La tour Bonbec. Savez-vous où se trouve cet édifice érigé sous Saint Louis ? Les jeunes scolaires qui la découvrent s’imaginent, à l’évocation de son nom, une plaisante référence à Charlie et la Chocolaterie. Mais font vite une moue d’horreur en apprenant que l’on y a pratiqué la "question", autrement dit, la torture. Ainsi lorsque les prisonniers avouaient leurs fautes, on disait qu’ils avaient "bon bec". Cette tour circulaire à mâchicoulis et toiture conique en ardoise est l’une de ces quatre constructions ornant la façade néogothique de la Conciergerie à Paris, sur les rives de la Seine.
Si son utilisation très "metal hurlant", lors de la cérémonie d’ouverture des JO, a divisé l’opinion publique, elle a eu le mérite de mettre en lumière cette ancienne résidence royale de l’île de la Cité. Les internautes du monde entier ont cherché à savoir quel était ce terrain de jeu du groupe landais Gojira. "Notre site Internet a explosé le lendemain de la retransmission", confie Cécile Rives, administratrice de la Conciergerie et de la Sainte-Chapelle. Celle-ci espère qu’au-delà du tourisme des olympiens venus arpenter les colonnades de la salle des gens d’armes, d’autres amateurs d’histoire et de patrimoine augmenteront les chiffres de fréquentation (près de 500.000 visiteurs par an).
Certes, les inconsolables de Marie-Antoinette connaissent la destination carcérale de la Conciergerie, "vocation qui ne s’est achevée qu’en 1934 !" , précise Cécile Rives. La cellule originelle où la reine a passé ses 76 derniers jours a été détruite. Toutefois, on peut aujourd’hui se recueillir dans la chapelle expiatoire que Louis XVIII a fait bâtir. Mais d’autres "célébrités" ont subi les geôles de cet "enfer des vivants", comme on disait sous la Terreur. "Ravaillac, Cartouche, Olympe de Gouges, le maréchal Ney et même le prince Louis Napoléon", énumère l’administratrice.
Depuis vingt ans, ce ne sont que des embastillés volontaires qui franchissent ses murs massifs pour des expositions mêlant histoire, patrimoine et art. À l’occasion de Révélation ! Art contemporain du Bénin, prévue jusqu’au 5 janvier prochain, le centre des monuments nationaux a réuni une quarantaine d’artistes de ce pays d’Afrique de l’Ouest. "De façon singulière, poursuit Cécile Rives, la Conciergerie, un temps le siège du pouvoir capétien, fait écho aux palais royaux du Danxomè."
À travers les tableaux de Youss Atacora ou les tentures de Roméo Mivekannin, le visiteur va découvrir la triste fin de ce royaume, la déportation par la France de ses derniers monarques dont le célèbre roi Béhanzin, exilé en Martinique et mort à Alger sans revoir son pays. En 2021, son trône, qui figurait dans les collections du musée du Quai Branly – Jacques Chirac, a été restitué au Bénin. L’Afrique fut aussi un "enfer des vivants". Le prince Harry en mission au Lesotho ne le sait que trop bien…