Les mots font mal. "Il n’est pas capable et ne le sera jamais." Ce 31 août 1991, le quotidien flamand De Morgen publie les confidences de l’ancien grand maréchal de la cour, Herman Liebaers, réputé proche du roi Baudouin. Dans son viseur : le prince Philippe de Belgique, 31 ans, deuxième dans l’ordre de succession au trône. L’avenir de l’institution monarchique. Un homme réservé, selon son entourage, un prince falot pour ses détracteurs qui se délectent de l’incendie allumé par Liebaers qu’aucun démenti ne parviendra à éteindre. L’image du prince est durablement écornée.
"Quand il est devenu roi, tout a changé"
Quand Baudouin s’éteint deux ans plus tard, Philippe, de l’avis de tous, n’est pas prêt et, conformément à la règle de succession, c’est naturellement son père qui monte sur le trône et devient Albert II. Mais le jeune prince est-il incapable ?

"À l’époque, Philippe était une énigme pour les Belges", nuance Niels Vandenbussche, qui vient de consacrer au roi un documentaire en quatre épisodes, Philippe de Belgique, le long chemin vers le trône, diffusé à la télévision flamande. "Il était timide, on le disait très maladroit. Mais quand il est devenu roi, tout a changé, assure le réalisateur. C’est devenu un autre homme. Il a pu montrer ce dont il était capable."
LIRE AUSSI >> Archives. L'avènement du roi Philippe de Belgique
La fonction ferait donc l’homme. L’entourage également. Le cabinet du roi des Belges, composé de diplomates et de hauts fonctionnaires, est réputé pour son professionnalisme. Des collaborateurs efficaces, loyaux et conscients qu’une monarchie au XXIe siècle repose sur l’image qu’elle donne d’elle-même. À l’exemple de Vincent Houssiau, chef de cabinet du roi, passé par les ministères des Finances et de la Justice. Ou du conseiller diplomatique William De Baets, ancien directeur du centre de crise du ministère des Affaires étrangères. Sans oublier Francis Sobry, en charge de la communication du palais depuis 2018, précédemment Premier conseiller de l’ambassade de Belgique à Madrid.
Sa famille lui offre stabilité et affection
Au-delà de ce premier cercle royal, Philippe de Belgique peut compter sur le soutien indéfectible de son épouse, la reine Mathilde – leur mariage en 1999 marque un timide retour en grâce aux yeux de l’opinion publique –, comme sur l’affection de ses enfants, la princesse héritière Élisabeth, le prince Gabriel, le prince Emmanuel et la princesse Éléonore.

Car la famille du roi, c’est avant tout celle qu’il s’est créée. Un noyau solide, complice, qui lui offre la stabilité affective dont il a été privé enfant, ballotté au gré des crises que traversaient ses parents, alors prince et princesse de Liège. "Une jeunesse d’une tristesse totale", selon Niels Vandenbussche.
"Le roi Philippe a travaillé dur pour prouver qu’il était à la hauteur", insiste Wim Dehandschutter, chroniqueur royal au sein du quotidien flamand Nieuwsblad. "Aujourd’hui, il est au pic de sa popularité. Lui qu’on disait sans charisme est devenu bien plus populaire que son homologue néerlandais, le roi Willem-Alexander, qui règne pourtant dans un pays où l’attachement à la monarchie est réel, mais qui a accumulé bien des maladresses."
Un souverain mobilisé et présent sur tous les fronts
La recette de Philippe de Belgique ? Une approche moderne, humaine, connectée à son époque et aux attentes des citoyens. Alors qu’en pleine crise du coronavirus Willem-Alexander et Maxima des Pays-Bas s’envolent pour la Grèce, au grand dam du gouvernement néerlandais, Philippe et Mathilde se contentent des Ardennes, en famille et à vélo.
Voir cette publication sur InstagramPersonne n’a oublié qu’au début de l’épidémie, quand le personnel soignant manquait de tout, le roi a personnellement décroché son téléphone pour appeler le milliardaire Jack Ma, fondateur d’Alibaba, géant chinois du commerce en ligne, et lui demander son aide. La réponse ne se fait pas attendre : le 16 mars, les autorités belges reçoivent 300 000 masques, 200 000 supplémentaires suivront.
En juin 2020, alors que les statues "colonialistes" sont jetées à terre en Europe et en Amérique du Nord, il écrit au président de République démocratique du Congo, Félix Tshisekedi, pour exprimer ses regrets pour "les actes de violence et de cruauté" commis du temps de Léopold II et de ses successeurs. Une première en Belgique.
LIRE AUSSI >> Delphine de Belgique, une fête nationale si particulière...
Enfin, l’accueil chaleureux qu’il réserve à sa demi-sœur, Delphine Boël, fille illégitime d’Albert II, reconnue princesse de Belgique par la cour d’appel de Bruxelles le 1er octobre 2020, finit de redorer son blason.

De manière habile, le communiqué annonçant leur première rencontre est sobrement signé "Philippe & Delphine", preuve que la famille royale est une famille comme une autre... Le roi a d’ailleurs tenu à convier sa demi-sœur et son mari, Jim O’Hare, aux cérémonies de la fête nationale cette année, une manière de les associer désormais à la vie officielle.
Philippe de Belgique apprécié même en Flandre
"Depuis qu’il est monté sur le trône, le roi a accompli un quasi sans fautes", reconnaît Frédéric Chardon, journaliste politique à La Libre Belgique. Philippe serait-il une tête politique ? Dans un pays où celui qui porte la couronne doit constamment jouer les équilibristes, ils sont nombreux à le penser.
"Il y a une très grande prudence de...
Connectez-vous pour lire la suite
Profitez gratuitement d'un nombre limité d'articles premium et d'une sélection de newsletters
Continuer
Un journalisme d’excellence, des contenus exclusifs, telle est la mission de Point de Vue. Chaque article que nous produisons est le fruit d’un travail méticuleux, d’une passion pour l’investigation et d’une volonté de vous apporter des perspectives uniques sur le monde et ses personnalités influentes. Source d’inspiration, notre magazine vous permet de rêver, de vous évader, de vous cultiver grâce à une équipe d’experts et de passionnés, soucieux de porter haut les couleurs de ce magazine qui a fêté ses 80 ans. Votre abonnement, votre confiance, nous permet de continuer cette quête d’excellence, d’envoyer nos journalistes sur le terrain, à la recherche des reportages et des exclusivités qui font la différence tout en garantissant l’indépendance et la qualité de nos écrits. En choisissant de nous rejoindre, vous entrez dans le cercle des amis de Point de Vue et nous vous en remercions. Plus que jamais nous avons à cœur de vous informer avec élégance et rigueur.