La princesse Margaret, une vie dans l'ombre d'Élisabeth II

Il y a vingt ans, le 9 février 2002, disparaissait Margaret de Grande-Bretagne, à l’âge de 71 ans. Fille de roi, sœur de reine, et condamnée par la naissance aux seconds rôles… D’amours blessées en désillusions, la princesse a brûlé sa vie, sans jamais la vivre tout à fait.

Par Gabriel de Penchenade - 09 février 2022, 05h50

 La princesse Margaret, l'année de ses 19 ans.
La princesse Margaret, l'année de ses 19 ans. © Bettmann / Contributeur / Getty Images

Une attaque cérébrale, la troisième en trois ans, fatale ! Ce 9 février 2002, sur les toits de Buckingham, l’étendard royal est en berne. "La princesse Margaret s’est éteinte tranquillement dans son sommeil, à six heures trente ce matin, à l’hôpital King Edward-VII", annonce le communiqué placardé aux grilles du palais. Ses enfants, le vicomte Linley et lady Sarah Chatto étaient à son chevet. Sa sœur Élisabeth II, au château de Windsor, a passé la nuit auprès du téléphone, informée heure par heure. Seule Queen Mum, 101 ans, fatiguée par une grippe, n’a pas quitté Sandringham. Accablée par la perte de son "enfant terrible", la plus rebelle mais la plus fragile, la reine mère s’éteindra seulement sept semaines plus tard. 

Antithèse de la très conventionnelle reine Élisabeth II

Tempétueuse par nature, quoi de plus normal ? Margaret Rose d’York est née par une violente nuit d’orage, le 21 août 1930, au château de Glamis, une puissante forteresse de l’est de l’Écosse, fief de ses ancêtres maternels, les comtes de Strathmore et Kinghorne. Son grand-père paternel, George V, règne alors sur le Royaume-Uni, une couronne, la plus prestigieuse du monde, que son oncle, l’éphémère Edward VIII, va bientôt coiffer. Margaret n’a que 6 ans quand ce dernier abdique, en décembre 1936, pour l’amour d’une aventurière américaine. En conséquence, son père, Albert, duc d’York, devient le roi George VI. Élisabeth, sa sœur aînée, désormais princesse héritière, Margaret enrage d’être soudain reléguée au second plan. Dépitée, la fillette se proclame : "héritière présomptive de l’héritière présomptive !" 

La future reine Elizabeth avec ses deux filles, Élisabeth et Margaret, en 1934.
La princesse Margaret, entourée de sa soeur, la princesse Élisabeth, et de sa mère, Elizabeth Bowes Lyon, en 1934. © Spencer Arnold Collection / Intermittent / Getty Images

Au couronnement de leurs parents, le 12 mai 1937 en l’abbaye de Westminster, la fillette peste que sa traîne et sa couronne soient plus petites que celles de son aînée. "Margaret veut toujours ce que j’ai…", se plaint Élisabeth à leur aïeule la reine douairière Mary, qui n’a d’indulgence que pour l’héritière. Mais la cadette, espiègle et parfois colérique, est pourtant l’enfant chérie de ses parents : "Un vrai délice pour nous deux. Elle est drôle et nous fait rire (en famille !)", confie la reine mère, un peu inquiète toutefois des facéties de l’enfant capable de se moquer, et même d’imiter les dignes invités.

Indéniablement, elle est intelligente et réjouit son institutrice, Marion Crawford : "C’est un vrai bonheur de l’avoir pour élève, elle est curieuse de tout […] Elle absorbe le savoir aussi vite que je peux le lui servir." Margaret se plaindra plus tard de l’éducation "assez médiocre" dispensée aux jeunes princesses par leurs précepteurs. Elle aurait aimé étudier l’histoire de l’art. Elle est douée pour le chant, et s’accompagne au piano avec élégance. 

La petite princesse Margaret n'a pas encore sept ans quand son père, George VI, est couronné, en mai 1937.
Au balcon de Buckingham, sous la surveillance de son aïeule la reine Mary, le 12 mai 1937, jour du couronnement de George VI, Margaret aux côtés de sa mère la reine Elizabeth et sa sœur la future Élisabeth II. © Hulton Deutsch / Contributeur / Getty Images

Sa sœur devenue reine, à la mort de leur père, en 1952, la princesse doit quitter Buckingham et s’installe à Clarence House auprès de leur mère. La naissance de ses neveux l’éloigne toujours un peu plus du trône, jusqu’à la onzième place dans la liste de succession qu’elle occupera à la fin de sa vie. Rétrogradée, privée par le nouvel Succession Act de 1953 d’une éventuelle régence à laquelle le feu roi l’avait désignée, Margaret "joue les utilités". Patronages d’œuvres en faveur de l’enfance, auxquelles elle se voue sincèrement, de la santé, des ballets…

La princesse Margaret pose devant l'objectif du photographe Cecil Beaton, en 1949.
Margaret, ravissante, immortalisée par Cecil Beaton, en 1949, l’année de ses 19 ans. © Bettmann / Contributeur / Getty Images

Dans l’Angleterre renaissante d’après-guerre, Margaret incarne, avec ses cheveux ondulés et ses petits rangs de perles, la jeune fille "bon ton" à laquelle s’identifient des millions de jeunes Anglaises. La taille fine, le décolleté généreux, le regard tendre et clair, elle fait souffler un vent de modernité sur la monarchie. "Un symbole des valeurs nouvelles", selon Cecil Beaton, qui réalise son portrait officiel. Antithèse de la très conventionnelle reine Élisabeth II, la princesse sort dans les night-clubs, s’étourdit de fêtes et de bals comme elle s’enthousiasmera plus tard pour les Beatles. Elle sillonne le monde, pour la Couronne ou par plaisir, les Caraïbes, Washington, Rome et Paris où elle croise Jean Cocteau, à qui elle confie : "La désobéissance est ma joie." 

Son amour pour Peter Townsend sacrifié !

À l’époque où la rebelle prononce ces paroles, ces yeux couleur de bleuets ne brillent que pour un homme, le group captain Peter Townsend, écuyer du feu roi son père. Une histoire d’amour, encore secrète, qui va bientôt défrayer la chronique. S’il est aviateur et un héros de guerre, Townsend, de seize ans son aîné, est aussi divorcé et père de deux enfants. Quand le secret de l’idylle est éventé, au printemps 1953, le royaume se déchire entre pro et anti "love story". La reine mère pleure son cher George VI, lui vivant "cela ne se serait jamais produit" ! 

Pour sa part, Élisabeth II ne souhaite que le bonheur de sa sœur et son Premier ministre, Winston Churchill, n’est pas a priori défavorable au projet. Ce ne sera pas l’avis de son gouvernement. Ni de l’évêque de Canterbury qui, oubliant les divorces d’Henry VIII sans doute, brandit ses livres et menace des foudres de l’Église d’Angleterre. Alors Élisabeth II demande aux amoureux de temporiser. En juillet 1953, Peter Townsend est envoyé à Bruxelles, comme attaché d’ambassade. Et dans deux ans, Margaret âgée de 25 ans, sera libre de se marier à son gré…

En octobre 1955, Margaret doit sacrifier son amour. © Popperfoto/Getty Images
La princesse et Peter Townsend, aux courses, peu avant leur rupture imposée. © Popperfoto/Getty Images

À condition toutefois, stipulent les ministres, de renoncer à son statut d’altesse royale, à ses droits de succession et à la liste civile ! Des conditions draconiennes qui auront raison de sa détermination. Margaret expédie une lettre rageuse au plus acharné de ses détracteurs, le primat anglican : "Vous pouvez refermer vos grimoires, Éminence. Je ne vais pas épouser Townsend. Je voulais que vous soyez le premier informé." Un amour sacrifié, dont elle ne se remettra vraiment jamais. 

La princesse Margaret en octobre 1955
A LIRE AUSSILes amours déçues de la princesse Margaret

Le 6 mai 1960, Margaret convole avec Antony Armstrong-Jones, play-boy en vue et photographe de la haute société, titré en conséquence "comte de Snowdon et vicomte Linley". Deux enfants naissent de cette union, David, en 1961, et Sarah, en 1964. Au Royaume-Uni, la révolution sociale est en marche, à laquelle participe, sur le plan artistique et mondain, ce jeune couple "dans le vent", environné d’aristocrates bohèmes et de figures du show-business. 

Moment de complicité entre la princesse Margaret, son mari Antony et leurs deux enfants.
La princesse Margaret et son époux, Antony Armstrong-Jones, et leurs deux enfants, David et Sarah. ©  ullstein bild Dtl. / Contributeur / Getty Images

Mais le groupe d’amis de la princesse, bientôt surnommé le "Margaret Set", est essentiellement… masculin ! Et Antony se révèle d’une jalousie maladive. Hélas pour lui. Dès le milieu des années 1960, la presse prête à la princesse de multiples liaisons extraconjugales : Robin Douglas-Home, le neveu de l’ancien Premier ministre, les acteurs David Niven, John Bindon et Warren Beatty, le chanteur Leslie Hutchinson… Et plus probablement, le "sulfureux" musicien des Rolling Stones :...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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