La scène se déroule à Tokyo, le 10 août 1886. À l’occasion d’un concert de musique occidentale, l’empereur Mutsuhito et son épouse, l’impératrice Masako, reçoivent. Les voitures des diplomates étrangers franchissent les unes après les autres le pont de pierre qui enjambe les fossés de la résidence impériale. Ce concert est une première, comme tout ce que font les souverains depuis la prise du pouvoir de l’empereur en 1867.
Cette année-là, après des siècles de régence ancrée dans sa famille, le 15e shogun de la lignée Tokugawa a abdiqué sa charge afin de "laisser le pays entrer dans la modernité".
Au XIXe siècle, le couple impérial prône la modernité
Quelques mois auparavant, la mort de l’empereur Komei, à 35 ans, a permis l’arrivée sur le trône d’un jeune souverain de 15 ans, le prince Mutsuhito qui laissera une trace dans l’histoire sous le nom de Meiji. Avec son avènement, une ère nouvelle s’est ouverte pour le Japon.
En 1868, décision révolutionnaire, l’empereur et la cour ont abandonné l’ancienne capitale de Kyoto, pour s’installer à Edo, la vieille cité des shoguns. La ville a été rebaptisée Tokyo et un nouveau palais impérial a été bâti. Extérieurement, il respecte les principes de l’architecture japonaise. En revanche, l’intérieur est un joyeux mélange de meubles occidentaux et japonais.
Dans cette lutte pour la modernité, l’empereur a trouvé une alliée inattendue en la personne de son épouse, l’impératrice Masako. Alors qu’elle a été éduquée dans la plus pure tradition féodale nipponne, la jeune souveraine s’est montrée très favorable aux changements. Elle a reçu le titre d’impératrice ce qui lui a permis d’échapper à la vie d’esclave des épouses impériales d’autrefois.
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Au début de l’été 1886, un mois avant le concert au palais impérial, elle a même accepté de paraître en public, vêtue à l’occidentale. Elle a aussi publié un manifeste officiel dans lequel elle a prôné le costume occidental pour les femmes, ajoutant qu’il était beaucoup plus proche des costumes japonais féminins traditionnels que les lourds kimonos.
L'impératrice Haruko s'ouvre au style occidental
Tous les invités de la réception du 10 août se rassemblent peu à peu dans la salle d’audience du palais des invités, un immense espace de près de 800 mètres carrés. Fascinés par cette première incursion dans un monde encore très mystérieux, les ambassadeurs et leurs épouses attendent.
L’empereur est le premier à faire son entrée. Il est vêtu d’un des somptueux uniformes qu’il apprécie tant. L’impératrice suit. Surprise! Non seulement elle arbore une toilette de bal à la coupe résolument européenne, mais elle est parée pour la première fois de somptueux joyaux en diamants.
Trois rangs de chatons étincellent autour de son cou. Dans sa chevelure relevée en chignon, scintillent les centaines de diamants d’un haut diadème surmonté d’étoiles. La scène aurait pu se dérouler devant la reine Victoria, à la cour d’Angleterre, ou devant l’empereur François-Joseph à la cour d’Autriche. La maison impériale du Japon est entrée dans la modernité.
Perles et diamants composent la liste officielle des bijoux de la Couronne
Cent trente-trois ans plus tard, ces mêmes bijoux sont portés par la nouvelle impératrice, prénommée elle aussi Masako, lors de la cérémonie d’accession au trône de l’empereur Naruhito, le 1er mai 2019. Seule différence, la nouvelle impératrice ne porte que deux rangs de diamants au lieu des trois que comporte le collier d’origine.
Au cours de l’été, l’agence impériale japonaise a publié la liste des bijoux qui ont été transmis officiellement à la nouvelle souveraine par sa belle-mère l’impératrice douairière Michiko.
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Un diadème de diamants, un diadème diamants (motifs chrysanthèmes), un collier de diamants (trois rangs), un collier de perles (quatre rangs), un ornement de corsage de diamants, un collier de perles et diamants, un collier de diamants (motifs chrysanthèmes), un collier de perles noires, diamants (motifs chrysanthèmes), un bracelet diamants jaunes, un bracelet diamants, un bracelet (émeraudes et diamants, motifs chrysanthèmes), une paire de boucles d’oreilles de diamants, une paire de boucles d’oreilles à motifs chrysanthèmes, un bracelet saphirs et diamants, un bracelet émeraudes et diamants, une bague de deux diamants, une bague saphir et diamants, un éventail orné de diamants et un sac du soir.
Si le collier de diamants à trois rangs et le diadème datent de la fin du XIXe siècle et proviennent de la première impératrice Masako, il semble que la deuxième parure de diamants mentionnée dans cette liste, celle qui est composée de chrysanthèmes, ait été conçue pour la seconde impératrice Sadako.
Deux parures sont réservées à la princesse héritière
De l’union de l’empereur Mutsuhito avec l’impératrice Masako ne naîtra en effet aucun enfant. En revanche, le souverain aura une quinzaine de descendants nés de ses liaisons officielles avec cinq dames de la cour. Masako adoptera l’aîné de ses fils, Taisho, qui succédera à son père en 1912.
En 1900, le futur Taisho épousera lui aussi une jeune femme issue de la haute aristocratie japonaise: la princesse Sadako. Elle sera la première à porter les chrysanthèmes de diamants sous la forme d’un ornement de corsage. Le même ornement de corsage en chrysanthèmes de diamants sera ensuite remonté en un diadème. La troisième impératrice, Nagako, qui épouse le futur empereur Hirohito en 1924, sera la première à le porter.
En 1959, lors du mariage de mademoiselle Michiko Shoda avec le futur empereur Akihito, deux autres parures sont entrées dans le patrimoine de la famille impériale. Toutes deux sont réservées à la princesse héritière.
L’une est entièrement composée de volutes et rainceaux en diamants. L’autre, plus moderne avec ses aiguilles de diamants, est aussi ornée de perles. Ce sont ces deux parures que la nouvelle impératrice Masako a remises il y a quelques semaines à sa belle-sœur, la princesse Kiko. Devenue princesse héritière, celle-ci est désormais la seule à pouvoir porter ces joyaux. Ainsi le veut le protocole de la maison impériale japonaise.
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