Au son du Royal Salute, ils entrent tous deux dans l’immense hall du palais de Westminster où s’est réuni le Parlement. Les membres des deux chambres se lèvent alors comme un seul homme. Le roi et la reine s’avancent dans un silence respectueux. Sur le palier du grand escalier, les Gentlemen at Arms et les Yeomen of the Guard ont pris place. Deux trônes quasi identiques ont été installés, celui du roi étant plus haut de deux centimètres seulement. Pour la première fois, Charles III s’y assoit, Camilla l’imite. Le couple royal fait face aux représentants de la nation, l’une des images fortes du nouveau règne. Camilla est reine consort. Qui l’eût cru voici un an encore ?
"Je compte sur l’aide affectueuse de ma chère femme"
Camilla la scandaleuse, Camilla la femme la plus détestée du Royaume-Uni dans les années 1990, l’anti-Diana, traquée, huée, menacée. Un retour en grâce qui tient presque du miracle. La victoire de l’amour à en croire ses admirateurs – de plus en plus nombreux –, le résultat d’une remarquable opération de communication au long cours pour les autres. Il n’empêche. Camilla Shand, ex-Madame Parker Bowles, s’est imposée comme l’élément non négociable de la vie de Charles. D’abord dans la sphère privée, puis après leur mariage en 2005, dans sa vie tout court.
À l’époque, le palais de Buckingham assure que la seconde épouse de l’héritier de la Couronne, titrée duchesse de Cornouailles et non princesse de Galles, ne serait jamais reine, tout juste princesse consort. Un titre qui n’existe pas... Dix-sept ans plus tard, l’ambiguïté est levée, enfin, le 5 février 2022, veille du soixante-dixième anniversaire de l’accession au trône d’Élisabeth II.
Dans une communication aux accents très personnels, la reine accorde sa bénédiction à celle qui est devenue un membre très apprécié et très estimé de la famille royale : "Je reste éternellement reconnaissante et touchée par la loyauté et l’affection que vous continuez à me témoigner, déclare-t-elle au peuple britannique. Et quand, le moment venu, mon fils Charles deviendra roi, je sais que vous lui prodiguerez, ainsi qu’à sa femme Camilla, le même soutien que vous m’avez donné ; et je souhaite sincèrement, qu’à ce moment-là, Camilla devienne reine consort en reconnaissance de ses loyaux services." La meilleure manière de vaincre les dernières réticences. Sans doute le plus grand service qu’elle ait rendu à son fils et à sa belle-fille.
La duchesse de Cornouailles était d’ailleurs au côté d’Élisabeth II quand la reine s’est éteinte à Balmoral, soutenant dans l’épreuve son époux et sa belle-sœur, la princesse Anne. "Je compte sur l’aide affectueuse de ma chère femme. En reconnaissance de son engagement depuis notre mariage il y a dix-sept ans, elle devient ma reine consort." Tout naturellement, dans sa première adresse à la nation, le nouveau roi lui rend hommage, avant même de titrer son héritier, William, prince de Galles. Camilla est aussi au premier rang du conseil d’accession, le lendemain – le premier de l’Histoire diffusé à la télévision –, son beau-fils à sa droite. Là encore, il s’agit de l’installer un peu plus dans la fonction. En ces instants solennels, elle reste parfaite maîtresse d’elle-même.
Alors que Charles III s’agace d’un porte-plume oublié qui le gêne, Camilla, tout au long de la cérémonie, se montre imperturbable quoique légèrement absente. N’a-t-on pas dit qu’elle ne souhaitait pas devenir reine ? "Je sais qu’elle apportera aux exigences de son nouveau rôle le dévouement inébranlable sur lequel je compte tant", assure Charles III.
Mais au-delà de son rôle institutionnel – plus que limité –, au-delà de la pompe et des traditions, les attentions que s’accordent les époux royaux, même publiquement, démontrent l’attachement sincère qui les unit. Devant les grilles du palais de Buckingham où les anonymes ne cessent de porter des fleurs, la reine consort pose une main dans le dos de son mari. N’est-elle pas la seule à savoir le rassurer, l’apaiser ? Élisabeth II pouvait compter sur le prince Philip, Charles III peut s’en remettre à Camilla.
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