Le sacre de Joséphine Baker au Panthéon

Point d’orgue d’une majestueuse cérémonie, le cénotaphe de la star du music-hall, résistante et militante antiraciste Joséphine Baker est entré au Panthéon le 30 novembre dernier en présence d’Albert II de Monaco. Le président Emmanuel Macron a salué celle qui "nous rappelle l’insaisissable beauté de notre destin collectif".

Par Louise de Mont-Cenis - 07 décembre 2021, 18h23

 Le visage de Joséphine Baker, projeté sur la façade du Panthéon, à Paris.
Le visage de Joséphine Baker, projeté sur la façade du Panthéon, à Paris. © Eliot Blondet/ABACAPRESS.COM

Le temps de quelques instants, la façade du temple républicain est métamorphosée en un épais rideau de velours rouge s’ouvrant sur une scintillante scène de théâtre. Son image projetée comme par magie sur l’extérieur du monument, Joséphine Baker apparaît dans la nuit de Paris. J’ai deux amours…, entonne l’orchestre militaire devant la foule amassée à proximité du Panthéon en ce 30 novembre. 

Mille invités ont pris place à l’intérieur de l’édifice pour célébrer au côté d’Emmanuel Macron l’incroyable destinée de Joséphine Baker. 

Emmanuel Macron au côté du prince Albert, dont la mère, la princesse Grace; était une grande amie de Joséphine Baker.
Emmanuel Macron au côté du prince Albert, dont la mère, la princesse Grace, était une grande amie de Joséphine Baker. © Dominique Jacovides/Pool/ABACAPRESS.COM

Parmi eux, le prince Albert II de Monaco, très ému. Sa mère, la princesse Grace, fut l’amie intime de l’artiste et lui a offert, à Roquebrune-Cap-Martin, la villa Maryvonne où elle vécut jusqu’à la fin de sa vie avec sa "tribu arc-en-ciel" de douze enfants – Akio Bouillon, Janot, Jarry, Luis, Marianne, Brian, Moïse, Jean-Claude, Noël, Koffi, Mara, Stellina –, dont certains étaient présents. 

Enveloppé d’un drapeau tricolore, le cénotaphe de l’artiste remonte la rue Soufflot, sur un tapis rouge de trois cents mètres de long, porté par six aviateurs et accompagné par la voix de Séphora Pondi, de la Comédie-Française, qui lit un texte retraçant les étapes de sa biographie mouvementée. 

À mi-parcours, le chœur de l’armée française entonne Le Chant des partisans, l’hymne de la Résistance, puis quelques mètres plus loin, la chorale de la maîtrise populaire de l’Opéra-Comique reprend, en langage des signes, la chanson programmatique de Joséphine sur ses adoptions : Dans mon village. C’est ensuite au son du Requiem de Pascal Dusapin, In Nomine Lucis – Au nom de la lumière –, composé pour Maurice Genevoix, que Joséphine entre dans la nef, entre les deux sculptures monumentales d’Anselm Kiefer sur les morts de la Grande Guerre. 

Une reconnaissance éternelle à la France

Sous la coupole, deux citations, telles les devises d’une vie, ornent le catafalque lors de la cérémonie: "Tous les hommes peuvent vivre ensemble s’ils le souhaitent" et "C’est la France qui a fait de moi ce que je suis, je lui garderai une reconnaissance éternelle". 

Un message longuement repris et développé par le président français dans son discours. "Joséphine Baker mena tant de combats avec liberté, légèreté, gaieté, beauté dans un siècle d’égarement", commence-t-il avant de souligner : "Noire défendant les Noirs, mais d’abord femme défendant le genre humain […]. Fulgurante de beauté et de lucidité dans un siècle d’égarements, elle fit, à chaque tournant de l’Histoire, les justes choix, distinguant toujours les Lumières des ténèbres. Et pourtant, rien, rien n’était écrit." 

Le président Emmanuel Macron pendant son discours à l"intérieur du Panthéon, le 30 novembre 2021.
Le président Emmanuel Macron pendant son discours à l'intérieur du Panthéon, le 30 novembre 2021. © DominIque Jacovides/Pool/ABACAPRESS.COM

Racontant ses transformations et sa légende, il rend hommage à celle qui "balaie les clichés d’un revers de hanche", "écorne l’érotisme à coups de grimaces" et "raille l’imagier nègre par ses roulements d’yeux moqueurs". Et il poursuit : "Par son insouciance jamais inconsciente, son courage toujours gai, cette légèreté ourlée de tristesse qu’arborent ceux qui ont déjà vécu, l’Américaine, réfugiée à Paris, devient l’incarnation de l’esprit français et le symbole d’une époque." Joséphine Baker est la sixième femme à entrer au Panthéon, après Simone Veil en 2018.

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

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