"Mais les porte-paroles de Meghan eurent plus de mal à justifier un autre faux pas lors de son passage aux Fidji : les longues boucles d’oreilles en diamants, estimées à 500.000 livres, qu’elle porta lors du dîner d’État à Suva et qui lui avaient été offertes pour son mariage par le prince héritier d’Arabie Saoudite Mohammed ben Salmane, fréquemment désigné par ses initiales MBS. On était le 23 octobre 2018, soit très exactement trois semaines après le meurtre et le démembrement par des agents saoudiens du journaliste dissident Jamal Khashoggi dans l’enceinte du consulat d’Arabie Saoudite à Istanbul ; et trois jours après que le régime de Riyad avait reconnu publiquement l’implication de certains de ses membres dans l’assassinat. (…) Meghan ne lisait sans doute pas les journaux lors de son séjour aux Fidji en ce mois d’octobre. On peut lui pardonner de ne pas avoir compris la portée sinistre de son choix de bijoux alors qu’elle était concentrée sur le succès de sa tournée dans le Pacifique.
Mais elle aussi avait un ami concerné par cette affaire, ou du moins une connaissance. Non pas Jamal Khashoggi, mais une autre célèbre dissidente saoudienne, Loujain Al-Hathloul, vingt-sept ans, avec qui Meghan avait posé pour Vanity Fair en octobre 2016. Meghan avait posté l’image sur sa page Instagram, et il y avait d’autres photos des deux femmes, souriantes, à Ottawa, en compagnie de plusieurs militantes féministes comme l’Irlandaise Mary Robinson, à l’occasion du Sommet mondial pour les jeunes leaders organisé par One Young World.
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Meghan était décrite comme une "actrice, activiste et ambassadrice mondiale pour World Vision", aux côtés de Loujain Al-Hathloul et d’autres délégués, que Meghan félicita d’oser "prendre la parole contre les violations des droits humains, les crises environnementales, les problèmes d’égalité des sexes, la discrimination et l’injustice". Alors comment se pouvait-il que la future duchesse ne sache pas que Loujain avait été enlevée en mars 2018 par un commando saoudien une semaine après que le prince héritier avait déjeuné avec la reine à Buckingham Palace ? C’est pourtant là que MBS avait, dit-on, remis les fameuses boucles d’oreilles, en prévision du mariage royal deux mois plus tard.
L’enlèvement de Loujain Al-Hathloul avait fait la une des journaux. La jeune femme était connue pour sa lutte en faveur du droit des Saoudiennes à conduire, que MBS leur avait accordé l’année précédente. Après quoi il l’avait néanmoins fait enlever et emprisonner au motif qu’elle continuait à critiquer son totalitarisme. Il était inconcevable que Meghan ignore ce qui était arrivé à cette courageuse militante, qu’elle avait pourtant côtoyée.
Dans les mois qui suivirent, on entendit des récits glaçants sur des tortures pendant sa détention. Sa sœur Alia raconta la visite de ses parents à la prison : "Elle leur a montré ses cuisses, et ce n’étaient pas seulement des bleus, c’étaient des brûlures […] Elle pensait qu’elle allait mourir."
L’entourage de Meghan aux Fidji affirma l’avoir mise en garde sur l’origine embarrassante des boucles d’oreilles saoudiennes. Cela fait partie du boulot des conseillers et secrétaires particuliers royaux que d’informer leur employeur des événements d’actualité susceptibles d’être abordés, et ces boucles d’oreilles étaient si exceptionnelles que les journalistes allaient forcément s’y intéresser. (…) En février 2021, après presque trois ans derrière les barreaux, Loujain Al-Hathloul fut enfin libérée, un geste de Riyad qui fut largement interprété comme une tentative de s’attirer les bonnes grâces du nouveau président Biden. "T’as vu, Joe, on n’est pas aussi barbares que tu le crois !"
Désormais âgée de trente et un ans, la militante reste à ce jour en liberté surveillée, avec interdiction de quitter le royaume. À l’heure où sont écrites ces lignes, on ignore si Meghan a repris contact avec son "amie" (l’Express), "sa proche amie" (le Sun), ou sa camarade "militante et amie" (le Mail).
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"Loujain ne connaissait pas personnellement Meghan, m’a écrit sa sœur Lina dans un e-mail du 30 mars 2021. Elles ont participé un jour à la même conférence et ont posé ensemble pour une photo, mais c’est tout."
Un des objectifs de vie qu’on attribue à Meghan Markle est l’ambition de devenir la première femme présidente des États-Unis. Mais cela demandera une séparation plus stricte entre ses goûts en matière de bijoux et ses positions politiques."
Extraits du chapitre 24, "Les diamants de la honte".
Guerre royale, mensonges et trahisons, par Robert Lacey, éditions Albin Michel, 480 p., 21,90 euros.
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