Thomas Dutronc le chantait haut et fort en 2007 : "J’aime plus Paris." Une pandémie et quelques confinements plus tard, son refrain est plus que jamais d’actualité. Près de 12.000 personnes quittent chaque année la capitale, dont la population chute depuis 2011. Les raisons de ce désamour ? La cherté de la vie, des loyers exorbitants (en 10 ans, ils ont augmenté de 30%) mais aussi le besoin d’espaces verts, la pollution et l’envie de donner un sens à sa vie. Selon l’Insee, Paris continuera à se vider jusqu’en 2025.
La pandémie de Covid-19 a accéléré la prise de décision de nombreux Franciliens mais aussi de citadins originaires d’autres grandes villes françaises, l’envie de déménager ayant galopé de 38 % à 54 % (selon une étude menée par le site Paris je te quitte) avant et après le premier confinement 2020.
À l’autre bout de la chaîne, la Nouvelle-Aquitaine apparaît dans le peloton de tête des quatre régions les plus attractives pour ces ex-urbains : un excédent migratoire bénéfique à sa croissance démographique, mais qui fait grincer quelques dents chez les autochtones de longue date, notamment dans un Pays basque parfois saturé par l’afflux de nouveaux arrivants.
Heureusement, l’arrière-pays et notamment le Périgord réservent encore de belles surprises aux néoruraux en mal d’horizons verdoyants et de villages désertés à (re)conquérir.
À Biarritz chez Evgeniya et Alexandre Lot
"Nous avons un attachement charnel avec Biarritz", déclare sans emphase Alexandre Lot, arrivé au Pays basque il y a neuf ans. Un retour aux sources pour ce fils de Biarrots, qui descend par sa mère d’une longue lignée de charpentiers installés dans le quartier Saint-Charles. Une destination à des milliers de kilomètres de la terre natale de son épouse Evgeniya dite Ève, originaire de Sibérie.
"Quitter Paris m’est apparu nécessaire à la naissance de notre fils aîné Adrien", raconte celle qui se souvient parfaitement de leur déclic, un dimanche au jardin du Luxembourg. "Nous regardions des enfants courir en évitant les pelouses interdites. Nous avons compris que nous ne voulions pas élever les nôtres dans cet environnement."

Alexandre, diplômé d’HEC et de la Kellogg University à Chicago, démissionne de son poste chez General Electric, à l’instar d’Ève qui quitte le groupe hôtelier dans lequel elle évoluait. Peu importe, le couple fonctionne au coup de foudre, à l’image de leur rencontre à Paris quand la jeune Russe était venue visiter la capitale. Un bon présage ? Alexandre lui a demandé sa main au Port des pêcheurs de Biarritz.
Dix ans plus tard, ils sont à la tête d’Imperial Stay, une agence de location confidentielle pour des familles, souvent étrangères, qui souhaitent vivre une expérience unique au Pays basque. "Nous échangeons en amont afin de leur concocter un séjour qui leur ressemble", explique Ève, dans un français parfait. Le couple a voulu reproduire la démarche qui les anime lorsqu’ils se mettent en quête d’un lieu pour accueillir leurs propres amis. "Voir des étoiles dans leurs yeux et être sûrs qu’ils repartent en voulant revenir."
Cerise sur le gâteau, Alexandre est conscient de participer à une forme de tourisme vertueux, économiquement et humainement : "Je me souviens encore de ma grand-mère couturière qui recevait des femmes du gotha chez elle. Biarritz a réellement commencé à se développer sous Napoléon III, grâce à des familles d’aristocrates venus du monde entier ; elle est le fruit d’un équilibre entre une classe moyenne locale d’artisans-commerçants et des gens très fortunés."
Sur Instagram : @biarritzinlove
À Soorts-Hossegor chez Constance de Buro et Erwan Desplanques
Du journalisme à la création d’un centre d’art, il n’y a qu’un pas long de… 752 kilomètres, allègrement franchis par Constance et Erwan en 2017. L’envie de prendre la poudre d’escampette et de s’implanter au milieu d’une forêt qui constitue 70% du territoire de Seignosse a germé lorsque Constance était enceinte de leur deuxième enfant: "Notre aîné dormait déjà dans notre ancien dressing."

L’aspect financier n’est cependant pas le seul moteur qui les conduit à troquer leur charmant 6e étage sans ascenseur à Bastille pour une maison dans les Landes. La mère d’Erwan vit une partie de l’année à Hossegor et le couple a des amis qui ont donné le signal du départ peu de temps avant eux. "Nous nous sommes donné un an pour tester la formule, avant de démissionner. Constance, chef de service culture à La Vie, était en congé maternité et moi, journaliste à Télérama, j’écrivais mon roman, L’Amérique derrière moi (L’Olivier)", explique Erwan.
Un an plus tard, le couple saute dans le vide. Ils commencent par donner des cours d’éducation à l’image, leur marotte, dans des médiathèques et des collèges. Constance est plume, Erwan intervient à l’Institut de journalisme Bordeaux Aquitaine (IJBA), à l’ESJ de Lille, et surtout ils peaufinent leur projet d’un centre d’art autour de la photographie.
"Nous sommes tous les deux passionnés par ce médium. Nous parlions déjà de culture dans la presse, mais avec Troisième Session, le lien avec les artistes et le public est encore plus étroit", s’enthousiasme Constance, désormais commissaire et directrice artistique du lieu né en 2020.

Après Alain Laboile, Baudouin et Sandra Reinflet, le site accueille jusqu’au 18 septembre Louis Fabriès et son exposition Millenials. "Ce vidéaste qui a longtemps travaillé pour Canal +, Arte, Planète, France Télé, a participé au documentaire Human Flow, de l’artiste Ai Weiwei, sur la jungle de Calais. Pour Millenials, il s’est intéressé aux adolescents en bas de chez lui, à Bayonne ou Paris."
Le choix de vivre à Seignosse plutôt que dans la huppée et très touristique Hossegor s’ancre dans leur désir de transmission, une vocation qui s’apparente à une mission de service public. "Si l’été nous accueillons des connaisseurs, parisiens et bordelais, nous voulons aussi toucher des locaux pour qui l’art n’est pas une évidence. Cela passe par une narration, nous co-écrivons les...
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