Une vague immense, infinie, nourrie de 57 millions de larmes, et qui s’échoue à Londres et ailleurs en autant de fleurs. La Grande-Bretagne est inconsolable de la perte de sa princesse. L’émotion surprend par son ampleur, et la douleur réunit tout un peuple meurtri, orphelin, qui cherche désespérément un réconfort à travers cet hommage.
Un punk de Birmingham, égaré, une gerbe de zinnias blancs dans les bras, avoue sa tristesse. Une petite blonde, les mains jointes en prière, pleure la fin de son conte de fées. Devant Buckingham, siège de la Couronne, un anonyme a sorti d’un jeu de cartes la reine de cœur. Celle qui incarne à jamais Diana aux yeux de son peuple.
Des quartiers les plus chics aux faubourgs, en passant par la City, le chagrin recouvre Londres
Se mêlant à la foule devant le palais, Raine Spencer, la belle-mère de la princesse, cache sa détresse derrière des lunettes noires. "Quand je vous ai rencontrée en 1995, vous m’aviez donné tant de force. Je regrette de ne pas avoir été là pour vous", écrit Joséphine Rogers, une malade du cancer. A proximité, une jeune femme métisse hurle son désespoir. "Je me sens presque coupable de l’absurdité de votre mort dans ma ville natale", a inscrit Leanne Vichi, une Parisienne. "Elle nous a tellement apporté par son exemple et son attention aux autres! Il est juste de lui témoigner notre gratitude", explique, les yeux humides, Samantha, une étudiante de Bournemouth.
Des quartiers les plus chics aux faubourgs, en passant par la City, le chagrin recouvre Londres comme un épais brouillard. Une chaîne ininterrompue d’admirateurs encercle la résidence londonienne du prince Charles. Onze heures, douze heures d’attente devant la chapelle ardente de Saint James où repose la dépouille de lady Diana.
Qu’importe la nuit, et la pluie qui menace: ils sont prêts à tout pour lui témoigner une ultime fois leur amour. Mohamed al-Fayed, propriétaire de Harrods, dépêche une vingtaine de bénévoles pour servir des rafraîchissements et des sandwichs à ceux qui patientent. Parmi eux, quelques bobbies, le visage grave, veillent. "Cela m’est complètement égal de faire des heures supplémentaires", lance l’un d’eux.
Chacun à sa manière apporte à la princesse une offrande, des fétiches chargés d’affection
Dans la file, il n’est question que d’elle, des mille sourires qu’elle laisse en héritage, de ses multiples attentions pour les laissés-pour-compte. Ici, les gens chuchotent, par crainte peut être de troubler son sommeil. "Bonne nuit, douce princesse." Une vieille lady serre un bouquet de chrysanthèmes jaunes, parce que "c’était sa couleur préférée", dit-elle en cherchant un soutien dans les regards qui l’entourent. "Nous ne pouvons pas la ressusciter mais nous pouvons au moins lui montrer à quel point nous l’aimions", confie Emily Grayson.
Sanctifiée. La mort a sanctifié Diana, princesse de Galles. Et chacun à sa manière aujourd’hui lui apporte une offrande. Un chausson de danse, un nounours, une casquette d’adolescent: des fétiches chargés d’affection comme pour la retenir encore un peu auprès d’eux. "Vous étiez la personne la plus extraordinaire au monde. Lorsque vous pleuriez, nous pleurions, et quand un sourire illuminait votre visage, le nôtre s’éclairait dans l’instant." Quelques mots griffonnés sur l’un des quarante-trois registres de condoléances.
Les jours passent, et après le choc de ce dimanche matin, le désarroi ne cesse de s’amplifier comme si la nation toute entière s’affolait du vide laissé par la princesse. Une absence insupportable dont aucun geste, aucune parole ne paraît à la mesure.
La nuit, Londres brille de mille bougies dont la lumière pâle éclaire le visage de l’icône. Et puisque le destin se révèle si cruel, les sujets de Sa Majesté cherchent en vain un coupable. Photographes, chauffeur ivre, les voilà bientôt qui reprochent à la reine et à la famille royale son indifférence présumée, contraignant la souveraine à intervenir en catastrophe la veille des obsèques. On est forcément injuste, lorsqu’on est malheureux.
Durant plusieurs jours, les Britanniques se sont débarrassés de leur flegme légendaire
Une émotion qui confine à la dévotion. Ainsi, deux femmes et trois hommes prétendent avoir aperçu le fantôme le fantôme de la princesse dans un couloir du palais de Saint-James. Son visage se serait imprimé sur un portrait de Charles Ier peint par Edward Bower, affirment-ils.
Saisis par le syndrome Evita Peron, les Britanniques se sont débarrassés de leur flegme légendaire, dans des scènes proches de l’hystérie collective qui ont franchi les frontières du Royaume-Uni. L’île de Montserrat envisage de rebaptiser son port "Diana" et à Lipari, dans les îles Eoliennes, le rocher duquel elle aimait plonger lors de ses vacances avec Charles portera également son nom.
Ses admirateurs, cependant, n’en oublient pas les multiples croisades de la reine des cœurs. Un fond spécial "Princess of Wales Memorial" créé mardi 2 septembre, à l’initiative de Kensington Palace, reçoit chaque jour des centaines de chèques pour un montant espéré de 2,5 milliards de francs. Un franc par téléspectateur dans le monde entier. La BBC a d’ores et déjà annoncé que les bénéfices tirés de la retransmission de l’événement seraient intégralement reversés à la fondation. Diana ne pouvait rêver plus bel hommage. Son œuvre lui survivra.
Par Sylvie Dauvillier et Raphael Morata
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