Franchement, le montant de 400 millions de livres sterling qui est évoqué régulièrement comme étant celui de la fortune personnelle de la reine est assez difficile à accepter. Ces 400 millions représentant ses avoirs financiers et boursiers sont mentionnés avec une belle constance depuis vingt ans. Pour ne pas avoir augmenté en ces deux décennies qui furent l’un des âges d’or du capitalisme boursier en Grande-Bretagne, il faudrait vraiment que les gestionnaires du portefeuille royal aient été très mauvais. Hélas, nul ne pourra percer ce mystère. Toutes les barrières légales ont été déployées depuis un siècle pour conserver à la richesse des rois le caractère le plus secret.
Balmoral vaudrait 150 millions de livres sterling
En 1910, année de la mort du prince Francis de Teck, un grand-oncle d’Élisabeth II, les testaments des Windsor ont été définitivement classés documents confidentiels. Au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, le souverain a été dispensé de droits de succession. Conséquence automatique : aucun inventaire de la fortune royale n’a jamais été fait puisqu’il n’y a pas de taxe à verser au fisc. Selon David Pegg et Rob Evans qui ont publié leur enquête dans le Guardian il y a un an, une compagnie écran, Bank of England Nominees Limited, aurait même été créé en 1976 par la Banque d’Angleterre afin de préserver le secret des transactions boursières de Sa Très Gracieuse Majesté. Cette compagnie a été dissoute en 2017. Et le mystère demeure !

En 2002, après la mort de la reine mère, deux rares informations filtrent. La mère d’Élisabeth II a, de son vivant, constitué deux trusts dotés de plusieurs millions de livres sterling destinés aux princes William et Harry. Ce dernier n’étant pas l’héritier de la Couronne a reçu une part plus importante que son frère aîné appelé à devenir roi et à recueillir un patrimoine beaucoup plus vaste. Toutefois ces deux trusts ne concernent que la partie purement financière de la fortune de la reine mère. Tout son patrimoine, mobilier, tableaux – elle possédait un Monet –, bijoux, objets précieux, a été transféré en intégralité et sans droits de succession à sa fille aînée, la reine Élisabeth II. En plus du mystérieux portefeuille de valeurs boursières, la reine Élisabeth possédait deux domaines : Sandringham et Balmoral.

Il y a cinq ans, le magazine Forbes les estimait à près de 200 millions de dollars. Balmoral à lui seul vaudrait 150 millions de livres avec ses 20.000 hectares, plus d’une centaine de bâtiments, y compris des dizaines de cottages loués, ses lucratifs droits de chasse au chevreuil et de pêche au saumon. Le destin de ces propriétés est clair. Ils reviennent au nouveau roi Charles III. Le souverain hérite aussi d’un autre domaine, le duché de Lancastre qui appartient aux rois d’Angleterre depuis le XIIIe siècle. En 1399, le roi Henri IV en a précisé les règles d’attribution pour le futur. Le duché qui est alors un ensemble de domaines agricoles et de châteaux sera une entité privée appartenant au roi régnant à titre héréditaire.

Lorsque la reine Élisabeth II est montée sur le trône en 1952, après la mort de son père, George VI, elle a hérité du duché de Lancastre, dont les revenus s’élevaient alors à 100.000 livres. En 2021, ces mêmes revenus représentaient 19 millions de livres. Au mois de mars 2022, la valeur du duché de Lancastre s’élevait à 652 millions de livres. Son patrimoine comprend 18.000 hectares de terres agricoles, dont plus de 6.500 dans le Lancashire, des châteaux, notamment celui de Lancastre, et surtout un ensemble immobilier à Londres, autour de l’hôtel The Savoy.

En recevant le duché de Lancastre, le nouveau souverain a automatiquement transmis au prince William un autre domaine privé, le duché de Cornouailles. Cet ancien fief du Moyen Âge a été attribué en 1337, lui aussi à titre héréditaire, à l’héritier de la Couronne. Son revenu annuel est d’un peu plus de 20 millions de livres. Le duché est aujourd’hui encore propriétaire de 7.500 hectares de terres agricoles en Cornouailles, mais il possède aussi un important patrimoine dans le Devon, le Somerset et le Dorset. Enfin, reste l’extraordinaire patrimoine mobilier de feu Sa Majesté la reine Élisabeth II. Tout comme son portefeuille de valeur boursière, il est impossible à estimer avec précision.
Une partie des bijoux d'Élisabeth II ira à Camilla
Les bijoux en sont l’un des chapitres les plus visibles. Nombre d’entre eux lui ont été offerts, notamment lors de son mariage en 1947, ou transmis par héritage, à la mort de sa mère en 2002, et surtout après celle de sa grand-mère, la reine Mary, en 1953. Le plus spectaculaire de ces joyaux reste une broche provenant de la reine Mary. Elle est composée de deux diamants de 94,4 carats et 63,6 carats. À elle seule, elle vaut plusieurs dizaines de millions de livres sterling.

La collection comprend une dizaine de diadèmes, une cinquantaine de colliers, plus de 200 broches, des dizaines de bagues et de bracelets. Quelques-unes de ces parures, notamment un collier de rubis et diamants et un diadème de saphirs et diamants, sont des achats personnels de la reine. La plus grande partie de cette collection, sans doute la plus belle du monde en mains privées, ira au roi Charles, et donc à son épouse, Camilla.

Deuxième chapitre de ce patrimoine mobilier, la collection de timbres constituée en grande partie par le roi George V, grand-père d’Élisabeth II. À sa mort en 1936, il laisse 328 albums de cuir rouge aux armes royales renfermant la plus importante collection de timbres au monde. Son fils, le roi George VI, a complété la collection. Ses timbres sont conservés dans des albums de cuir bleu. La reine Élisabeth a repris le flambeau de cette passion familiale avec des albums de cuir vert. Autrefois estimée une vingtaine de millions de livres, la collection de timbres royale est sans doute actuellement impossible à estimer, mais elle est clairement propriété privée du souverain.

Le troisième chapitre du patrimoine royal est la légendaire Royal Collection. Cet organisme est chargé de la conservation, de la gestion et des éventuelles expositions des 270.000 œuvres d’art, tableaux, dessins,...
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