Le château de Cheverny célèbre ses 100 ans d'ouverture au public

Joyau de la vallée de Loire, le domaine qui a inspiré le Moulinsart de Tintin n’en fnit plus de se réinventer, sous l’impulsion de ses propriétaires, Charles-Antoine et Constance de Vibraye, aux commandes depuis 1994. Une passion dévorante qui n’a pas pris une ride.
 

Par Thomas Pernette - 04 novembre 2022, 07h09

 Charles-Antoine et Constance de Vibraye, les propriéraires du château de Cheverny, aux commandes depuis 1994.
Charles-Antoine et Constance de Vibraye, les propriéraires du château de Cheverny, aux commandes depuis 1994. © Julio Piatti

Constance de Vibraye années traverse l’allée à pas rapides, pousse un discret portail et disparaît derrière de hauts buis. Si son jardin secret est modeste quelques dizaines de mètres carrés tout au plus il n’en est pas moins précieux. "C’est l’un des rares endroits qui n’est pas proposé à la visite... avec notre chambre !" plaisante-t-elle.  À Cheverny, le public a commencé à investir les lieux dès 1922. "Mon arrière-grand-mère a donné son accord à la condition que le reste fermé le mardi afin de recevoir ses amies", s’amuse Charles-Antoine de Vibraye. "Le domaine a été fermé pendant la Seconde Guerre mondiale. Depuis, il est resté ouvert en permanence, tous les jours de l’année, à de très rares exceptions près, comme en 1963 pour la visite de Queen Mum..., ou encore pour notre mariage, une demi-journée, en 1994 ! Et puis, bien sûr, pendant le confinement." 

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Le domaine de Cheverny est la propriété de la famille Hurault de Vibraye depuis plus de six siècles. © Julio Piatti

Heureusement, cette triste période semble un lointain souvenir. Après deux années difficiles, les indicateurs sont enfin au vert. Les groupes de touristes ont fait leur grand retour. Cette année, le domaine pourrait même renouer avec ses taux de fréquentation d’avant la crise, bien que les fortes chaleurs de l’été aient causé quelques inquiétudes. "Comment pourra-t-on gérer le tourisme dans le Val de Loire quand il fera systématiquement 35 degrés, entre le 1er juillet et le 20 août ? Demain, les visiteurs seront-ils prêts à se déplacer pour découvrir une nature brûlée par le soleil ?", s’interroge Charles-Antoine. 

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Parmi les récentes évolutions dans les jardins, l'apparition de vignes. Le domaine s'est lancé dans la production viticole. © Julio Piatti

La question est loin d’être anecdotique. On vient de loin pour admirer les jardins de Cheverny, à l’origine de simples pelouses... "En 2005, j’ai senti que nous n’allions plus pouvoir tenir sans fleurs", se souvient son épouse. "C’était devenu une véritable attente de nos visiteurs... Charles-Antoine m’a donné carte blanche." Le mouvement est lancé. Aujourd’hui, les curieux peuvent parcourir six jardins thématiques, dans un parc de près de 100 hectares.

Cheverny, le château de la Loire le mieux meublé 

La force de Cheverny n’en reste pas moins ses intérieurs, le château ayant la réputation d’être le mieux meublé de la région. À l’origine, le public pouvait admirer la salle d’armes ainsi que la chambre du roi, guère plus. "L’intérieur n’est pas figé", précise Constance de Vibraye. "Le défi, c’est de montrer au public un château habité. Avec l’explosion du nombre de visiteurs dans les années 1980, mes beaux-parents ont décidé d'ouvrir l’aile gauche, celle des appartements privés où ils résidaient jusqu’alors." Une décennie plus tard, Constance continue dans cette voie, crée un cabinet de toilettes, choisit d’exposer sa robe de mariée. Il manque toutefois une chambre d’enfant. Qu’à cela ne tienne : la voici parcourant le grenier, à la recherche de chevaux de bois qu’elle finit par dénicher. "Chez nous, ce sont des collections complètes, qui n’ont jamais été dispersées. Inutile de proposer de la réalité augmentée. Tout est là !" 

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Une table dressée pour émerveiller les visiteurs. © Julio Piatti

Mais à Cheverny, comme ailleurs, il faut sans cesse proposer de nouvelles animations et activités. Après la fête de l’automne, jusqu’au 20 novembre 2022, viendra un autre temps fort avec la période de Noël. "Ces manifestations nous permettent de communiquer, d’exister. Ce n’est pas ce qui nous fait vivre, mais cela fait parler de nous", nuance Charles-Antoine, conscient de la concurrence à laquelle se livrent les acteurs du patrimoine et de la culture. "Nous ne sommes pas en lutte contre les autres châteaux. Au contraire, c’est un écosystème. S’il y a 400.000 visiteurs à Cheverny, c’est parce qu’il y en a 1 million à Chambord. Le chapelet des châteaux de la Loire, c’est une destination, une émulation. C’est un train dans lequel chacun peut monter mais il n’y a pas de places assises pour tout le monde." 

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Charles-Antoine et Constance de Vibraye devant la vitrine consacrée à l'univers de Tintin, figure omniprésente à Cheverny. © Julio Piatti

Preuve que ces connexions locales ne datent pas d’hier, l’architecte de Cheverny, Jacques Bougier, auquel on doit la silhouette si harmonieuse de la façade en pierre de Bourré, travailla aussi à Chambord et à Blois. La décoration intérieure, elle, s’inspire du palais du Luxembourg, à Paris, où travailla le peintre blésois Jean Mosnier après avoir fait ses armes en Italie.

Dans les 17 hectares de jardin qui entourent le château, la statue de l’impératrice Joséphine, installée à Bois Préau en 1932 par Edward Tuck, mécène de Malmaison, trône en majesté.
A LIRE AUSSIBois-Préau, le réveil du château impérial

En attendant, les Vibraye peuvent s’enorgueillir du succès de leur entreprise qui emploie 50 salariés toute l’année et jusqu’à 70 personnes en haute saison. Des bourreaux de travail qui battent en retraite quand on les interroge sur la réalisation dont ils sont les plus fiers. Charles-Antoine de Vibraye se contente d’armer qu’il rend "un service à une propriété qui lui aura tout donné". Constance est plus loquace. Elle se souvient que son mari l’a demandée en mariage au troisième rendez-vous. Avait-elle conscience qu’elle épousait aussi un château ? Elle rit de nouveau. "J’avais 20 ans, mes parents étaient paniqués." Ni l’un ni l’autre n’ont le moindre regret. Bien au contraire. Reste le futur, forcément incertain. Ils se sourient. "L’avenir ne nous fait pas peur. Nos enfants sont investis et notre fils Maximilien a toutes les qualités pour reprendre un jour le domaine. En revanche, il est évident qu’il faut être deux pour mener cette vie-là."

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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