C’est une journée de janvier fraîche et grise, mais à l’intérieur du palais Frederik VIII à Amalienborg, au cœur de Copenhague, l’atmosphère est chaleureuse. Son Altesse Royale la princesse héritière reçoit une poignée de journalistes privilégiés, à l’occasion de son cinquantième anniversaire. L’entretien se déroule à l’étage, dans la salle des Chevaliers, considérée comme la plus somptueuse du palais. De magnifiques lustres et des bougies, associés à de grands bouquets colorés, diffusent une ambiance conviviale. Élégamment vêtue d’une chemise en soie blanche, d’un pantalon assorti et de stilettos, Mary de Danemark entre tout sourires et salue ses hôtes, avant de leur offrir du thé et du café, dans le magnifique service Flora de Royal Copenhagen. La princesse héritière opte, quant à elle, pour une tasse de thé fumant avec un peu de lait. La voilà prête à répondre aux questions.
Née le 5 février 1972, Mary a grandi en Tasmanie, une île au sud de l’Australie. Elle est la fille cadette de John Donaldson, professeur de mathématiques, et de son épouse Henrietta, secrétaire du recteur de l’université de Tasmanie. Après avoir obtenu sa licence en commerce et en droit à l’université de Tasmanie en 1994, elle s’installe à Melbourne, puis à Sydney, où elle travaille pour de grandes entreprises de communication. Sa vie bascule en septembre 2000, aux jeux Olympiques de Sydney, lorsqu’elle rencontre le prince héritier Frederik dans un bar branché, le Slip Inn. Par amour, elle le suivra jusqu’au Danemark, où elle vit depuis vingt ans. À l’aube de ses 50 ans, aucune crise existentielle en vue. Mary semble même désireuse d’atteindre cette étape que d’autres redoutent.

Madame, que représente pour vous le fait d’avoir 50 ans ?
Je ne vois pas l’âge comme un chiffre. Je me sens toujours jeune et vive. Les années m’ont donné le sentiment d’être devenue une personne plus entière et m’ont permis de croire davantage en moi. De suivre mon instinct et d’oser me lancer de nouveaux défis. Je suis dans une très bonne période de ma vie et heureuse d’être là où je suis. Y a-t-il vraiment une joie à vieillir ? Je pense qu’il y a beaucoup de joie à tous les moments et toutes les époques de la vie. Chaque phase de l’existence apporte ses propres joies, et l’une n’est pas meilleure ou pire que l’autre. Pour moi, gagner en confiance est un gage de meilleure santé mentale. Je ne m’inquiète plus autant des petites choses et me concentre sur ce qui compte vraiment. Avec l’âge, j’ai appris à écouter mes envies, savoir à quoi je veux consacrer mon temps.
L’activité physique a toujours été importante dans votre vie. Pratiquez-vous de nouveaux sports ?
J’ai toujours été très dynamique, ce qui me donne beaucoup de force, tant physique que mentale. Être restée sportive m’aide certainement à ne pas ressentir le poids des années dans mon corps. J’ai recommencé à monter à cheval, et j’ai démarré la musculation, car les muscles ont besoin d’un peu plus d’attention que lorsque vous êtes plus jeune. Mais l’équitation et le dressage demandent aussi une grande force physique. Plus que vous ne le pensez.
Le 14 mai 2004, en la cathédrale Notre-Dame de Copenhague, en disant oui à son prince, Mary Donaldson devient la princesse héritière de Danemark. Quels souvenirs gardez-vous de cette journée ?
Honnêtement, je ne pense pas avoir eu de pensée particulière en arrivant sur le parvis de la cathédrale. Tout était si grand, l’église était si belle. Lorsque les portes se sont ouvertes, j’ai vraiment eu l’impression d’être portée jusqu’à l’autel. J’ai dit oui à l’homme que j’aimais, que j’aime toujours et avec qui je passerai le reste de ma vie, mais c’était aussi un oui pour le Danemark. Mais malgré tous les regards braqués sur nous, le prince héritier et moi avions la volonté de garder un peu d’intimité au cœur de cette cathédrale. Et je pense que nous y avons réussi. Mon père, qui m’a accompagnée ce jour-là, a été d’un grand soutien. Sa main solide me faisait sentir que tout irait bien.

Vous n’aviez que 25 ans quand votre mère, Henrietta Donaldson, est décédée lors d’une opération du cœur, en 1997. Une absence particulièrement douloureuse lors de votre mariage…
J’ai connu le chagrin de perdre ma mère, et c’est l’exemple le plus fort de la vulnérabilité qui existe dans l’amour. C’est toujours lors des fêtes et des moments clés de la vie que la souffrance se fait davantage sensible. C’est ainsi. Bien sûr, j’aurais aimé que ma mère soit présente physiquement, mais elle était avec moi autrement. J’avais reçu d’elle une bague, qui a été cousue dans ma robe, et un hymne spécial a été joué en son honneur. Ensuite, ma tante – Catherine Murray – a emporté mon bouquet de mariée en Écosse, pour le déposer sur la sépulture de ma mère. J’ai une belle photo des fleurs sur sa tombe.
Le soir du mariage, le prince héritier Frederik a terminé son discours en s’adressant à vous ainsi : "Viens, allons-y. Viens, voyons. À travers mille mondes, l’amour en apesanteur nous attend." Cela vous a-t-il surprise ?
Toute la journée a été bouleversante. Et les mots avec lesquels il a terminé son discours étaient très justes et poétiques. C’était à nous de tracer notre propre chemin. Mon mari a une façon très imaginative de s’exprimer. Un peu artistique parfois.
Aujourd’hui, que partagez-vous dans votre couple ?
Nous avons quatre merveilleux enfants ! Nous sommes heureux ensemble, car nous pouvons être nous-mêmes, ce qui est primordial. Et nous savons rire ensemble. Cela peut sembler complètement fou de dire ça d’un couple marié depuis presque vingt ans, mais ça swingue bien entre nous.
Et comment imaginez-vous l’avenir ?
Je ne pense pas tellement à l’avenir. Il est important de vivre dans le présent, de faire de votre mieux, là où vous êtes. Avoir la tête pleine de questions sur l’avenir vous empêche de profiter du présent. Nous ne savons pas quand un changement sur le trône aura lieu, et nous ne savons pas non plus à quoi ressembleront le monde et la société à ce moment-là. Je préfère me concentrer sur aujourd’hui et demain. Je me réjouis de tout ce qui nous attend. J’ai hâte de voir nos enfants grandir et de savoir quand ils seront prêts à fonder leur propre famille. Je me réjouis de tous les chapitres à venir.
Que signifie être princesse héritière, existe-t-il un manuel pour endosser ce rôle, à la fois effrayant et extraordinaire ?
Il n’y a pas de recette, pas plus qu’il n’y en avait, pour celles qui m’ont précédée. Certaines traditions et certains engagements officiels sont prévus, organisés. Pour le reste, j’ai dû trouver ma propre voie. Je suis très reconnaissante du soutien, de la liberté et du temps que j’ai obtenus de mon mari et de la maison royale pour réfléchir à la meilleure façon de soutenir la monarchie, de servir mon nouveau pays, et, en même temps, de me consacrer à mes domaines de prédilection. C’est un processus au long cours. Au début, j’ai passé beaucoup de temps à chercher et à explorer ce qui me touche ou m’émeut. Je sentais que je réagissais beaucoup aux situations d’injustice.

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