Les héritiers respectifs de Beatrix des Pays-Bas et d’Albert II des Belges ne peuvent le nier : leur chemin vers le trône a été long et parsemé de critiques. Alors princes, tous les deux souffrent d’une réputation peu flatteuse. Le premier, prince d’Orange, est d’abord un enfant turbulent au caractère affirmé. Une réputation de noceur accompagne ce sportif accompli, membre du Comité international olympique, tout au long de sa jeunesse. Un gai luron guère enclin à occuper la fonction suprême en somme.
Le second traîne une image de petit garçon timide, maladroit et de jeune homme dénué de charisme. Alors qu’il est pressenti pour succéder à son oncle, le roi Baudouin, resté sans descendance directe, le jeune duc de Brabant voit son propre père devenir le sixième roi des Belges en 1993. Vingt ans plus tard, à force de travail et d’énergie déployée sur le terrain comme en coulisse, Philippe de Belgique a montré qu’il est à la hauteur de la fonction lorsqu’il accède au trône, en 2013. Humain, connecté à son époque, le souverain surfe sur une popularité grandissante que n’est pas venu entamer, bien au contraire, un esprit de famille qui l’honore.


Philippe fait preuve d’une grande ouverture d’esprit en reconnaissant et en accordant le prédicat d’altesse royale à sa demi-sœur Delphine, née hors mariage. Son homologue néerlandais, Willem-Alexander, s’il a cumulé les maladresses qui lui ont fait perdre quelque peu l’estime de ses concitoyens ces dernières années, en particulier la polémique suscitée par ses vacances en Grèce alors que le gouvernement néerlandais durcissait les mesures de confinement en pleine crise du Covid à l’automne 2020, a acquis malgré tout une légitimité de chef d’État moderne et énergique. En rois tout-terrain, les deux hommes n’hésitent pas à échanger, questionner, encourager et souvent réconforter. À l’automne 2017, le souverain néerlandais s’envole pour l’île de Saint-Martin ravagée par l’ouragan Irma. Durant l’été 2021, il parcourt le royaume à la suite des inondations d’ampleur dans le nord de l’Europe. Quant au roi des Belges, il se rend, dès le lendemain des attentats de Bruxelles, le 22 mars 2016, au chevet des victimes, de leurs familles et sur les lieux du drame, dans le métro et à l’aéroport de Zaventem.
Des rois face à leur douloureux passé colonial
"En affrontant honnêtement notre passé commun et en reconnaissant le crime contre l’humanité qu’est l’esclavage, nous jetons les bases d’un avenir commun. Un avenir dans lequel nous nous dresserons contre toutes les formes contemporaines de discrimination, d’exploitation et d’injustice." Prononcés lors de son traditionnel discours de Noël, ces mots sont ceux de Willem-Alexander des Pays-Bas. Le souverain néerlandais, au même titre que son homologue belge, est confronté au passé colonial de son pays. Ainsi qu’à diverses manifestations antiracistes survenues dans de nombreux pays après le décès de George Floyd aux États-Unis au printemps 2020. Ces pages sombres liées aux anciennes colonies, les deux souverains y font face.
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En décembre 2022, Willem-Alexander salue les excuses présentées par le gouvernement pour le rôle de l’État néerlandais durant 250 ans d’esclavage. Celles-ci sont le "début d’un long chemin", a-t-il précisé quelques jours après avoir commandé une étude indépendante sur le rôle de la Maison d’Orange-Nassau dans l’histoire coloniale. Quant à Philippe de Belgique, il a présenté ses "regrets" pour le passé colonial en République démocratique du Congo dans une lettre adressée à son président, Félix Tshisekedi. "Je tiens à exprimer mes plus profonds regrets pour ces blessures du passé dont la douleur est aujourd’hui ravivée par les discriminations encore présentes dans nos sociétés."


Si Willem-Alexander des Pays-Bas et Philippe de Belgique sont parvenus à légitimer pleinement leur rôle, c’est aussi grâce à leur épouse et reine. Toutes deux ont révolutionné l’image du couple souverain par leur naturel, leurs sourires et leur empathie. D’origine argentine, Maxima a su conquérir le cœur des Néerlandais depuis son mariage avec Willem-Alexander, il y a vingt-et-un ans. Entouré de son épouse et de leurs trois filles, les princesses Catharina-Amalia, Alexia et Ariane, le bouillonnant ex-prince d’Orange accède à une stature de monarque moderne. En offrant à son époux la stabilité affective dont il avait cruellement manqué durant son enfance, Mathilde de Belgique entre dans le cœur des Belges. L’amour du couple, scellé en 1999 et couronné par la naissance de quatre enfants, Elisabeth, Gabriel, Emmanuel et Eleonore, donne confiance au roi des Belges, aujourd’hui apaisé et serein.
Philippe et Willem-Alexander préparent au mieux leurs héritières
Il y a d’un côté Catharina-Amalia des Pays-Bas, 19 ans. De l’autre, Elisabeth de Belgique, 21 ans. Deux styles, deux personnalités différentes, mais un destin qui s’annonce des plus exceptionnels. Si les deux princesses s’imprègnent petit à petit des codes, intensifiant au fil des années leur participation à la vie officielle, les jeunes femmes apprivoisent la fonction différemment. Alors que Willem-Alexander a souhaité préserver au maximum sa fille de la pression médiatique, Philippe a associé très tôt la sienne à ses engagements royaux. Quand Catharina-Amalia n’apparaît, jusqu’à sa majorité, qu’en de rares occasions, lors de la fête nationale ou quelques rendez-vous familiaux ponctuant la vie royale, de son côté, la duchesse de Brabant réalise ses débuts officiels dès l’âge de 11 ans en inaugurant une aile de l’hôpital universitaire de Gand qui porte son nom. Au jour de son dix-huitième anniversaire, Elisabeth reçoit le grand cordon de l’ordre de Léopold, la plus prestigieuse distinction du pays, créée en 1832.

"Je suis heureuse de fêter ici avec vous mon dix-huitième anniversaire. Ce moment restera à jamais gravé dans ma mémoire. C’est un cap que je passe avec optimisme. Je sais que j’ai encore tellement à apprendre. C’est à cela que je veux m’atteler dans les années à venir. […] Le pays peut compter sur mon engagement." La voix de la jeune femme est claire. C’est celle d’une jeune fille de son temps, épanouie, heureuse d’être là. Aujourd’hui, toutes deux poursuivent leurs études, l’une au pays de Galles, l’autre, contrainte en raison de menaces terroristes, à Amsterdam. Petit à petit, les héritières montent en puissance.

Le 20 septembre 2022, Catharina-Amalia des Pays-Bas assistait pour la première fois au Prinsjesdag, le "Jour des princes", aux côtés de ses parents, le roi Willem-Alexander et la reine Maxima. Événement important de la vie politique néerlandaise, cette journée acte une étape majeure pour la future souveraine. Ainsi que l’intense tournée effectuée en compagnie de ses parents début 2023, aux Caraïbes néerlandaises. Quant à Elisabeth, pour la deuxième fois cette année, elle accompagne la reine lors d’un voyage à l’étranger.
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En 2019, la princesse héritière avait participé avec Mathilde, présidente d’honneur d’Unicef Belgique, à une mission caritative de trois jours au Kenya. Un voyage riche et intense, moment de transmission privilégié. En mars 2023, c’est dans le cadre d’une visite de travail en Égypte que mère et fille s’envolent vers la Vallée des rois pour le centenaire de l’ouverture de la tombe de Toutânkhamon à laquelle avait assisté la trisaïeule de la duchesse de Brabant, la reine Elisabeth. L’occasion pour l’héritière de marquer son lien au passé.