"J’ai vécu des expériences que j’ai chèrement payées." Les yeux rougis, face caméra, la fiancée du prince héritier se lance dans un mea culpa inédit. En Norvège, même vingt ans après, personne n’a oublié l’humiliante conférence de presse à laquelle s’est pliée Mette-Marit Tjessem Høiby, le 22 août 2001, trois jours avant ses noces.
Jamais future princesse n’avait eu à subir pareille épreuve : devoir prouver sa bonne foi — et sa moralité — pour épouser l’homme qu’elle aime et avec lui tout un pays. Les fautes de Mette-Marit à l’époque : une jeunesse libre, un enfant né d’une précédente relation et la réputation d’avoir goûté aux paradis artificiels.
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"Je ne peux pas revenir sur mes choix, même si j’aurais aimé que ce soit possible. Afin qu’il n’y ait aucun doute aujourd’hui sur ma position, je tiens à saisir cette occasion pour condamner la drogue." Assis à ses côtés, Haakon lui prend la main.
"En tant que princesse, je dois tenir mon rôle et croire en moi"
Vingt ans ont passé. Les protagonistes de ce drame médiatique ont été confrontés à d’autres tempêtes. Ensemble, ils ont appris de leurs erreurs. Leur déménagement à Londres, en 2002, pour reprendre leurs études — à 29 ans passés ! — a fait couler beaucoup d’encre, d’autant que les Norvégiens n’ont guère apprécié de se voir présenter la note. On ne les y reprendra plus.
Mais si Haakon est l’enfant chéri du pays, la nouvelle princesse, elle, doit inlassablement faire ses preuves, justifier ses choix, avancer sans trébucher. On l’a d’abord dite exigeante et difficile ; on a moqué sa phobie de l’avion, incompatible avec sa fonction. On a également critiqué son goût soi-disant immodéré pour la mode... tout en scrutant chacun de ses looks et d’éventuels fashion faux pas !

"La princesse héritière est appréciée, même si elle n’est pas aussi populaire que le roi ou le prince héritier, qui sont aujourd’hui les membres les plus aImés de la famille royale. Le scepticisme avec lequel elle a été accueillie s’est vite dissipé après le mariage, même si les jeunes lui sont nettement plus favorables que leurs aînés", nuance Trond Norén Isaksen, historien et spécialiste de la monarchie.

"En tant que princesse, je dois tenir mon rôle et croire en moi", avouait la jeune femme, lucide, au quotidien Verdens Gang dès 2005. Force est de constater qu’elle y est parvenue. De l’avis général, Mette-Marit est prête à devenir reine un jour. Que de chemin parcouru ! Lors d’un sondage en 2004, à la question "Qui représente le mieux la couronne ?", seuls 4 % des Norvégiens se risquaient à donner son nom.
Entretenir le mythe du couple héritier
Mais, en effectuant sa mue, celle qu’on nommait avec une pointe de condescendance "la petite Cendrillon scandinave" a perdu sa spontanéité d’avant. "Vous pouvez être amoureux transi, à un moment, vous êtes perdant. Vous perdez votre anonymat, votre vie, une part de votre personnalité, votre spontanéité... Vous perdez tout cela parce que vous devez incarner la perfection", analyse le chroniqueur royal Wim Dehandschutter.
Traumatisée par la traque des tabloïds qui la suivaient avec son fils jusqu’au jardin d’enfants, Mette-Marit n’a eu d’autre choix que de se claquemurer dans un rôle bien établi, abritée par la communication du palais. Impossible d’obtenir d’elle une interview. Même ses amis proches refusent aujourd’hui de répondre, se gardant d’évoquer les souvenirs d’autrefois.

Le mot est passé : la princesse héritière de Norvège est ce qu’elle veut bien donner d’elle. Mère aimante, princesse appliquée, future souveraine. En un mot : excellente élève. Une image lisse savamment cultivée sur son compte Instagram, où elle poste des clichés, certes plus personnels, mais qui entretiennent à leur manière le mythe du couple héritier, l’avenir de l’institution.
Comme autant de cartes postales envoyées depuis le manoir de Skaugum, où ils vivent avec leurs enfants. Un refuge sûr mais qu’il faudra un jour quitter pour le palais d’Oslo. "Alt for Norge" — "Tout pour la Norvège" —, telle est, ici, la devise des rois depuis 1905.
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