Il a le regard au bord des larmes. Avec des gestes d’une infinie douceur, d’un infini respect, il dispose à la tête du cercueil de sa mère le fanion de la Queen’s Company que vient de lui remettre le lieutenant-colonel des Grenadier Guards. Puis Charles III recule de deux pas pour laisser la place au baron Parker of Minsmere. Le lord chambellan de la Maison royale brise en deux la longue baguette, insigne de ses fonctions qui viennent de prendre fin avec la mort d’Élisabeth II, et en place les morceaux sur le cercueil. Vraiment le nouveau règne a commencé et Charles en sent tout le poids. Désormais, il ne s’appartient plus. Et chacun peut voir, à cet instant, les sentiments qui l’agitent puisque, pour la première fois, le service religieux "privé" d’inhumation du souverain est diffusé à la télévision.

Depuis 15h45, ce lundi 19 septembre, la porte Cambridge du domaine royal de Windsor à peine franchie, les funérailles de la reine ont cependant changé de dimension. Élisabeth II est de retour chez elle, reçue avec des attentions d’une absolue délicatesse. Au bord de l’avenue menant au château et à la porte George IV se tient Emma, son poney Fell favori, prêt à partir en promenade, le foulard de la souveraine posé sur la selle. Terry Pendry, le palefrenier en chef, le tient par la bride et incline la tête au passage de la défunte. Derrière lui, deux de ses consœurs en jodhpur et bottes d’équitation font la révérence. Dans la cour Quadrangle, deux valets de pied tiennent en laisse Muick et Sandy. L’air triste et un peu perdu, les corgis offerts à Élisabeth II par Andrew voient pour la dernière fois passer leur maîtresse.

La présence de George et Charlotte émeut face à cette gravité au-dessus de leur âge
La famille royale suit le cercueil de la reine en procession, jusqu’à la cour en fer à cheval et à l’entrée ouest de la chapelle St George de Windsor. Tout au long des grands escaliers, un détachement des Life Guards et des Blues and Royals forme une garde d’honneur à la dépouille d’Élisabeth II, portée par huit Grenadier Guards de la Queen’s Company. Il est 16 h 15, ce lundi 19 septembre 2022, lorsque le cortège commence à remonter la nef, précédé des représentants de la Maison de la reine et du clergé, dont les archevêques d’York et de Canterbury, ainsi que le doyen de la chapelle St George, le révérend David Conner.

Derrière le cercueil, Charles III et la reine consort, la princesse royale et le vice-amiral Tim Laurence, le duc d’York, le comte et la comtesse de Wessex, le prince et la princesse de Galles qui donnent la main à leurs enfants, le duc et la duchesse de Sussex, le comte de Snowdon et Peter Phillips, le duc de Gloucester, le duc de Kent et le prince Michael de Kent. La présence des deux aînés de William et Kate émeut face à cette gravité au-dessus de leur âge, tout comme leur tristesse un peu incrédule à l’idée de ne plus jamais voir "Gangan", ainsi qu’ils appelaient leur arrière-grand-mère, Élisabeth II.


Huit cents personnes vont assister au service d’inhumation d’Élisabeth II, Premiers ministres de Sa Majesté, représentants des corps constitués et du Commonwealth, souverains proches ou apparentés à la famille royale britannique... Le chœur et ses stalles où se tiennent les Windsor et les personnalités les plus éminentes donnent à la cérémonie une atmosphère d’intimité, aux antipodes de la grandeur impressionnante de Westminster.
Comme une déclaration d'amour posthume au prince Philip
Le cercueil repose maintenant sur le catafalque disposé devant l’autel. Le chœur de la chapelle St George a entonné le Contakion russe des défunts. "Donne du repos, Ô Christ à ta servante parmi tes saints, là où le chagrin et la douleur ne sont plus...", un cantique déjà chanté le 17 avril 2021, pour les funérailles du duc d’Édimbourg et un choix très personnel de la reine, comme une déclaration d’amour posthume. Car tout fait sens dans ces derniers rites.

Après l’oraison prononcée par le doyen de la chapelle St George, vient la lecture des premiers versets du chapitre 21 de l’Apocalypse : "Alors j’ai vu un ciel nouveau et une terre nouvelle, car le premier ciel et la première terre s’en étaient allés et, de mer, il n’y en avait plus..." Avec ce texte, Élisabeth II dit sa tendresse à ses grands-parents, George V et la reine Mary, et à son père, George VI, qui l’avaient eux aussi retenu pour leurs funérailles. Les intentions de prière, elles, sont prononcées tour à tour par les trois chapelains privés de la reine défunte, le recteur de Sandringham, le ministre du culte de Crathie Kirk, près de Balmoral, et le chapelain de la chapelle royale de Tous-les-saints, dans le parc de Windsor.

La célébration approche de son terme. Le chœur chante un motet composé par sir William Henry Harris, "Emmène-nous, Ô Seigneur Dieu, à notre dernier éveil, dans la maison et à la porte des cieux"... Organiste de la chapelle St George, entre 1933 et 1961, sir William recevait souvent la visite de la princesse Élisabeth à qui il avait appris à jouer du piano.
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