Dans les heures qui suivent l’annonce unilatérale faite par Harry et Meghan de leur retrait de la vie officielle, le 8 janvier 2020, une téléconférence se tient avec Élisabeth II, Charles, William et Harry, d’où ressort la nécessité d’une réunion au château de Sandringham, avec leurs secrétaires privés respectifs. Et ce "bien que William ait confié à un ami qu’il préférerait de loin laisser tout le marchandage aux conseillers", écrit Robert Lacey dans son livre événement à paraître, Battle of Brothers.
"'J’ai mis mon bras autour des épaules de mon frère pendant toute notre vie, a-t-il dit, et je ne peux plus le faire. Nous sommes des entités séparées.' […] Pendant le sommet de Sandringham, William garde ses distances. La reine avait suggéré que la famille se réunisse pour déjeuner, avant la réunion, l’après-midi, dans la bibliothèque, mais il a refusé l’invitation de sa grand-mère." Il n’a plus même le désir de faire semblant de sourire à son frère.
Meghan et Harry ont déçu la reine à plusieurs reprises en 2019
Historien et biographe reconnu d’Élisabeth II, Robert Lacey offre ici un regard neuf et tente d’éclairer la crise du Megxit, toujours en cours, en revenant aux sources de la rupture entre les deux fils du prince de Galles, en étudiant tous les mécanismes du drame et les réactions des différents acteurs. À commencer par la reine lors de ses derniers vœux télévisés.
Il est sans précédent que le bureau qui figure invariablement à l’image, à côté de la souveraine, ne serve pas à présenter une photo charmante de son dernier petit-enfant ou arrière-petit-enfant. "Mais en 2019, relève Robert Lacey, aucun signe d’Archie, le fils de Meghan et Harry, âgé de 6 mois. […] La reine a simplement mentionné la naissance de son arrière-petit-enfant en passant, sans faire état de son nom ou de celui de ses parents."

Ce qui motive une telle exclusion des Sussex par Élisabeth II? "La déception causée par l’annonce de la naissance d’Archie qui, au contraire de toutes les naissances princières des temps modernes, a eu lieu dans un secret total." Puis leur refus de rendre public le nom des parrains et marraines du bébé.
À la fin de l’été 2019, la parution du Vogue dont Meghan est la rédactrice en chef invitée et où elle a mis à la une des personnalités féministes et engagées à gauche a occasionné un mélange des genres problématique entre monarchie et politique. En septembre, Meghan et Harry ont donné une interview télévisée en marge de leur visite officielle en Afrique, où la duchesse de Sussex a paru s’apitoyer sur son sort. De quoi gâcher le succès de ce déplacement et ulcérer la reine. "Les Windsor […] ne se plaignent pas à l’antenne comme n’importe quel Johnny Depp", commente Robert Lacey. Surtout au milieu de gens en proie à la plus grande misère. Au contraire de l’usage, la reine ne recevra pas les Sussex au retour de leur tournée africaine.
Consternation et colère du palais à l'annonce du Megxit
Malgré leurs insubordinations, malgré leurs vacances prolongées au Canada, d’où ils ne sont pas revenus pour passer Noël à Sandringham, Élisabeth II, qui a toujours eu un faible pour Harry et a accueilli Meghan avec enthousiasme, essaie de trouver une solution. Elle propose d’envoyer les rebelles un an ou deux en Afrique, ou dans tout autre pays du Commonwealth, le temps, pour eux, de se reconstruire en famille.
Les Sussex, qui rentrent finalement le 6 janvier 2020 d’Amérique du Nord, souhaitent justement l’entretenir de leurs projets et en parler aussi avec le prince de Galles et William, si celui-ci le désire. Seulement, quand il s’agit de trouver une date, le secrétariat de la reine ne propose rien avant le 29 janvier.

À peine sur le sol britannique, Harry et Meghan convoquent leurs conseillers à Frogmore Cottage, leur résidence, proche du château de Windsor. "Mais le négociateur clé et le guide spirituel de toute l’équipe, à qui Harry lui-même s’en remet, est bien sûr Rachel Zane –le personnage joué par Meghan dans la série télé américaine Suits. […] À 18h30, les Sussex pressent sur le bouton de leur nouveau site Internet, sussexroyal.com, annonçant la nouvelle explosive: ils vont quitter la Grande-Bretagne et ont l’intention de 'se créer progressivement un nouveau rôle au sein de l’institution' et de devenir 'financièrement indépendants'. Le choc médiatique n’est rien au regard de la consternation et de la colère ressenties par le palais, à qui Harry a juste donné dix minutes de préavis avant la mise en ligne de la déclaration."
Le traumatisme de William après le déballage de Diana
Pour William, la façon dont son frère expose ses différends familiaux sur la place publique le ramène des années en arrière, en 1992, lorsque leur mère livrait sa vérité à Andrew Morton pour son livre Diana, sa vraie histoire. "Cette mère qui était convaincue d’être tant dévouée à ses enfants avait eu des mois pour réfléchir à l’effet que ses révélations allaient produire sur eux. Mais elle a poursuivi malgré tout, dévoilant comment elle avait tenté de se suicider quand elle était enceinte de trois mois –ce qui revenait à dire à William: 'J’ai essayé de nous tuer tous les deux quand je te portais dans mon ventre en me jetant dans les escaliers'."
Le pire survient avec l’entretien donné par la princesse de Galles à BBC One, en 1995, au cours duquel elle avoue son histoire d’amour avec James Hewitt, le professeur d’équitation de ses fils. "Leur mère avait vu à quel point ses deux garçons avaient été bouleversés quand Charles avait confessé son intimité avec Camilla, à la télé, l’année précédente. Maintenant, elle faisait exactement la même chose. Lorsque le maître d’internat de William rentra de son étude, il trouva le prince affalé sur le canapé, ses yeux rougis par les larmes. Et lorsque Diana téléphona une heure plus tard, il refusa de lui parler."
Le petit-fils d’Élisabeth II était dans une de ces rages épouvantables qui marquèrent son adolescence et ses années de jeune homme. Rages dont Camilla, l’épouse du prince de Galles, sera plus d’une fois le témoin stupéfait.
Harry, bouc émissaire facile et paratonnerre de la famille
"À l’époque où Harry a rejoint William à Eton, en 1998 –une année après la mort de Diana–, la vie et la tragédie ont forgé les liens de soutien mutuel des deux frères." Tant et si bien que l’aîné entraîne le plus jeune avec lui dans le cercle de ses amis, de deux et trois ans plus âgés que Harry. C’est l’époque du fameux Club H, créé avec l’accord du prince Charles dans une cave abri de sa résidence de Highgrove. Cette discothèque improvisée possède un bar bien pourvu, où les garçons et leurs camarades puisent à volonté. Quand ils ne vont pas dans l’arrière-salle d’un pub du village voisin –fumer, pour certains, un peu de cannabis. Une initiation d’où Harry sort avec le surnom de "Hash Harry". William gardant, lui, la réputation d’un garçon sérieux.

Et c’est là, selon Robert Lacey, l’origine de la première détérioration de leur relation fraternelle. L’aîné est parti à l’étranger, en année sabbatique, lorsque le cadet est envoyé visiter un centre de thérapie contre la drogue à l’initiative de Mark Dyer, un ancien écuyer de Charles, très proche de ses fils. Quelques mois plus tard la presse dénonce la dérive de Harry et loue l’initiative avisée de son père… qui n’était pas au courant.
Le jeune prince se sent abandonné, à la fois bouc émissaire facile et paratonnerre, ce qui a souvent été le lot des cadets dans la famille royale. Leurs frasques sont là pour faire oublier les éventuels faux pas de l’héritier. Le...
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