Tel père, tel fils? Jamais un adage ne s’est avéré aussi faux. En 1993, lorsqu’Albert II monte sur le trône, la Belgique est en deuil. Des monceaux de fleurs couvrent les grilles du château de Laeken. Et une interrogation taraude les habitants du royaume. Albert sera-t-il capable de succéder à Baudoin? Il est à l’âge ou quasi de la retraite, sa réputation est celle d’un bon vivant, préférant les femmes, les sports mécaniques et la plaisanterie aux dossiers...
Vingt ans plus tard, en 2013, la même interrogation revient, naturellement, au moment où Philippe succède à son père. Sur un autre mode. Car les reproches qu’essuie alors le duc de Brabant sont d’une nature toute différente. On le dit introverti, gauche, incapable de s’exprimer de manière fluide en public, sous l’influence de conseillers qui le maintiendraient dans une bulle. S’ajoute à cela la spécificité belge et la poussée chaque jour plus forte des courants séparatistes flamands qui s’en prennent à Philippe depuis des années.
Le prince Philippe est loin de ce godiche timoré que d’aucuns dépeignent
Quand Philippe voit le jour, le 15 avril 1960, au château du Belvédère, le roi Baudouin, son oncle, est encore célibataire. Le petit prince est le troisième successible au trône de Belgique. Bientôt, Baudouin et Fabiola comprennent qu’ils n’auront jamais d’enfant. Ils reportent leur amour sur ce petit garçon qui incarne l’avenir de la dynastie. D'autant qu'à l'époque, le mariage d'Albert et Paola, alors prince et princesse de Liège, bat sérieusement de l'aile...
À cet héritier timide, un brin solitaire, il faut une éducation solide. La meilleure. Philippe est le premier prince de la dynastie à suivre une scolarité ordinaire, en Belgique. Il s’envole ensuite pour l’Angleterre afin de rejoindre le Trinity College d’Oxford.
En 1983, le voici en Californie. La formation militaire, indispensable pour un prince héritier, est assurée à l’École royale militaire, dans la 118e promotion Toutes Armes. Officier de marine, parachutiste, pilote de chasse et d’hélicoptère, Philippe est loin de ce godiche timoré que d’aucuns s’acharnent à dépeindre.
Le 6 août 1993, trois jours avant la prestation de serment de son père, Albert II, une ordonnance signée lors du Conseil des ministres nomme Philippe à la présidence d’honneur du conseil d’administration de l’Office belge du commerce extérieur. Chine, Inde, Vietnam, Mexique, Turquie, Philippines, Chili, Émirats du Golfe, Oman, États-Unis... Il multiplie les voyages afin de défendre les intérêts de sa patrie.
En novembre 2004, alors que les séparatistes flamands tirent à boulets rouges sur le principe de l’unité nationale, le prince n’hésite pas à dire haut et fort que tous ceux qui voudraient détruire la Belgique le trouveraient sur leur chemin: "J’aime mon pays, martèle-t-il. La Belgique est comme un diamant. Elle n’a pas besoin d’être grande pour briller. Elle est dense. Elle est forte. J’adresse un message aux Belges. Soyons ambitieux. Donnons le meilleur de nous-mêmes. Soyons confiants dans l’avenir !" Une prise de position qui le désigne comme une cible.
La reine Mathilde est l'épouse, l'amie et la meilleure alliée du souverain
Au milieu de la tourmente, le prince a une alliée, Mathilde. Elle est sa femme depuis ce mariage promu événement national et célébré avec faste le 4 décembre 1999. Philippe sait qu’il peut compter sur son épouse, aussi élégante qu’efficace.
LIRE AUSSI >> Le mariage de Philippe et Mathilde de Belgique
Elle fédère, elle le conforte, l’aide à dépasser sa timidité. Ensemble, ils œuvrent à la réconciliation nationale, préparent l’avenir du royaume, un avenir qui s’incarne à travers leurs enfants et surtout leur fille aînée, la princesse Élisabeth, désormais princesse héritière.
Pourtant, les attaques redoublent. En octobre 2012, le journaliste Frédéric Deborsu publie Question(s) royale(s), un brûlot où l’auteur fait état des ragots les plus sulfureux à l’encontre de la famille royale en général, de Philippe et Mathilde en particulier. Le résultat auprès de l’opinion est inverse de ce que l’on aurait pu redouter. Flamands ou Wallons, les Belges prennent parti en faveur du duc et de la duchesse de Brabant. La campagne de déstabilisation a été trop loin, on reconnaît enfin le travail et le courage de Philippe, son dévouement sans faille. Et c'est un homme plus sûr de lui qui succède à son père Albert II en 2013.
Le roi travaille sa communication pour se rapprocher des nouvelles générations
S'il reste d'un naturel réservé, Philippe de Belgique, devenu souverain, travaille sa communication pour gommer la perception guindée et peu moderne qu'ont encore de lui nombre de ses concitoyens.
En 2017, Philippe pratique le kitesurf —un sport qu'il adore— et se filme lui-même au moyen de caméras GoPro... qu'il actionne avec sa bouche! Du jamais vu. "On sait que le roi Philippe est un sportif, donc il se positionne comme un roi en action, analyse à l'époque Johanna Pires, rédactrice en chef du magazine Ciné Télé Revue. Là, il est tout à fait naturel et c'est vraiment de la bonne communication."
Plus surprenante encore, sa présence, la même année, au festival de musique électronique Tomorrowland. Col ouvert et vêtu d'un veston sport, il évolue au milieu d'une marée humaine de près de 300.000 jeunes venus du monde entier. Loin, très loin, du prince gauche des années 2000.
Si, de par la constitution, son rôle politique est des plus réduits, Philippe a investi avec succès la sphère sociale."On le voit visiter des usines, des entreprises, se rendre également auprès des sans-abri, à la rencontre de scouts, rompre le ramadan au sein d'une famille", assure Sophie Lagesse, spécialiste des têtes couronnées pour Soir Mag, au moment où il célèbre les cinq premières années de son règne. "Il est également présent quand la Belgique va mal, quand elle subit un drame ou une catastrophe, comme les attentats."
LIRE AUSSI >> La famille royale de Belgique reste mobilisée face au coronavirus
Aujourd'hui, alors que la Belgique affronte l'épidémie de coronavirus, Philippe continue d'assumer ses fonctions avec l'empathie qu'il a peu à peu appris à exprimer. Sobre et rassurant, lors de son allocution télévisée du 16 mars 2020, le roi multiplie les visioconférences, notamment avec les personnes les plus fragiles confinés loin des leurs. "Je suis confiant, nous sortirons grandis de cette épreuve", répète-t-il à ses interlocuteurs. Parole de roi.
Article de Philippe Séguy et Gabriel de Penchenade, avec Thomas Pernette
Connectez-vous pour lire la suite
Profitez gratuitement d'un nombre limité d'articles premium et d'une sélection de newsletters
Continuer
Un journalisme d’excellence, des contenus exclusifs, telle est la mission de Point de Vue. Chaque article que nous produisons est le fruit d’un travail méticuleux, d’une passion pour l’investigation et d’une volonté de vous apporter des perspectives uniques sur le monde et ses personnalités influentes. Source d’inspiration, notre magazine vous permet de rêver, de vous évader, de vous cultiver grâce à une équipe d’experts et de passionnés, soucieux de porter haut les couleurs de ce magazine qui a fêté ses 80 ans. Votre abonnement, votre confiance, nous permet de continuer cette quête d’excellence, d’envoyer nos journalistes sur le terrain, à la recherche des reportages et des exclusivités qui font la différence tout en garantissant l’indépendance et la qualité de nos écrits. En choisissant de nous rejoindre, vous entrez dans le cercle des amis de Point de Vue et nous vous en remercions. Plus que jamais nous avons à cœur de vous informer avec élégance et rigueur.