L’énigme Mette-Marit

Vingt ans après son mariage avec Haakon, la sulfureuse Mette-Marit s’est transformée en une princesse modèle. Seconde nature ou rôle de composition ? Qui est vraiment la prochaine reine de Norvège ?

Par Thomas Pernette - 24 août 2021, 11h14

 Haakon et Mette-Marit de Norvège
Haakon et Mette-Marit de Norvège © Jørgen Gomnæs/Det kongelige hoff

"J’ai vécu des expériences que j’ai chèrement payées." Les yeux rougis, face caméra, la fiancée du prince héritier se lance dans un mea culpa inédit. En Norvège, même vingt ans après, personne n’a oublié l’humiliante conférence de presse à laquelle s’est pliée Mette-Marit Tjessem Høiby, le 22 août 2001, trois jours avant ses noces.

Jamais future princesse n’avait eu à subir pareille épreuve : devoir prouver sa bonne foi — et sa moralité — pour épouser l’homme qu’elle aime et avec lui tout un pays. Les fautes de Mette-Marit à l’époque : une jeunesse libre, un enfant né d’une précédente relation et la réputation d’avoir goûté aux paradis artificiels.

LIRE AUSSI >> Archives. Le mariage d'Haakon et Mette-Marit de Norvège

"Je ne peux pas revenir sur mes choix, même si j’aurais aimé que ce soit possible. Afin qu’il n’y ait aucun doute aujourd’hui sur ma position, je tiens à saisir cette occasion pour condamner la drogue." Assis à ses côtés, Haakon lui prend la main.

"En tant que princesse, je dois tenir mon rôle et croire en moi"

Vingt ans ont passé. Les protagonistes de ce drame médiatique ont été confrontés à d’autres tempêtes. Ensemble, ils ont appris de leurs erreurs. Leur déménagement à Londres, en 2002, pour reprendre leurs études — à 29 ans passés ! — a fait couler beaucoup d’encre, d’autant que les Norvégiens n’ont guère apprécié de se voir présenter la note. On ne les y reprendra plus.

Mais si Haakon est l’enfant chéri du pays, la nouvelle princesse, elle, doit inlassablement faire ses preuves, justifier ses choix, avancer sans trébucher. On l’a d’abord dite exigeante et difficile ; on a moqué sa phobie de l’avion, incompatible avec sa fonction. On a également critiqué son goût soi-disant immodéré pour la mode... tout en scrutant chacun de ses looks et d’éventuels fashion faux pas !

En décembre 2012, la princesse héritière Mette-Marit est resplendissante dans cette robe du créateur italien Emilio Pucci. © Julian Parker/UK Press via Getty Images
En décembre 2012, la princesse héritière Mette-Marit est resplendissante dans cette robe du créateur italien Emilio Pucci. © Julian Parker/UK Press via Getty Images

"La princesse héritière est appréciée, même si elle n’est pas aussi populaire que le roi ou le prince héritier, qui sont aujourd’hui les membres les plus aImés de la famille royale. Le scepticisme avec lequel elle a été accueillie s’est vite dissipé après le mariage, même si les jeunes lui sont nettement plus favorables que leurs aînés", nuance Trond Norén Isaksen, historien et spécialiste de la monarchie.

La princesse héritière Mette-Marit et son époux Haakon saluent la foule lors de leur visite de Lom, dans le centre du pays, en septembre 2019. © Splash News/ABACAPRESS.COM
La princesse héritière Mette-Marit et son époux Haakon saluent la foule lors de leur visite de Lom, dans le centre du pays, en septembre 2019. © Splash News/ABACAPRESS.COM

"En tant que princesse, je dois tenir mon rôle et croire en moi", avouait la jeune femme, lucide, au quotidien Verdens Gang dès 2005. Force est de constater qu’elle y est parvenue. De l’avis général, Mette-Marit est prête à devenir reine un jour. Que de chemin parcouru ! Lors d’un sondage en 2004, à la question "Qui représente le mieux la couronne ?", seuls 4 % des Norvégiens se risquaient à donner son nom.

Entretenir le mythe du couple héritier

Mais, en effectuant sa mue, celle qu’on nommait avec une pointe de condescendance "la petite Cendrillon scandinave" a perdu sa spontanéité d’avant. "Vous pouvez être amoureux transi, à un moment, vous êtes perdant. Vous perdez votre anonymat, votre vie, une part de votre personnalité, votre spontanéité... Vous perdez tout cela parce que vous devez incarner la perfection", analyse le chroniqueur royal Wim Dehandschutter.

Traumatisée par la traque des tabloïds qui la suivaient avec son fils jusqu’au jardin d’enfants, Mette-Marit n’a eu d’autre choix que de se claquemurer dans un rôle bien établi, abritée par la communication du palais. Impossible d’obtenir d’elle une interview. Même ses amis proches refusent aujourd’hui de répondre, se gardant d’évoquer les souvenirs d’autrefois.

Visages graves, Mette-Marit et Haakon participent le 22 juillet 2021 aux commémorations du drame d'Oslo et d'Utøya, survenu dix ans plus tôt. © Geir Olsen/NTB/Scanpix Norway/ABACAPRESS.COM
Visages graves, Mette-Marit et Haakon participent le 22 juillet 2021 aux commémorations du drame d'Oslo et d'Utøya, survenu dix ans plus tôt. © Geir Olsen/NTB/Scanpix Norway/ABACAPRESS.COM

Le mot est passé : la princesse héritière de Norvège est ce qu’elle veut bien donner d’elle. Mère aimante, princesse appliquée, future souveraine. En un mot : excellente élève. Une image lisse savamment cultivée sur son compte Instagram, où elle poste des clichés, certes plus personnels, mais qui entretiennent à leur manière le mythe du couple héritier, l’avenir de l’institution.

Comme autant de cartes postales envoyées depuis le manoir de Skaugum, où ils vivent avec leurs enfants. Un refuge sûr mais qu’il faudra un jour quitter pour le palais d’Oslo. "Alt for Norge" — "Tout pour la Norvège" —, telle est, ici, la devise des rois depuis 1905.

Connectez-vous pour lire la suite

Profitez gratuitement d'un nombre limité d'articles premium et d'une sélection de newsletters

Continuer

Ou débloquez l'intégralité des contenus Point de Vue

Pourquoi cet article est-il réservé aux abonnés ?

Adélaïde de Clermont-Tonnerre

Un journalisme d’excellence, des contenus exclusifs, telle est la mission de Point de Vue. Chaque article que nous produisons est le fruit d’un travail méticuleux, d’une passion pour l’investigation et d’une volonté de vous apporter des perspectives uniques sur le monde et ses personnalités influentes. Source d’inspiration, notre magazine vous permet de rêver, de vous évader, de vous cultiver grâce à une équipe d’experts et de passionnés, soucieux de porter haut les couleurs de ce magazine qui a fêté ses 80 ans. Votre abonnement, votre confiance, nous permet de continuer cette quête d’excellence, d’envoyer nos journalistes sur le terrain, à la recherche des reportages et des exclusivités qui font la différence tout en garantissant l’indépendance et la qualité de nos écrits. En choisissant de nous rejoindre, vous entrez dans le cercle des amis de Point de Vue et nous vous en remercions. Plus que jamais nous avons à cœur de vous informer avec élégance et rigueur.

Adélaïde de Clermont-Tonnerre, Directrice de la rédaction

Personnalités liées

Dans la même catégorie

Abonnez-vous pour recevoir le magazine chez vous et un accès illimité aux contenus numériques

  • Le magazine papier livré chez vous
  • Un accès illimité à l’intégralité des contenus numériques
  • Des contenus exclusifs
Voir les offres d’abonnement