Par amour, Mako du Japon fait trembler la maison impériale

La fille aînée du prince héritier du Japon va épouser son bien-aimé après quatre ans de reports, de controverses et de pressions. Le 26 octobre 2021, elle ne sera plus membre de la famille impériale. Fait sans précédent, elle refuse le million d’euros de dot alloué aux princesses qui épousent des roturiers. Et ne bénéficiera pas de la bénédiction nuptiale traditionnelle.

Par Antoine Michelland - 15 octobre 2021, 09h10

 Après quatre ans de reports, la princesse Mako du Japon épousera Kei Komuro le 26 octobre 2021.
Après quatre ans de reports, la princesse Mako du Japon épousera Kei Komuro le 26 octobre 2021. ©DG

À Tokyo comme à travers l’archipel nippon, ils sont au centre de toutes les conversations. Et leur amour est même l’objet de sondages. Selon le dernier en date, publié par le journal Mainichi Shimbun, 38% des personnes interrogées soutiennent le mariage de la princesse Mako avec le jeune juriste Kei Komuro, son camarade d’université. Contre 35% qui désapprouvent et 26% d’indécis.

Un sujet étonnamment polémique, sauf à y regarder de plus près. Car le conte de fées a tourné au cauchemar et à l’affaire d’État. Pourtant, le 3 septembre 2017, lorsque les deux jeunes gens, qui se sont rencontrés cinq ans plus tôt, donnent une conférence de presse pilotée par le Kunaicho, l’Agence de la maison impériale, et annoncent leurs fiançailles, puis leur mariage, prévu au mois de novembre 2018, les Japonais unanimes se réjouissent. Jusqu’au grain de sable.

Kei Komuro et et Mako lors de l'annonce des fiançailles. © Kyodo News Stills via Getty ImagesKei Komuro et et Mako lors de l'annonce des fiançailles.© Kyodo News Stills via Getty Images

En décembre, des magazines nippons font état d’un différend financier touchant la famille Komuro. Le 6 février 2018, le Kunaicho annonce le report du mariage, officiellement en raison de "l’immaturité" de Mako, en réalité à cause de ce fameux différend opposant la mère de Kei Komuro à un ancien fiancé, à propos d’une somme de 30.000 euros destinée à financer les études supérieures de son fils. Problème, Mme Komuro parle d’un don et l’homme éconduit d’un prêt qui n’aurait pas été remboursé.

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La princesse Mako est effondrée. D’autant qu’elle a le sentiment que ni l’institution ni ses parents ne la soutiennent. De son côté, Kei Komuro est mortifié, humilié. La presse le présente comme un coureur de dot. Le 7 août, il quitte le Japon pour New York où il va achever ses études de droit à l’université Fordham.

Un scandale qui embarrasse le prince Akishino

Ce "scandale" embarrasse le Kunaicho. Et le prince Akishino finit par déclarer, en novembre 2018, que la famille Komuro doit trouver une solution au différend financier. Car l’abdication d’Akihito se prépare. Et Akishino deviendra héritier du trône quand son frère aîné sera empereur, Naruhito ayant seulement une fille et la règle de succession demeurant patrilinéaire.

Le prince et la princesse Akishino sont les héros des conservateurs japonais depuis le 6 septembre 2006 et la naissance de leur fils Hisahito, premier enfant mâle au sein de la famille impériale depuis 1965. Aucune ombre ne doit entacher leur réputation. La cérémonie instituant Akishino comme prince héritier a lieu le 8 novembre 2020. Il est désormais le pilier du règne de son frère, le prochain tenno du Japon.

Cinq jours plus tard, la princesse Mako publie un communiqué où il est dit combien, pour Kei Komuro et elle, le mariage est "un choix nécessaire". C’est là un véritable coup de force qui en dit long sur l’amour et le désespoir de la princesse. Dont le père répète que le différend financier des Komuro doit être soldé.

Le 8 et le 12 avril 2021, depuis New York, Kei Komuro donne sa version des faits puis exprime son intention de rembourser l’ancien fiancé de sa mère pour mettre un terme définitif à la polémique. Le mois suivant, il obtient son doctorat en droit, passe en juillet son examen d’avocat. Et exerce déjà en tant que juriste au sein du cabinet Lowenstein Sandler, à Manhattan.

Le mariage de Mako ne ressemblera à aucun autre

Bientôt, tout s’accélère. Le 27 septembre dernier, Kei Komuro atterrit à l’aéroport Narita de Tokyo, accueilli par plus d’une centaine de journalistes et escorté par la police jusqu’à Yokohama et le domicile de sa mère où il va rester en quarantaine jusqu’au 11 octobre. D’évidence, il revient épouser la princesse Mako. Ce qu’entérine l’annonce du Kunaicho, en date du 1er octobre.

Le mariage aura lieu le 26 octobre 2021. Mais il ne ressemblera à aucun autre. Soucieuse de faire taire critiques et médisances, la princesse souhaite ne pas recevoir la dot d’un million d’euros allouée à tout membre féminin de la famille impériale au moment de son union – forcément avec un roturier depuis la suppression de l’aristocratie et de nombreuses branches princières –, union synonyme pour elle d’exclusion de la dynastie. Ce renoncement est une première et, s’il s’avérait impossible pour des questions diplomatiques, Mako ferait don de la somme.

La princesse Mako lors d’une réception officielle dans les jardins du palais impérial, le 9 novembre 2017. © Jiji Press/ABACALa princesse Mako lors d’une réception officielle dans les jardins du palais impérial, le 9 novembre 2017.© Jiji Press/ABACA

Autre décision révolutionnaire, il n’y aura ni Nosai no Gi ou engagement, ni Choken no Gi, présentation des fiancés à l’empereur et à l’impératrice, rites associés à tout mariage au sein de la dynastie du Yamato. Ce choix-là aurait été imposé par le prince Akishino et équivaut au reniement de sa fille. À ses yeux, en effet, le scandale n’est pas effacé et cette union nuit à l’image de sa famille.

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Voilà qui éclaire d’un jour nouveau les propos tenus par l’épouse de l’héritier du trône, la princesse Kiko, le 11 septembre dernier, à l’occasion de ses 55 ans. "Il y a des points sur lesquels nous sommes en accord et d’autres en désaccord (Mako et moi), mais nous veillons à nous dire l’une à l’autre ce que nous estimons être nécessaire et je souhaiterais respecter autant que possible les sentiments de ma fille aînée." Le malaise est palpable.

D’ici le 26 octobre, la princesse Mako rencontrera l’empereur et l’impératrice, seule, et ira se recueillir, seule toujours, dans les sanctuaires shinto du palais impérial. Yasuhiko Nishimura, l’un des dirigeants du Kunaicho a rendu publics les "voeux de bonheur" exprimés par Naruhito et Masako, à l’intention du jeune couple. Mako devrait aussi se rendre en privé auprès de ses grands-parents, l’ancien empereur Akihito et l’ancienne impératrice Michiko.

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De son côté, Takaharu Kachi, conseiller du prince Akishino, fait état, durant la conférence de presse du 1er octobre, du syndrome de stress post-traumatique diagnostiqué chez la princesse Mako depuis 2018 et les attaques contre son fiancé et elle-même. "Mon coeur souffre en tant que personne en position de lui apporter du soutien. Je m’interroge pour savoir si je lui en ai offert suffisamment et je souhaite présenter mes excuses. J’aimerais faire des efforts renouvelés pour remplir ma mission."

Se marier pour fuir la famille impériale ? 

Au-delà des chagrins et des dissensions, le mariage en forme de fuite de la princesse Mako pose de façon plus aiguë encore la question de la survie d’une famille impériale en déficit d’hommes et où les femmes n’ont plus leur place aussitôt qu’elles se marient. Le nouveau Premier ministre, Fumio Kishida, s’inscrit dans la lignée de Shinzo Abe et refuse d’avancer vers la primogéniture absolue qui permettrait aux femmes d’accéder au trône et de continuer à servir l’institution. Or, à compter du 26 octobre, la famille impériale ne comptera plus que dix-sept membres, dont quatre octogénaires et six princesses susceptibles de convoler, donc de quitter...

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Adélaïde de Clermont-Tonnerre

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