près l’opération London Bridge, marquée par plus de 3.000 kilomètres parcourus et 30 engagements officiels en dix jours, l’engagement Spring Tide peut commencer. Le lendemain des funérailles de sa mère, le souverain atterrit avec la reine consort Camilla à l’aéroport d’Aberdeen en Écosse. Peu après, deux voitures filent vers Birkhall, le refuge de la reine mère devenu celui du roi Charles pour poursuivre son deuil. Le souverain va peut-être se reposer, certainement réfléchir, mais surtout travailler. Car comme le dévoile un proche: "Quiconque a collaboré avec lui sait que le repos et la détente ne sont pas dans la liste de ses priorités."
Le Royaume(dé)-Uni ?
Si les dossiers ne manquent pas sur son bureau, trois thématiques semblent prioritaires. La première est l’unité du royaume et du Commonwealth, où les appels à l’indépendance sont nombreux. L’Écosse et l’Irlande sont les plus proches. Le souverain ne s’y est pas trompé lors de son premier discours au Parlement écossais : "Je prends mes nouvelles fonctions avec gratitude pour tout ce que l’Écosse m’a donné, avec la résolution de rechercher le bien-être de notre pays et de son peuple, et avec une confiance sans réserve dans votre bonne volonté et vos bons conseils."

Il avait face à lui Nicola Sturgeon, la Première ministre écossaise et cheffe du parti indépendantiste SNP (Scottish National Party), qui a annoncé au mois de juin sa volonté d’organiser un référendum consultatif sur l’indépendance le 19 octobre 2023. Mais cette consultation est pour l’instant suspendue à la décision de la Cour suprême britannique. La situation est tout aussi politique en Irlande. Le parti unioniste pro Royaume-Uni démocrate (DUP) refuse de partager le pouvoir avec le parti républicain (Sinn Féin), vainqueur des dernières élections, comme le prévoit l’accord de paix signé en 1998.

Au cœur du contentieux, le rejet par le DUP du protocole nord-irlandais négocié par Londres avec l’Union européenne lors du Brexit, alors que le Sinn Féin est globalement favorable à son application. Pour Charles III, même parasitée par l’incident du stylo, la prise de parole fut tout aussi mesurée à Belfast qu’à Édimbourg.

"Au cours des années qui ont suivi le début de sa longue vie au service du public, ma mère a vu l’Irlande du Nord traverser des changements considérables et historiques", a confié le roi avant de se déclarer "résolu à chercher le bien-être de tous les habitants". Prudent et diplomate, le monarque s’est ensuite entretenu avec Michelle O’Neill, membre du Sinn Féin et Première ministre désignée du territoire nord-irlandais.
Le Commonwealth instable
Au sein de 56 pays du Commonwealth, la situation n’est guère meilleure malgré quelques lueurs d’espoir. Si le Gabon et le Togo ont rejoint l’organisation, cette union de 2,5 milliards d’habitants a ses détracteurs. Parmi les 15 pays dont le roi Charles III est souverain, l’Australie ne cache plus son désir d’émancipation. Le Premier ministre Anthony Albanese a nommé Matt Thistlethwaite ministre délégué pour la République. Ce dernier a déclaré: "Il est évident que nous avons besoin d’une mise à jour de notre système." À l’autre bout du globe, une étude canadienne révélait en 2021 que six Canadiens sur dix souhaitaient que la tutelle monarchique disparaisse avec la souveraine.

Ce mouvement touche également la Jamaïque, dont le gouvernement déclare «inévitable» la transition vers une république avant les élections législatives de 2025. Là encore, le roi Charles est conscient de sa mission. Il doit accompagner les anciennes colonies de l’Empire dans ce nouveau désir d’émancipation, comme à la Barbade le 30 novembre 2021. À cette occasion, l’ancien prince de Galles avait évoqué l’esclavagisme de la Grande-Bretagne.

"Depuis les jours les plus sombres de notre passé et l’atrocité de l’esclavage, qui entachent à jamais notre histoire, les habitants de cette île ont forgé leur chemin avec un courage extraordinaire." Une forme de réponse aux images du voyage de William et Catherine en Jamaïque, en mars, où le passage en revue des troupes par le couple debout dans un Land Rover, utilisé par la reine en 1953, renvoyait à une époque révolue.
L'opération "Golden Orb" est lancée
Pour le roi Charles III, cette nouvelle vision du rayonnement monarchique va de pair avec une réorganisation de la "Firme". C’est le deuxième gros dossier sur son bureau. Et sur ce sujet, le premier défi est peut-être personnel. "Il faudra toute la ruse de son équipe et de la reine consort pour le persuader qu’il n’a pas à tout assurer à la fois" explique un de ses proches. Perfectionniste et travailleur, Charles III "veut que les choses soient faites la veille", comme l’avait confié son épouse. Cet état d’esprit explique qu’il ait déjà réfléchi à son couronnement. Et comme toujours, l’opération a un nom: "Golden Orb".

Selon sa volonté, la cérémonie sera "plus courte, plus petite et moins onéreuse" que celle de sa mère. Tout d’abord, des représentants de toutes les religions seront invités. Ensuite, seuls 2000 cartons seront envoyés, loin des 8000 du couronnement d’Élisabeth II. Mais ces évolutions n’impliquent pas de changement sur le caractère sacré de l’événement. "La cérémonie devra être conforme et sincère, en accord avec les traditions, mais elle devra également être représentative de la monarchie dans le monde moderne", détaille un conseiller.

Comme le veut la coutume, la couronne de saint Édouard devrait sortir de la Tour de Londres, comme la Pierre du Destin du château d’Édimbourg, pour rejoindre l’abbaye de Westminster. Et Camilla porterait la couronne de la reine mère, en 1937, lors du sacre de George VI. Même si rien n’est finalisé, la période mai-juin 2023 est envisagée, avec peut-être la date du 2 juin, soixante-dixième anniversaire du couronnement d’Élisabeth II.
Réchauffer les relations avec la France post-Brexit
Mais avant cela, le roi Charles III compte reprendre les voyages souverains à l’étranger, interrompus depuis huit ans....
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