C’est l’un des secrets les mieux gardés de Biarritz. Pourtant, il n’est pas à proprement parler caché. Situé derrière le très prisé quartier Bibi Beaurivage, à 5 minutes de la gare du Midi, qui héberge la compagnie de danse Malandain, le château construit par Charles Boulart, en 1881, laisse deviner sa tourelle ronde, une autre octogonale et ses poinçons entourés de têtes de lion, dardant leur pointe vers le ciel au-dessus des toits voisins. Les promeneurs curieux connaissent bien la petite allée du château dont la haute grille noire flanquée des armoiries – B comme Boulart, et M comme Marthe, l’épouse de Charles –, s’ouvre sur une cour de gravier blanc.

Rachetée en 2015 par Pierre Delalonde, homme d’affaires et enfant du pays – il est propriétaire du centre commercial Village Iraty Biarritz –, la bien nommée Folie Boulart a fait l’objet d’une restauration méticuleuse. Celle-ci a levé le voile sur des trésors dissimulés sous la pierre et le ciment, les parquets et les moquettes. Quatre délicats portraits mythologiques, attribués à Tony Robert-Fleury, ont ainsi été ressuscités sur le plafond du grand salon. L’entrée arbore à nouveau son sol pavé de mosaïques, posées, à l’époque, par des artisans venus du Frioul et de Vénétie. À l’extérieur, sur le fronton nord, plusieurs têtes sculptées ont été déshabillées de leurs scories de béton.
"La décoration intérieure recèle de nombreux symboles liés au chemin de la connaissance"
Passionné par la Folie Boulart, Pierre Delalonde ne s’attendait pas à une telle aventure ésotérique lorsqu’il a acquis ce château, ayant même abrité un pensionnat de jeunes filles, Notre-Dame-de-Sion, à partir des années 1920. À la mort de Charles Boulart, homme politique et propriétaire terrien dans les Landes, son épouse loue le palais à d’illustres locataires : tout d’abord, les époux Bodley, amis de l’écrivain Oscar Wilde, qui y recevront le roi de Suède Oscar II ; puis l’industriel et diplomate américain John Leishman, ancien président de la Carnegie Steel Company, y convie le roi d’Angleterre, et surtout une truculente Américaine, Amory Moore, jet-setteuse avant l’heure, qui parvient à rencontrer le roi Édouard VII sur la route de Saint Jean-de-Luz, et en fait un convive régulier de sa table. En 1919, John Wanamaker, héritier d’une chaîne de grands magasins et mécène américain, acquiert le château qu’il mettra à disposition de la Croix-Rouge durant la Première Guerre mondiale.

"Quand on voit le château pour la première fois, commente son actuel propriétaire, on pense qu’il a été conçu par son architecte Joseph-Louis Duc [à qui l’on doit le Palais de justice et la Cour de cassation de Paris], dans un style éclectique, sorte de syncrétisme entre néo-Renaissance et baroque, qui caractérise la fin du XIXe siècle triomphant. En réalité, le plan octogonal est d’inspiration sumérienne et la décoration intérieure recèle de nombreux symboles liés au chemin de la connaissance."

L’une des pièces maîtresses du château est sans nul doute le vitrail d’Eugène-Stanislas Oudinot de la Faverie. Paysage né d’un songe, ce trompe-l’œil représentant un jardin onirique installé dans l’escalier monumental est à la fois visible depuis le rez-de- chaussée et les étages de l’atrium. Élève de l’éminent verrier Georges Bontemps et du peintre Eugène Delacroix, Oudinot n’a cessé de séduire, de l’architecte Eugène Viollet-le-Duc à Guy de Maupassant ou encore Marcel Proust. Il fut aussi sollicité par des familles new-yorkaises — les Bell, les Belmont et les Vanderbilt — et l’architecte Richard Morris Hunt.


Pour remeubler sa Folie, Pierre Delalonde a fait appel à Yves Badetz, ancien conservateur du musée d’Orsay et inspecteur du Mobilier national. Sa mission ? Acquérir des pièces uniques, tel le billard des frères Lumière, dans des ventes aux enchères ou chez des antiquaires triés sur le volet. Aucun détail n’est laissé au hasard, puisque le château, entièrement connecté, possède une piscine intérieure et s’est adjoint les services d’un consultant gastronomique étoilé, Jean-Marie Gautier, ancien chef de l’Hôtel du Palais de Biarritz.

La Folie Boulart est désormais prête à recevoir ses hôtes — entre 10.000 et 30.000 euros par nuit pour la location de l’ensemble du château qui comporte huit suites. La folie n’a pas de prix.

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