Au milieu des 17 hectares de parc à peine troublés par le caquètement des bernaches, la statue de Joséphine accueille le visiteur, trait d’union évident avec le château de Malmaison tout proche. "Bois-Préau est un prolongement intimiste et lumineux du domaine de l’impératrice, un ancien fief de l’abbaye de Saint-Denis acheté à la fin du XVIIe siècle par des imprimeurs du roi, avant d’être offert par Napoléon à Joséphine, un siècle plus tard, en 'cadeau de divorce'", explique la conservatrice Élisabeth Caude, directrice du Musée national des châteaux de Malmaison et Bois-Préau, en évoluant à travers le rez-de-chaussée où flottent encore quelques effluves de peinture fraîche.

Après plus de vingt-cinq ans de fermeture et dix-huit mois d’un chantier titanesque, les cinq salles s’apprêtent à accueillir une exposition consacrée à Eugène de Beauharnais, très attaché à Bois-Préau même si sa vie mouvementée, entre Italie du Nord et Bavière, ne lui permit pas d’en profiter fréquemment. Justement, l’une des pièces maîtresses de l’exposition, le portrait d’Eugène de Beauharnais, que François Gérard a peint en uniforme de colonel des chasseurs à cheval de la garde consulaire, vient d’arriver. Prudente, la conservatrice observe chaque geste des manutentionnaires, tandis qu’ils positionnent délicatement le tableau sur la cimaise d’un vert profond. "À travers différents thèmes, nous évoquons la vie de ce prince européen dans l’âme, son enfance, sa formation, puis son mariage avec Augusta-Amélie de Bavière."

Par le jeu des alliances conjugales, leurs enfants seront amenés à régner sur différentes cours d’Europe, de la Norvège au Portugal. C’est précisément un de leurs descendants directs, l’actuel roi de Suède Carl XVI Gustaf, qui a consenti de nombreux prêts pour l’exposition, dont un autre célèbre portrait du prince et un bracelet ayant appartenu à Amélie. Buste en marbre, albums de famille, journal d’Augusta-Amélie ouvert à la page de l’installation et bien d’autres objets personnels s’inscrivent à merveille dans le décor reconstitué grâce au mobilier choisi dans les réserves de Malmaison.


Ainsi des livrets de musique contenant les airs d’opéras favoris d’Eugène, ou encore de sa barbière en acajou, chêne, citronnier et bronze doré, un meuble de toilette resté dans sa descendance russe jusqu’aux ventes révolutionnaires ordonnées par Staline. Dans un second temps, le premier étage, lui aussi restauré, accueillera quant à lui une collection permanente centrée sur la personnalité de Napoléon Ier, avec notamment une évocation de la chambre de Longwood à Sainte-Hélène. Au fil de cette promenade muséographique, le regard peut à tout instant s’échapper vers le parc, organisé tel un jardin à l’anglaise et rythmé par de vastes pièces d’eau. "Un plan daté de 1824 établit, qu’à quelques détails près, l’organisation de l’espace est restée la même", s’enthousiasme la conservatrice.

Le visiteur d’aujourd’hui peut quasiment jouir du même paysage que celui qu’admiraient Eugène et, avant lui, Joséphine. Bois Préau, acquis au départ pour héberger le personnel de l’impératrice, finit par accueillir également une partie de sa vaste bibliothèque et de son cabinet d’histoire naturelle, ainsi que sa ménagerie, dont les différents animaux évoluaient librement dans le parc… comme les oies bernaches le font encore actuellement.

"Bois-Préau n’est vendu qu’en 1828 par Amélie, quatre ans après la mort d’Eugène", précise Élisabeth Caude. Le château passe alors de main en main jusqu’à 1926, date à laquelle Edward Tuck et Julia Stell, les derniers propriétaires en date, l’offrent aux Musées nationaux afin qu’il revienne dans le giron de Malmaison. Près d’un siècle plus tard, la réouverture au public, "après plus de vingt-cinq ans de volets fermés", sonne comme un juste retour des choses.
Eugène de Beauharnais, un prince européen, jusqu’au 9 janvier 2023.
Château et parc de Bois Préau, 1 B. avenue de l’Impératrice-Joséphine, à Rueil-Malmaison.
www.musees-nationaux-malmaison.fr/
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