Victoire de Castellane, "l’équilibre dans le chaos" chez Dior Haute Joaillerie

Dans une Sicile parée de tout son faste viscontien, avec pour décor l’Etna, coupé d’une coulée de lave rougeoyante, qui dominait la sublime baie de Taormine, Victoire de Castellane a présenté sa nouvelle collection de haute joaillerie. Une perfection, tout simplement.

Par Adélaïde de Clermont-Tonnerre - 25 juin 2022, 08h27

 Victoire de Castellane, entourée de son fils, Boniface Reiffers, cofondateur d’Idopia, et de son époux, le directeur artistique Thomas Lenthal.
Victoire de Castellane, entourée de son fils, Boniface Reiffers, cofondateur d’Idopia, et de son époux, le directeur artistique Thomas Lenthal. © David Atlan

Pas moins de 137 pièces. Toutes plus irrésistibles les unes que les autres. S’inspirant des motifs et des tissus de la célèbre maison, Victoire de Castellane, directrice artistique de la haute joaillerie Dior, a imaginé une série de rubans précieux aux magnifiques agencements de pierres. Des clientes du monde entier se sont retrouvées pour découvrir la première partie de ces joyaux mêlant faste, délicatesse et impertinence, lors d’un dîner sur les terrasses magiques du Grand Hotel Timeo.

Victoire de Castellane, Boniface Reiffers et Thomas Lenthal à Taormine, en Sicile.
Victoire de Castellane, entourée de son fils, Boniface Reiffers, cofondateur d’Idopia, et de son époux, le directeur artistique Thomas Lenthal. © David Atlan

L’assistance, triée sur le volet, a admiré l’éclat et la grâce aérienne de cette collection sur trente mannequins habillées de robes haute couture, spécialement conçues pour l’occasion par Maria Grazia Chiuri. La veille, le temps d’un rafraîchissement à l’ombre des citronniers et bougainvilliers de l’ancien couvent de San Domenico, Victoire de Castellane s’est confiée sur son plaisirimmodéré de la création.

Comment est née cette collection ?

Elle s’inspire des imprimés de la maison. Comme la couture est un élément crucial de l’identité Dior, j’ai eu envie de travailler avec les motifs des tissus en joaillerie. Les grands classiques – fleurs, rayures, carreaux, pois – sont réinventés en diamants, rubis, émeraudes et saphirs. Cela a demandé aux ateliers de faire preuve d’une remarquable inventivité et de considérer le sertissage d’une façon inédite. Certains imprimés sont ainsi en rehaut, pour donner du relief, quand d’autres sont complètement sertis à plat, comme s’il s’agissait de rubans brodés de pierres précieuses.

Crée-t-on une collection de joaillerie comme une collection de haute couture ?

Dior est une maison de mode avant tout. Ce que font les autres designers de la maison, l’actualité de leurs créations, sont aussi des sources d’inspiration pour moi. J’aime transposer certains éléments de leur travail, les interpréter à ma manière avec des pierres. C’est assez organique.

Défilé haute joaillerie Dior à Taormine en Sicile.
Plus de trente mannequins ont fait vivre les pièces rares de la collection de haute joaillerie Dior Print. © David Atlan

Vous jouez également avec les formes classiques de façon inattendue...

Il faut déconstruire pour reconstruire, à mon sens. Je le fais avec une totale liberté. C’est comme lorsque, enfant, nous avions des jeux que nous remettions à plat chaque jour. C’est toujours le même jeu et jamais la même forme. Couleurs, matières, thèmes... tout est rebattu. Un peu comme des Lego très précieux !

Vous dites aussi aimer les accidents ?

C’est comme dans la vie, il faut laisser la place à l’imprévu et aux surprises, comme pour la parure Vendôme Décalé ou Gem Dior, entre autres. Tout en diamants, elles mêlent l’abstrait et la géométrie, mais racontent une histoire. Les diamants semblent s’échapper du collier, ainsi que la couleur, sur la parure de saphirs, qui se diffuse en dégradé, comme si le saphir déteignait sur les diamants. Je fais voyager la couleur.

Défilé haute joaillerie Dior à Taormine en Sicile.
La nouvelle collection de haute joaillerie de Victoire de Castellane était présentée à Taormine, en Sicile. © David Atlan

Ce choix des couleurs frappe par sa précision...J’y attache une très grande importance. Il ne faut pas que les couleurs se tuent entre elles. C’est toujours le défi de voir comment elles luttent ou s’accordent. Chacune a son pouvoir. J’aime l’équilibre dans le chaos. Soigner le camaïeu et les dégradés ou procéder par taches, ce jeu avec les couleurs me stimule.

Avez-vous été confrontée à des défis techniques particuliers ?

Pour chaque collection, les défis techniques se multiplient. C’est formidable d’imaginer des pièces, mais je ne sais jamais complètement si elles sont faisables ! Particulièrement lorsque nous cherchons à créer des rubans à la fois légers et souples quand l’or et le métal en général sontrigides. Parvenir à donner ce mouvement, obtenir cette légèreté à l’œil qui m’est chère... Ces sujets ont animé bien des réunions ! D’autant que l’idée d’imprimé compliquait la donne. Le bijou, tout en étant mobile, ne doit pas déformer le dessin. Maillage, sertissage, orientation de celui-ci, tout est étudié. Nous avons la chance d’avoir les meilleurs ateliers du monde. Ils sont toujours prêts à mettre au point de nouveaux savoir-faire ou à en ressusciter d’anciens pour obtenir l’effet rêvé. Il faut le redire : tous ces ateliers sont en France.

Défilé haute joaillerie Dior à Taormine en Sicile.
Le défilé – comme le dîner – avait lieu dans les jardins du Grand Hotel Timeo avec une vue imprenable sur la baie de Taormine. © David Atlan

Pourquoi souhaitiez-vous présenter ces parures lors d’un défilé ?

C’est tellement mieux de les voir en mouvement plutôt qu’à plat ! Les bijoux sur la peau ont un autre éclat. Ils sont vivants.

Trouvez-vous que les clientes de la haute joaillerie ont changé ces dernières années ?

Oui ! Quand j’ai commencé, la place Vendôme restait très feutrée, très institutionnelle. La haute joaillerie, c’était pour les grandes occasions. Elle ne faisait pas partie du quotidien, et les dames mettaient leurs bijoux aux coffres. Aujourd’hui, les clientes semblent décomplexées, tout comme les hommes d’ailleurs, qui renouent avec la tradition d’une joaillerie au masculin. Nous avons beaucoup de commandes spéciales pour et par des hommes. Lors de chaque défilé de Kim Jones, nous faisons également une création. J’en prépare une en ce moment. De façon générale, les bijoux se portent de façon plus ludique. Ce qui est formidable. Plus les gens portent de bijoux, plus je suis contente !

Défilé haute joaillerie Dior à Taormine en Sicile.
Le dîner avait lieu sur les terrasses magiques du Grand Hotel Timeo. © David Atlan

C’est grâce à vous que le rapport au bijou précieux s’est libéré...

J’ai eu la chance, en arrivant chez Dior Joaillerie, de pouvoir construire une activité qui n’existait pas. J’avais, du coup, une totale liberté, et j’étais très décomplexée. Ce n’est pas parce qu’il s’agit de vraies pierres qu’il faut prendre vingt ans dans la vue ! Je ne voulais pas que les créations soient ennuyeuses, "bien comme il faut". J’aime énormément les créations classiques, mais je voulais avancer, faire quelque chose de différent et de nouveau, à condition que la qualité soit là. Je cherche à mettre de la joie dans la création. Je crois qu’il est très difficile de créer sans cette capacité d’émerveillement et sans cette spontanéité qui viennent de l’enfance. Je ne saurais pas faire autrement.

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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