déchiré le cœur, tout comme la mort de beaucoup de mes compatriotes dernièrement. C’est un mouvement extraordinaire, entamé par des femmes qui ont tellement de courage et de force malgré l’oppression et les horreurs commises par la République islamique. Elles descendent dans la rue pour leurs droits et pour la libération de l’Iran. Je suis fière d’elles.

Justement, comment trouvent-elles ce courage ?

S. M. Farah Pahlavi. Elles ont tellement souffert ces quarante dernières années ! Khomeini a toujours été contre la liberté des femmes. Elles ont souvent été les premières à manifester. Et dans l’histoire de l’Iran, il y a toujours eu des femmes fortes, des figures. Malgré la peur, malgré les arrestations, malgré les assassinats, elles sont encore debout pour crier et réclamer leur liberté au monde entier.

Pourquoi les cheveux des femmes sont-ils devenus symbole de liberté ? Pourquoi le voile est-il tabou ?

S. M. Farah Pahlavi. Parce que c’est devenu le symbole de ce que Khomeini voulait. Je ne veux pas parler de religion parce qu’il y a tellement de choses positives dans la religion. Les cheveux, l’oppression des femmes, c’est une obsession de Khomeini. 

Noor Pahlavi. C’est devenu un moyen pour les hommes de contrôler les femmes, mais il y en a tant d’autres. Elles n’ont pas le droit de chanter, elles n’ont pas le droit de danser, elles n’ont pas le droit de faire du vélo, elles ne peuvent pas aller étudier dans une classe où il y a des hommes, elles ne peuvent pas se rendre dans un stade... Les femmes en Iran n’ont tout simplement pas les mêmes droits. Vous ne pouvez même pas quitter le pays sans l’autorisation d’un homme ! Ces commandements, ces interdictions, les Iraniennes les ont entendus toute leur vie et, malgré cela, elles trouvent la force de s’élever contre le gouvernement qui les opprime. Malgré cet endoctrinement permanent. Je trouve cela tellement fort, tellement courageux.

Farah et Noor d'Iran
L'impératrice Farah et la princesse Noor partagent les mêmes combats. © David Atlan

Pensez-vous qu’il s’agisse d’un point de bascule ?

S. M. Farah Pahlavi. On garde espoir. Dans le monde entier, il y a une vague de soutien pour ce mouvement. Des dirigeants, des écrivains, des artistes, des créateurs se prononcent pour les Iraniennes. C’est très important.

Comment peut-on aider les Iraniennes ?

Noor Pahlavi. Il existe des ONG qui récoltent de l’argent et s’assurent que les dons profitent à la population et non au régime, qui viennent en aide aux grévistes. Mais simplement partager des vidéos ou des messages de soutien sur les réseaux sociaux permet d’entretenir un dialogue, de montrer que nous ne sommes pas indifférents. Il y a aussi des manifestations, des rassemblements solidaires partout dans le monde. Enfin, une pétition en ligne a été lancée par Amnesty International qui appelle la communauté internationale à prendre des mesures significatives contre la répression sanglante... Ce n’est pas un mouvement de libération qui concerne seulement les femmes, cela va bien au-delà.

S. M. Farah Pahlavi. Le régime fait tout pour censurer les Iraniennes et les Iraniens, jusqu’à restreindre ou couper le peu de liberté que permettent Internet et les réseaux sociaux. Nous devons lutter collectivement contre cette censure.

Noor Pahlavi. D’autant que la guerre en Ukraine nous a montré que la communauté internationale était capable de s’entendre et de faire bloc pour prendre des sanctions. Il existe bel et bien des moyens de pression après quarante-trois ans de dictature. Si on écoute les Iraniennes et les Iraniens, les slogans qu’ils scandent, c’est bien un changement de régime qu’ils réclament. C’est sans doute cela, le point de bascule que vous évoquiez. Ils ont atteint le point de rupture.

Manifestation en faveur des Iraniennes
Des manifestations de soutien sont organisées dans le monde entier, comme à Berlin, samedi 1er octobre 2022. © ABACAPRESS.COM

Majesté, quel contact gardez-vous avec la société civile ?

S. M. Farah Pahlavi. Ce qui me touche, c’est qu’après tout ce qu’on a raconté sur le passé, des jeunes m’écrivent, m’envoient des e-mails. Ils m’adressent même leurs numéros de téléphone et, quand je peux, je les appelle. J’ai à peine dit "allô" qu’ils reconnaissent ma voix... Les graines qu’on plante avec l’amour et la foi ne meurent jamais. Tant que je suis en vie, j’entends ces jeunes.

Votre Altesse Impériale, quelles valeurs vous a transmises votre grand-mère ?

Noor Pahlavi. Je dirais la patience, une certaine force de caractère, le sens du devoir, une capacité, j’espère, à distinguer le bien du mal... Ma grand-mère est un être à part. Elle est un pilier pour tous ceux qui l’entourent... Ça relève de la magie ! Je ne suis pas sûre d’arriver un jour à un tel niveau, mais elle est un exemple.

Le lien de la pétition en français :

www.amnesty.fr/petitions/iran-manifestez-vous-pour-la-jeunesse-iranienne-reprimee

L’impératrice Farah et la princesse Noor, réunies à Paris. La petite-fille de la shahbanou s’est rendue à la manifestation organisée dans la capitale, dimanche 2 octobre 2022.
La petite-fille de la shahbanou s’est rendue à la manifestation organisée dans la capitale, dimanche 2 octobre 2022. © David Atlan

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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