L’instant est solennel autant que surréel. En ce mercredi 22 juillet 2020, un détachement du régiment The Rifles se tient au garde-à-vous dans la cour d’honneur du château de Windsor, au pied des marches de l’entrée des écuyers. Arrive le duc d’Édimbourg. Il est depuis soixante-sept ans colonel en chef de cette unité d’élite.
En ce jour anniversaire du régiment, il transmet sa charge à sa belle-fille, la duchesse de Cornouailles, qui présidera la seconde partie de la cérémonie depuis Highgrove, à cent trente kilomètres de là. Sur les lèvres de l’un et de l’autre, malgré la distance et grâce à la vidéo, le même sourire mêlé d’humour et d’émotion.
Le 22 juillet 2020, depuis Windsor, le duc d’Édimbourg transmet le titre de colonel en chef des Rifles à sa belle-fille, qui le reçoit à Highgrove, entourée d’un détachement du régiment. © Pugh Geoff/ABACA
Camilla arbore pour l’occasion une robe vert forêt du même drap que l’uniforme des Rifles et fermée des mêmes boutons. Sans oublier une broche à motif de clairon, l’insigne régimentaire.
Pour Philip, il s’agit de son engagement officiel le plus important depuis son retrait des activités royales, voici trois ans. Pour Camilla, d’un honneur immense et d’une grande marque de confiance de prince consort à la future reine consort. D’autant que le beau-père de la duchesse de Cornouailles a longtemps été le plus sûr allié de Diana.
Mais aujourd’hui le duc d’Édimbourg rend hommage à l’attitude exemplaire de celle qui ne s’est jamais plainte et qui n’a jamais fait le moindre commentaire sur sa vie privée. Celle qui, comme lui, s’est placée au service de la monarchie, sans se mettre en avant, pour épauler son conjoint et la reine, avec cette sensibilité extraordinaire qui lui permet de partager d’emblée les heurs et les malheurs des personnes qu’elle rencontre.
Le retour en grâce
Cette charge nouvelle de colonel en chef vient couronner une remarquable montée en puissance sur la scène publique. Car les épreuves que traversent la Grande-Bretagne et la famille royale ont révélé Camilla. Elle a quitté l’ombre du prince de Galles pour le représenter, sans cesser à aucun moment de le mettre en valeur. Très active par visioconférence, au printemps dernier, pendant le confinement d’un Charles atteint de la Covid-19, la duchesse de Cornouailles se montre aussitôt après décidée à vanter la forme physique de l’héritier du trône et sa ferme intention de continuer à servir quel que soit son âge.
Arrivée tout à fait royale de la duchesse de Cornouailles pour la cérémonie d’ouverture du Parlement, le 18 mai 2016. © Splash News/ABACA
On est loin de la jeune femme effrayée par les exigences de la vie princière, au point d’avoir rompu avec Charles en 1973 pour épouser Andrew Parker-Bowles. Aujourd’hui, elle lutte contre l’isolement des personnes vulnérables ou âgées, dénonce la montée des violences intraconjugales, encourage ses concitoyens à être solidaires, à lire, à faire du sport afin de prévenir les problèmes de santé…
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Forte de ses propres blessures, la disparition de sa mère Rosalind, rongée par l’ostéoporose, la mort de son jeune frère, l’aventurier Mark Shand, un premier mariage chaotique, l’image injuste de grande responsable de l’infortune de Diana, elle comprend mieux que personne les souffrances intimes. Comme la nécessité d’aimer et d’entourer une humanité plus désorientée que jamais. Mieux encore, elle offre à chacun son sourire, la chaleur de sa présence, son optimisme et sa simplicité.
Le style Camilla au service de la Couronne
Car il y a un style Camilla. Et il s’impose avec aisance au fil des mois. Ainsi, le 4 novembre 2020, à l’abbaye de Westminster, quand elle représente la famille royale pour la cérémonie du "champ du souvenir" en plaçant symboliquement une des 70.000 croix barrées du coquelicot, en mémoire des morts de la Grande Guerre et des conflits suivants.
Vêtue de son manteau à brandebourgs aux couleurs des Rifles, arborant, outre le coquelicot du souvenir, une toute nouvelle broche de son régiment en or blanc clouté d’émeraudes, Camilla préside la cérémonie entre le doyen de l’abbaye et le ministre de la Défense.
La duchesse de Cornouailles durant la cérémonie du "champ du souvenir" devant l'abbaye de Westminster le 4 novembre 2020.© Splash News/ABACAPRESS.COM
"Selon moi, la présence de la duchesse de Cornouailles va devenir régulière à cette cérémonie, dit le médecin amiral Jarvis, président de l’association commémorative Poppy Factory. Nous pensons que ce serait bien. Le prince Harry a d’évidence d’autres préoccupations pour le moment."
L’épouse de l’héritier du trône fait d’ailleurs montre d’une spontanéité qui rappelle celle de son beau-fils, doublée d’un irrésistible sens de l’humour.
Ainsi, le 28 octobre. Camilla accompagne le prince de Galles dans sa visite du siège de la Banque d’Angleterre dont l’action est cruciale pour le soutien de l’économie en pleine crise sanitaire. Suivant la tradition, Charles, avant de repartir, signe un billet à ordre d’un million de livres, symbole du soutien de la monarchie à sa banque centrale. Bien sûr, le chèque ne sera jamais présenté mais simplement gardé dans une chambre forte. "Donc, je ne peux pas le glisser dans mon sac?", lance Camilla, déclenchant l’hilarité de l’austère gouverneur Andrew Bailey.
Le 21 octobre, elle empaquette des brownies cuits à Clarence House pour les paniers-repas d’une association de personnes âgées afro-caribéennes. © Tallis Justin/ABACA
Même naturel, quelques jours plus tard, le 6 novembre. Obligée par le nouveau confinement de renoncer à sa visite au Bevy, un pub géré par la communauté locale de Brighton qui livre des repas aux personnes vulnérables, elle opte pour une visioconférence avec les responsables et habitués de l’établissement. Dont Les Hamilton, un octogénaire qui lui parle de sa passion pour les Beatles. "Oh, excellent, moi aussi, s’entend-il répondre. J’étais une vraie fan des Beatles. J’allais à tous leurs concerts."
Elle a d’ailleurs offert des tee-shirts de son groupe fétiche à chacun de ses cinq petits-enfants, nés de son fils Tom et de sa fille Laura. Grand-mère attentive et tendre, Camilla passe le plus de temps possible avec eux. Ils sont son jardin secret et sa grande joie reste de leur avoir donné le goût de lire et de rire.
Plus touchant encore, le 8 octobre, lorsque la duchesse de Cornouailles, présidente du Royal Voluntary Service, se rend au centre communautaire de Mill End, à Rickmansworth, dans le Hertfordshire. Loin de se contenter de rencontrer volontaires et résidents, elle retrousse ses manches et, armée d’un masque et d’une visière, va servir le déjeuner aux retraités.
Le 8 octobre 2020, elle aide une retraitée aveugle à prendre son déjeuner dans un centre communautaire et inaugure une bibliothèque scolaire. © Matthews Andrew/ABACA
Parmi eux, Kay Francis, 96 ans et quasi aveugle. Incapable de reconnaître Camilla, elle lui demande sans façon, "pouvez-vous me couper ma nourriture?" Des assistantes de vie se précipitent, arrêtées par la princesse: "Bien sûr. Je suis trop contente de pouvoir vous être utile." Et la conversation s’engage sans effort. À aucun moment la vieille dame ne réalise qui l’aide à prendre son repas.
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