Sourire aux lèvres, il observe le précieux tubercule en humant avec délice son incomparable parfum. Le prince Philip, 97 ans, vient de concrétiser l’un de ses rêves les plus fous : récolter ses premières truffes ! Ce travail de longue haleine – choix du terrain propice, sélection des plus savoureux champignons, dressage des chiens truffiers – a débuté en 2006, sur les terres du château de Sandringham.
À l’époque, l’époux de la reine Élisabeth avait décidé de planter trois cents jeunes noisetiers et chênes mycorhizés par des spores de truffes noires du Périgord. Après douze ans d’attente – une vraie gageure pour un homme que l’on disait impatient –, l’initiative porte enfin ses fruits en ce mois de décembre 2018. L’année précédente, peu de temps après avoir pris sa retraite, le duc d’Édimbourg avait choisi de s’installer à Wood Farm, une bâtisse de pierre rouge au cœur de cette immense étendue de 6.400 hectares située dans le comté de Norfolk, au nord-est de Londres.
Très attaché à Sandringham
Ce petit manoir, spacieux et meublé de manière très simple, a toujours été l’une des résidences de weekend favorites du couple régnant. Élisabeth II avait compris le souhait de son époux de s’y retirer pour y recevoir ses amis, lire et peindre, entouré d’un personnel restreint – un page, un valet, un chef cuisinier et une gouvernante. "En étant à Wood Farm, il n’était pas trop loin – de Londres –, témoignait à l’époque l’un de ses proches. Mais suffisamment tout de même pour pouvoir se détendre vraiment."
Le couple régnant devant leur résidence de Sandringham, dans le Norfolk. C'est ici que la famille royale passe les fêtes de Noël. © ABACA
Philip affectionnait particulièrement le domaine de Sandringham, propriété privée de la famille royale, dont il fut le très actif gestionnaire à partir de 1952, l’année où son épouse accéda au trône. Son projet ? Conserver toute sa splendeur à ce site magnifique. Non seulement pour ses descendants, mais également pour les quelque deux cents personnes – fermiers, jardiniers, gardes forestiers, etc. – qui y travaillent.
Grâce à lui, Sandringham Estate est désormais une exploitation à part entière. En plus d’un demi-siècle, le prince y aura fait souffler un vent de nouveauté en y introduisant les méthodes de l’agriculture biologique sur 40 % de ses terres cultivables – le reste étant loué à huit agriculteurs – pour y produire céréales et légumes. Le domaine est réputé pour ses jus de pommes, issus de huit variétés différentes, provenant des vergers plantés par le roi George VI. Depuis 1999, le nectar, sans additif ni conservateur, est fabriqué dans une grange traditionnelle de la région. Il est ensuite servi au palais de Buckingham lors des garden-parties et des réceptions, ou vendu dans les boutiques de souvenirs de la Couronne.
Les petits pois, distribués dans les supermarchés locaux et très prisés des consommateurs, sont appelés "petits pois cent cinquante minutes", c’est-à-dire le temps maximum qui doit s’écouler entre leur cueillette et leur congélation afin de préserver entièrement leur saveur et leur fraîcheur. Cultivées sur quarante hectares et récoltées à la fin du mois de juillet, les baies de cassis sont, pour leur part, vendues à la marque de jus de fruits britannique Ribena.
Soucieux de préserver la nature romantique et sauvage du domaine, le prince faisait planter chaque année environ 5.000 arbres et avait créé 45 nouvelles forêts. La scierie de Sandringham fournit portes, bois de chauffage, abris de jardin et sciure pour les écuries. Des sapins de Noël sont également disponibles en saison. Une grande partie des terres est aujourd’hui un petit paradis pour la faune et la flore – les côtes longeant la mer du Nord ayant été transformées en zone de protection spéciale pour un grand nombre d’espèces animales.
Passionné d’ingénierie
Depuis les années 1970, le public peut découvrir gratuitement le Country Park, 250 hectares aménagés de sentiers serpentant entre les massifs de fleurs, les chênes centenaires et les châtaigniers. Après leur promenade, les visiteurs sont invités à déguster divers produits de la ferme dans le restaurant ouvert à leur intention.
Passionné d’ingénierie, le prince Philip s’impliquait dans le choix de toutes les modernisations de la propriété. Ainsi, des engins agricoles et des tracteurs se sont vus doter de pilotages automatiques actionnés au moyen d’une navigation par satellite. Le duc d’Édimbourg, féru d’écologie avant l’heure, avait également imposé le recyclage des déchets organiques, du verre, des plastiques et du métal, sur l’ensemble des terres.
Plus que les robes de bal et les costumes militaires, Philip et Élisabeth affectionnent le confort de leurs vêtements de campagne. © ABACA
Ce gentleman-farmer s’était également activement occupé du grand parc de Windsor, dont, depuis 1952, il était le ranger, ou garde forestier en chef. Créée en 1601, la fonction est traditionnellement exercée par des proches du monarque chargés de superviser la maintenance du domaine. À quelques pas du château, le prince Philip a l’idée de commercialiser les productions agricoles des résidences royales. Et fait réaménager des serres datant de l’ère victorienne, auxquelles il ajoute deux bâtiments neufs pour créer une boutique et un salon de thé.
Dès son inauguration le 11 novembre 2001, la Farm Shop connaît un immense succès. Les gourmands – et les curieux – viennent désormais de toute la Grande-Bretagne pour s’offrir un plat de gibier, des œufs ou des tourtes à la bière, ou faire l’emplette de plantes et de fleurs. Les spécialités charcutières sont préparées sur place, les produits lactés, eux, arrivent directement de la laiterie royale, ouverte en 1858 par le prince Albert, l’époux de la reine Victoria, et modernisée par le duc d’Édimbourg.
Philip et Élisabeth dans les années 1970.©Getty Images
Comme à Sandringham, ce dernier avait encouragé l’ouverture au public de certaines parties des jardins du château de Windsor et favorisé la réintroduction des cerfs dans l’immense parc environnant.
Infatigable, il imaginait sans cesse de nouveaux aménagements, avait fait planter des allées de charmes, de chênes et de citronniers, et entièrement redessiné le jardin de la terrasse est du château. Datant du règne de George IV, l’endroit, longtemps décrit comme un "incroyable fouillis", avait un côté baroque qui ne correspondait plus à l’époque actuelle. Côté sud, l’époux de la souveraine avait imaginé un petit espace destiné à l’usage privé des membres de la famille régnante. Pour le reste, il avait opté pour des parterres de roses rayonnant à partir de la fontaine centrale. Elle aussi redessinée par ses soins…
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