Un dimanche d’hiver. Une conversation sans fard dont l’on a peur à chaque instant de rompre le charme, que l’on vit comme un moment de grâce, en témoin privilégié. Des mots simples, des mots vrais, presque murmurés, avec une douceur extrême. À l’orée de leur anniversaire de mariage, le grand-duc et la grande-duchesse de Luxembourg évoquent cette vie qu’ils ont choisi de construire ensemble, à la force de leur amour. "Ces quarante ans ont été merveilleux pour moi, confie le souverain. Je demande juste que cela dure et que nous puissions terminer notre vie à deux. Dans longtemps."
Un regard échangé, un silence, puis son épouse se lance : "Ce que je souhaite ? Que nous passions les années à venir dans un crescendo de bonheur. Quand on a un amour aussi fort que le nôtre, toutes les peines, les difficultés sont dépassées pour aller vers le meilleur. Je veux encourager les jeunes générations à vivre l’espoir chevillé au cœur."

Les souvenirs se bousculent, les émotions resurgissent. "Le jour de notre mariage, était le summum du bonheur, sourit le grand-duc, la concrétisation d’un projet de vie espéré et élaboré pendant quatre ans, à Genève. Nous avions un grand soleil mais un froid terrible et, malgré cela, une foule incroyable sur tout le trajet vers la cathédrale, c’était fou."
La grande-duchesse renchérit : "J’étais sur un petit nuage, bouleversée par la réaction de tous ces gens qui scandaient mon prénom. Au balcon, je leur ai envoyé un baiser pour répondre à leur enthousiasme et cela a scellé quelque chose entre nous. La condition d’exilée où j’ai grandi, après que ma famille a quitté Cuba, avait provoqué en moi un vide d’appartenance nationale considérable. L’amour m’a aussi donné la patrie à laquelle j’aspirais. Je ne pense pas que l’on mesure toute l’affection que je voue à ce pays, à mon pays. Je m’étais d’ailleurs fait un point d’honneur de prendre tout de suite des cours de luxembourgeois. Après le mariage, nous avions une réception avec des représentants de la jeunesse et lorsque j’ai dit villmols merci, pour la remercier, à la fillette qui me tendait un bouquet, cela a tellement étonné que les journaux en ont parlé."
Un amour contre vents et marées
Tout aussi étonnant est le récit de la rencontre de Maria Teresa et Henri, à Genève, à l’automne 1975. "Opéré de l’appendicite, j’étais arrivé avec quelques semaines de retard à l’université de sciences politiques, dit le grand-duc. Mes parents avaient des amis à Genève, la famille Sanz de Acedo – également proche des parents de Maria Teresa –, qu’ils ont sollicités pour faciliter mon intégration. Ce sont eux qui nous ont présentés l’un à l’autre. C’était à la sortie de la messe, à la chapelle de Cologny. Je l’ai trouvée très jolie mais j’étais extrêmement timide à l’époque. Maria Teresa, qui suivait le même cursus, m’a aidé à remplir les papiers d’inscription, m’a fait visiter la bibliothèque… Quelques semaines après, nous étions tout le temps ensemble sur les bancs de l’université. Nous écoutions peu. Tant et si bien que nous avons raté la première année."

Éclat de rire de la grande-duchesse. "Je me souviens, M. Sanz a écrit à ta mère pour que la faute ne retombe pas sur moi et expliquer que la première année est très difficile. J’ai été amoureuse de lui à la seconde où j’ai vu Henri. Pourtant, j’étais bien décidée à ce que cela n’arrive pas. Mon ami Xavier Sanz m’avait dit qui il était et je ne voulais surtout pas tomber sous le charme d’un prince héritier. Impensable, vous imaginez les complications ? Seulement, il est apparu et j’avais beau me dire oh non, cela signifiait oui."
Tout s’enchaîne ensuite avec naturel, comme une évidence. "Toi, tu n’as jamais douté que nous parviendrions à nous marier, moi j’ai eu très peur", reprend la grande-duchesse. Les obstacles, sont nombreux. Il faut non seulement l’autorisation du souverain, le grand-duc Jean, mais aussi celle du gouvernement. "L’historien et maréchal de la Cour Christian Calmes venait souvent à Genève s’entretenir avec Henri qui me l’a présenté. Il était adorable, nous sommes devenus très proches tous les trois. De retour au Luxembourg, il a parlé de moi au Premier ministre Pierre Werner. Avec une telle gentillesse qu’à un moment, M. Werner lui ademandé : 'Qui est amoureux d’elle, toi ou le prince héritier ?' Peu avant l’annonce des fiançailles, j’ai été invitée à une chasse à Colmar-Berg, chez mes futurs beaux-parents. À la fin, ils m’ont annoncé que le Premier ministre m’attendait dans le bureau du grand-duc. J’y suis allée le cœur battant, j’ai ouvert la porte timidement pour m’entendre dire : “Alors, vous êtes très amoureuse ?” J’ai répondu oui et éclaté de rire. Nous avons eu une longue conversation à bâtons rompus et il a donné son accord."
40 ans au service des Luxembourgeois
Les dix premières années du mariage sont celles de la naissance des cinq enfants du couple héritier. "À chaque fois, je me demandais s’il serait possible d’aimer autant mon nouvel enfant que le précédent. Et oui, bien sûr, l’amour ne se divise pas, il se multiplie. Nous avons tâché de ne pas faire peser trop tôt sur l’aîné la responsabilité qu’il aurait à assumer. D’expliquer aux autres que leur frère aurait une vie particulière et qu’eux seraient beaucoup plus libres." Et "qu’ils devraient travailler pour gagner leur vie, tient à préciser le grand-duc. C’est la première génération où ils exercent tous un métier en dehors de la Couronne."

Au fil de la décennie suivante, Henri et Maria Teresa de Luxembourg équilibrent travail et vie familiale. Ils impriment leur marque. "J’avais déjà la fondation, dit la grande-duchesse, et à travers elle je me penchais sur la situation sociale de mon pays, je définissais les causes que je voulais défendre, nationales et internationales. Je suis l’une des premières de la famille grand-ducale, à sortir, à aller faire mes achats, nous allons tous les deux au restaurant, au cinéma et nous avons élevé nos enfants dans cette liberté-là en les envoyant à l’école publique."
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Pour le grand-duc, une chose est sûre, "les Luxembourgeois ont appris à te connaître. Ton charme et ton empathie ont conquis tout le monde. Voici vingt ans, mon avènement en tant que souverain a représenté une responsabilité considérable et l’aide de mon épouse est essentielle dans l’accomplissement de la tâche qui m’est dévolue. La monarchie est une affaire de couple, le souverain a sa place, bien entendu, mais son conjoint auprès de lui. Nous offrons une image et un modèle à des sociétés qui se cherchent un peu, à des familles qui se reconnaissent en nous. Nous incarnons la nation. Ce que ne peut faire un monarque solitaire. D’ailleurs où serait l’idée de transmission, celle de pérennité, de l’institution mais à travers elle du pays, qu’induit l’arrivée des nouvelles générations!"

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