Barbe courte virant au roux, teint diaphane et sourcil éloquent, Jan Taminiau a le profil parfait d’un gentilhomme selon Rubens. Dans cet appartement madrilène peuplé d’œuvres d’art, d’allégories de la liberté et de créations haute couture à la gloire des femmes audacieuses, le maître flamand, c’est lui. Depuis sa rencontre il y a sept ans avec Juan Varez, ancien directeur Espagne de chez Christie’s, il partage sa vie entre la péninsule ibérique et les Pays-Bas, heureux de ce nouvel équilibre. "La culture espagnole est à l’opposé de ce que j’ai connu dans mon pays où tout est précision. Ici, tout le monde est plus souple et cela se ressent sur mes créations", reconnaît-il.

Au centre de la salle à manger, des chaises ethniques signées Franz West attirent le regard, puis une jarre futuriste chinée chez un antiquaire de Florence et, enfin, trois mannequins de bois qui séduisent par leurs atours d’ocre intense, de perles et de strass. Pour dessiner ces modèles, Jan a suivi ses principales inspirations, les ailes d’un ange selon le peintre de la Renaissance Fra Angelico, les costumes de lumière des toreros et "l’envie que les femmes se sentent fortes".

Dans cet espace qui est à la fois le décor de grandes fêtes et de défilés privés, les murs font dialoguer des inscriptions murales de Lawrence Weiner, une Anamorphose systématique 2, du Brésilien André Komatsu, "et ce flamant rose en cage, que j’ai peint sur tissu récemment. J’aime beaucoup mettre en scène la nature et très souvent, mon travail tourne autour de la dualité". Entre les robes qu’il imagine pour ses clientes et ses créations plus personnelles, Jan Taminiau ne voit jamais l’heure tourner.

Au cœur de cet appartement ayant appartenu jadis à la marquise de Llanzol, l’une des plus grandes clientes de Balenciaga, un show-room a été improvisé pour les futures mariées en quête de LA robe du grand jour. Les prototypes blancs, écrus et ivoire sont alignés de chaque côté d’un "drapé de cuivre" de l’artiste danois Danh Vo. "Il s’agit d’une partie de l’œuvre intitulée We the people. Lorsqu’elle est entière, la sculpture est une statue de la Liberté grandeur nature".

De quoi inspirer les clientes de Jan Taminiau, qui ne conçoit jamais un modèle sans penser aux mouvements du tissu. "Je vois chacune de mes créations comme une danse, confie Jan. Peut-être parce que les femmes affichent toujours une grâce inédite dans un vêtement neuf".
Créateur complice de Maxima des Pays-Bas
Parmi celles qui ont contribué à son succès, la postérité retiendra la reine Maxima des Pays-Bas qui le sollicite en 2013 pour la cérémonie d’installation du roi Willem-Alexander. "Ce n’était pas la première fois. Nous dansions déjà bien ensemble ! Maxima est une femme qui adore la mode et sait parfaitement ce qu’elle veut. Je n’ai eu que deux mois pour créer les tenues du couronnement, mais elle m’autorise toujours à être moi-même".

Dans un autre genre, l’artiste Lady Gaga fait également partie des clientes du créateur hollandais, qui garde encore dans sa chambre un prototype des légendaires chaussures à plateforme en liège dessinées pour la reine de la pop.

En Espagne, l’une de ses égéries les plus en vue est la duchesse de Huéscar. "Elle est pleine de vitalité, joviale et s’implique toujours dans l’élaboration d’un modèle. J’aime la liberté des Espagnoles. Elles sont naturelles et audacieuses. Leur aisance est inspirante…" À peine termine-t-il son éloge que l’une de ses amies fait son apparition. Chemise de coton blanche nouée à la taille et pantalon large, Pilar González de Gregorio, duchesse de Fernandina, arbore, comme une seconde peau, un total look griffé Jan Taminiau. Après de grandes embrassades, les deux amis s’installent dans le salon bibliothèque pour discuter des créations du moment, des coupes, des tissus choisis.

Dans cette ambiance feutrée, les murs aussi ont la parole. Un papier peint présenté voici plusieurs années à la Biennale de Lisbonne raconte l’histoire de l’artiste portugaise Ana Jotta à travers des affiches, des publicités, des pages de livres, des photographies et des dessins. Le décor foisonne également d’œuvres anciennes : un tapis perse du XIXe siècle ayant appartenu à la famille de Toulouse-Lautrec, un cerf en pierre du IVe siècle que Juan Varez a hérité de son père, l’un des plus grands collectionneurs d’Espagne. "Juan possède un goût sûr pour l’art. Tout comme lui, j’aime être spectateur de toutes ces beautés qui nous entourent", avoue le styliste hollandais.

Dans sa jeunesse, Jan Taminiau était fasciné par les antiquités, au point d’avoir suivi des études d’histoire de l’art à Anvers dans les années 1990. Puis, quelques années plus tard, une heureuse révélation l’amènera vers sa véritable vocation. "J’ai réalisé que je ne pouvais pas transformer les œuvres des autres. J’ai voulu créer et ne plus m’arrêter !"
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