Comme si le sort lui refusait le droit de célébrer les grands événements de sa vie. Le 16 avril 2010, jour du 70e anniversaire de la reine Margrethe de Danemark, un impétueux volcan islandais répand la pagaille dans le ciel. Dix ans plus tard, les festivités de ses 80 ans s’évaporent dans les tréfonds du confinement. Le 14 janvier dernier, la pandémie oblige à repousser celles du jubilé d’or marquant les cinquante ans de son accession au trône aux 10 et 11 septembre 2022. C’est dire qu’au palais d’Amalienborg, on retient son souffle, scrutant les signes que le ciel va bien pouvoir, cette fois, envoyer. La réponse ne tarde pas avec l’annonce, le 8 septembre, de la mort brutale de la reine Élisabeth II, celle dont le jubilé de platine, célébré deux mois plus tôt, aurait presque fait oublier celui de sa lointaine cousine, toutes deux descendantes de la reine Victoria. Cinquante ans tout de même !

De son propre chef, la reine Margrethe a décidé d’annuler la première partie du programme prévu : son apparition au balcon du palais d’Amalienborg samedi à midi, suivie de la traversée de Copenhague à bord du carrosse d’or et de la réception à l’hôtel de ville. Rendez-vous est donc donné aux Danois samedi soir devant le Théâtre royal, au centre de Copenhague, un lieu cher au cœur de la reine Margrethe, amoureuse des arts. "Sa deuxième maison", selon le directeur Kasper Holten, posté sur le tapis rouge pour accueillir la souveraine à la descente de sa Rolls-Royce Silver Wraith. "Diadème en option", est-il indiqué sur le carton d’invitation. La souveraine, dans une robe rouge aux couleurs du Danemark, a choisi son camp, celui des diamants à foison, assortissant son fameux diadème aigrette de la reine Ingrid à la rivière de pierres rose-cut, aux boucles d’oreilles et à une broche de la collection royale.
Les cours scandinaves réunies au Théâtre royal de Copenhague
Peu après 20 heures, les 1 200 invités ont pris place dans le théâtre à l’italienne dont la loge royale a été rénovée. Aux membres du gouvernement et des parlements, chevaliers de l’ordre de Dannebrog et personnalités en vue, se sont joints les souverains norvégiens et suédois, ainsi que les chefs d’État finlandais et islandais. Ce jubilé est aussi l’occasion de resserrer les liens entre pays scandinaves, en ces temps difficiles pour le nord de l’Europe. La famille a évidemment répondu présent, emmenée par les deux sœurs de la reine, les princesses Benedikte et Anne-Marie, et la plupart de leurs enfants. Chez les Grecs, on découvre le prince Paul, son épouse la princesse Marie-Chantal, la princesse Alexia et son époux Carlos Morales Quintana, la princesse Théodora et son fiancé Matthew Kumar, et le prince Philippos accompagné de la princesse Nina.

Les princesses Nathalie et Alexandra de Sayn-Wittgenstein-Berleburg, les deux filles de la princesse Benedikte, entourent le comte Michael Ahlefeldt-Laurvig-Bille, le mari d’Alexandra. Une autre Alexandra, comtesse de Frederiksborg, est assise aux côtés de la Première ministre Mette Frederiksen. La première épouse du prince Joachim tient ainsi à rendre hommage à son ex-belle-mère, "toujours attentionnée à son égard". Ses fils Nikolai et Felix descendent bientôt de l’une des voitures du palais, accompagnant leur père, le prince Joachim, et la princesse Marie. Ils sont suivis du prince et de la princesse héritière et de leurs deux aînés, Christian et Isabella, pour qui cette soirée officielle est une première.

À peine installée dans la loge royale festonnée de guirlandes de feuilles de chêne, de dahlias orange et rose et d’hydrangéas bleus, la reine Margrethe demande une minute de silence, rendant ainsi hommage à la reine Élisabeth II, disparue deux jours plus tôt. L’assemblée, émue, communie avec sa souveraine, désormais unique régnante au monde. Elle seule connaît le poids de cette charge reçue il y a cinquante ans par un glacial vendredi de janvier 1972. Mais cette personnalité haute en couleur n’est pas du genre à s’appesantir sur son sort. La cheffe d’orchestre française Marie Jacquot, future cheffe principale du Théâtre royal, fait résonner les premières notes du Kong Christian stod ved hojen mast.

L’hymne royal danois marque le début d’un programme éclectique, mêlant opéra, ballet, théâtre et comédie musicale. Autant de disciplines qui ravissent l’héroïne du jour et aussi l’auteure des costumes du ballet Kærlig hilsen Kompagni B, donné ce soir. À l’entracte, la famille royale au complet rejoint les vestibules pour déguster un éclair aux crevettes épluchées à la main et une tartelette aux oignons caramélisés, arrosés d’un verre de rosé Malbec du Prince 2021, tout en devisant avec les invités.

On les retrouve presque au complet dès le lendemain, peu avant 10 heures, dans le chœur de la cathédrale Notre-Dame de Copenhague, pour un service dédié au jubilé où la reine est entourée de ses huit petits-enfants. Il est suivi d’un déjeuner à bord du Dannebrog réservé aux intimes et aux chefs d’État présents. Comme son père le roi Frédéric IX avant elle, la reine Margarethe porte une grande affection au yacht royal lancé il y a quatre-vingt-dix ans. "C’est en montant à bord, en mai 1972, que j’ai senti le plus nettement que j’étais désormais la reine, que maintenant, c’était sérieux", écrivait-elle dans son récit Le Métier de reine, publié au début des années 1990.
Un dîner de gala entre hommage et célébrations
Plus sérieux encore, voilà que s’annonce le dîner de gala. À l’intérieur du palais de Christiansborg, on s’active aux derniers détails d’un menu aux ingrédients choisis pour leur contribution à l’unité du royaume, entre la timbale de coquilles Saint-Jacques des îles Féroé et le bœuf musqué sauvage du Groenland servi avec une sauce aux cailles et bourgeons de ciboulette. Les premiers des quatre cents invités se présentent peu après 18 heures, accueillis par les soldats de la garde royale. Ce soir encore, le gouvernement au complet est au rendez-vous, comme les représentants des parlements, ceux de la Cour suprême, le personnel de la cour, la classe politique et les ambassadeurs en poste à Copenhague, parmi lesquels notre représentant Christophe Parisot accompagné de son épouse.
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