Une journée ordinaire dans un contexte extraordinaire. Ainsi se sera déroulé ce 7 octobre, jour de ses vingt ans de règne. Au programme du grand-duc de Luxembourg, une conférence sur le rapport Werner qui ouvrit, en 1970, la porte à l’Union monétaire européenne. Seule allusion à l’anniversaire, ce bouquet de fleurs remis par une étudiante née… le 7 octobre 2000.
Pour le reste, une vidéo de remerciements des Luxembourgeois de toutes les générations à leur souverain et deux interviews accordées à la presse nationale. Il est vrai que la pandémie est passée par là, réduisant les possibilités de réjouissances publiques. Il est vrai aussi que l’institution grand-ducale est en plein bouleversement, au prétexte "que la monarchie passe directement du XIXe siècle au XXIe siècle", selon l’expression même du Premier ministre Xavier Bettel.
Une modernisation en marche depuis 20 ans
Ce qui est oublier un peu vite que la mue s’est déjà opérée, dès l’intronisation du grand-duc, voici deux décennies. D’emblée, l’intention d’Henri de Luxembourg est d’aller bien davantage au contact de ses concitoyens que la génération précédente. Et de faire équipe avec son épouse, d’offrir aux Luxembourgeois un couple souverain à leur service.

Ensemble, Henri et Maria Teresa répondent aux interviews qui annoncent l’intronisation. Et, ensemble, ils prennent à bras-le-corps les questions touchant à une société en perpétuelle mutation avec l’avènement des nouvelles technologies et les grands bouleversements géopolitiques. Bien au-delà des frontières luxembourgeoises.
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Qu’il s’agisse des visites d’État avec des premières comme la Turquie, en 2013, ou d’engagements plus personnels comme l’écologie qui permet au grand-duc d’attirer l’attention sur la biodiversité, au Luxembourg comme dans l’archipel des Galápagos.
Sur le plan du rayonnement international, l’engagement de la grande-duchesse est majeur. Ambassadrice de bonne volonté auprès de l’Unesco, avocate éminente pour les enfants près l’Unicef, elle promeut sur le terrain la microfinance lancée par Muhammad Yunus pour les pays en développement, se rend dans les prisons du Burundi pour dénoncer l’emprisonnement des enfants mineurs, organise l’an dernier au Luxembourg le forum international Stand Speak Rise Up! pour mettre fin au viol des femmes comme arme de guerre…
Maria Teresa, oubliée de la réforme
"Quand je vois comment la grande-duchesse remplit ses fonctions, avec ses nombreuses activités caritatives et mécènes, tout cela contribue incroyablement à l’image positive du pays", a d’ailleurs confié le grand-duc au Luxemburger Wort, à l’occasion de ses vingt ans de règne.
C’est cependant l’essentiel de ce travail accompli par Maria Teresa de Luxembourg que la réforme de la monarchie voulue par le Premier ministre Xavier Bettel considère comme relevant d’activités privées, non relayées par le palais.
Présenté aux députés en commission parlementaire la première semaine d’octobre, "le projet d’arrêté grand-ducal portant institution de la maison du grand-duc" est adopté le 9 octobre 2020 en Conseil de gouvernement. Sans vote au Parlement ni avis du Conseil d’État quant à sa légalité.

Malgré la protestation du Parti populaire chrétien social, la plus importante formation d’opposition. Et ce passage en force pose questions. La grande-duchesse n’est même pas mentionnée dans cette "maison du grand-duc", clé de voûte de la réforme, pas plus d’ailleurs que sa belle-fille, la grande-duchesse héritière.
Certes, Maria Teresa de Luxembourg est l’épouse du souverain, mais c’est à travers un couple, une famille que se reconnaissent les citoyens, que s’opère l’incarnation d’une nation, dans les monarchies constitutionnelles.
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Dans la nouvelle "maison du grand-duc", les personnels seront rattachés à la fonction publique. Le budget devra être "transparent, clair et précis" et il "va considérablement augmenter" a dit le Premier ministre. Quelle est donc cette transparence qui multiplie les coûts au lieu de les rationaliser? Mystère, puisqu’aucun montant n’a été cité, selon le député Léon Gloden, du Parti populaire chrétien social. "Il faut à présent se poser la question de combien, et surtout s’il s’agit d’argent qui figurait à d’autres endroits dans le passé."
C’est-à-dire de montants venant de ministères comme la Sécurité intérieure pour la protection du palais. Une manière de gonfler le coût public de la monarchie dont l’opposition interroge la finalité. Drôle de cadeau, en tout cas, pour les vingt ans d’un règne qui donne au monde l’image d’un Luxembourg généreux et engagé.
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