Par son père le prince Christophe de Grèce, il est le cousin germain du duc d’Édimbourg et le grand-cousin de la reine Sophie d’Espagne, descendant direct du tsar Nicolas Ier de Russie. Par sa mère la princesse Françoise de France, il est le neveu de feu Henri, Comte de Paris. Par nature, Michel de Grèce est un homme chaleureux, fin psychologue et attaché plus que tout à la famille qu’il a fondée avec son épouse l’artiste Marína Karélla.
Le 7 janvier 2019, entouré des siens, il a fêté ses 80 ans et en profite pour publier le deuxième tome de ses Mémoires consacré à la maturité, lorsqu’il arrive à l’âge de 21 ans en Grèce après avoir passé son enfance entre la France, le Maroc et l’Espagne. Avec ou sans couronne* fait défiler une belle galerie de portraits: Altesse Royale, impératrice déchue, artistes en vue, politiciens aux affaires. En témoin privilégié du XXe siècle, l’auteur de La Nuit du sérail porte son regard franc et rafraîchissant sur les grands d’un monde en voie de disparition.
Comment est né ce livre?
À partir du journal que je tiens depuis mes 17 ans. Il y en a des volumes et des volumes. Autrefois, je les écrivais à la main, maintenant, je les enregistre et ils sont tapés, reliés et partent dans une armoire. Je triche un peu sur les dates car je peux écrire huit jours après les faits, sans rituel. Il me tient énormément à coeur, pour mes enfants et mes petits-enfants qui s’en divertiront peut-être. Il n’y a ni d’état d’âme ni descriptions de sentiments, simplement une observation des situations, des gens, des pays, beaucoup de voyages et de rencontres. En la matière, la vie m’a bien servi.
Vous êtes-vous censuré?
Énormément! Entre le journal et le manuscrit, il y a eu beaucoup de coupures et au moins sept allers-retours avec l’éditeur. De sa part, bien sûr, et de celle de ma femme Marína, ma meilleure lectrice. Elle est sans préjugé, sensible au côté humain. Surtout, elle me protège de mon profil risque-tout. Son approche du sérail est intéressante, tout comme sa vie d’artiste. Elle connaît très bien mon milieu et je connais aussi pas mal le sien. Après 54 ans de mariage, j’aurais aimé écrire un livre à quatre mains avec elle, mais ça ne s’est pas fait.
Prince, écrivain, mari d’artiste… Vous faites preuve d’un bon sens de l’adaptation…
Peut-être y a-t-il une part d’atavisme car, dans nos familles, il a fallu s’adapter à beaucoup de choses. Mon existence a été baladée par les circonstances. Mais c’est presque dans mon sang, j’aime bien les gens et j’adore la vie. Si je suis de mauvaise humeur, c’est de la faute du temps gris ou d’une contrariété. Rien de sérieux. Je peux être colérique comme ma grand-mère française pouvait l’être. Mais je ne boude pas.
Votre jeunesse était dure et dorée à la fois…
Le fait d’être enfant unique et orphelin m’a fait mûrir vite. Je n’ai pas eu de cocon. Cela m’a forgé d’autant que j’ai été entouré par de belles personnes comme ma grand-mère Isabelle de France, à la fois terriblement libre, non conventionnelle et revêtue d’une armature de valeurs et d’éthique. La regarder vivre m’a guidé. J’ai toujours choisi la liberté, au risque de le payer cher. Elle m’a conseillé un jour: "Si tu ne veux pas t’ennuyer dans la vie, intéresse-toi à tout le monde." Avec mon nom un peu bizarre, j’ai essayé de suivre son conseil. Et puis n’ayant eu ni parents ni frère ni soeur, j’ai voulu bâtir ma propre famille. Ce fut pour moi l’essentiel.
Vous arrivez en Grèce à l’âge de 21 ans…
Cette décision avait été prise depuis toujours par mes éducateurs le Comte de Paris et le roi Paul de Grèce qui était mon chef de famille. Je finirai mes études en France et je viendrai vivre en Grèce, puisque c’était mon pays, et participer à la monarchie de l’époque. J’avais déjà été en Grèce, mais j’étais assez anxieux. Finalement tout s’est bien passé.
Votre découverte de ce pays est assez étonnante…
Je sortais de Sciences-Po et me voilà plongé sans transition dans une vie de Cour, de monarchie, et, un mois plus tard, j’entre à l’armée. Comme contraste, c’est assez violent, d’autant que je n’ai aucune vocation militaire. Mais ce peuple, que je ne connaissais pas, je l’ai découvert par l’armée, en contact avec des hommes de tous les milieux et de toutes les régions. Très vite j’ai compris comment fonctionnait la société. Quatre ans durant, l’exploration de mon propre pays fut passionnante. J’ai été merveilleusement heureux, je l’ai vu en vrai, sans barrière. Le roi Paul et la reine Frederika ont été d’une gentillesse inouïe avec moi et m’ont accueilli comme leur enfant. L’ambiance a toujours été chaleureuse et nous sommes restés à jamais liés. Avec mes cousins Constantin, Sophie et Irène, nous nous voyons souvent. Mais cette famille qui était si nombreuse autrefois se réduit de plus en plus.
Avec votre oncle "Henri Paris", les choses semblaient plus délicates…
Le Comte de Paris était un personnage extrêmement compliqué, hanté par une foule de secrets. J’ai toujours pensé qu’il avait un côté "Docteur Jekyll and Mister Hyde". Avec moi, il a toujours été d’une grande générosité même s’il pouvait se montrer parfois dur. Il s’est occupé de ma formation de main de maître. J’avais 14 ans, lorsque ma mère est morte, et j’étais déboussolé. La famille du Comte et de la Comtesse de Paris m’a permis de reprendre pied. Je m’y suis amusé comme un fou dans une ambiance pleine de vie, de drôlerie et d’originalité. Je leur dois mon adolescence très heureuse.
Vous venez de fêter vos 80 ans, dont 60 marqués par des rencontres hautes en couleur. Qu’en retenez-vous?
Des moments merveilleux que j’ai eu à coeur de raconter dans ce livre, en évoquant un monde, qui, entre nous soit dit, a presque disparu.
À tout seigneur tout honneur, commençons par la reine d’Angleterre, votre cousine germaine…
La plus grande professionnelle au monde! Elle a donné un lustre, une authenticité et une vérité à sa fonction, comme personne avant elle. S’il y a un respect de la monarchie dans le monde aujourd’hui, c’est en grande partie grâce à elle. Ce glamour qu’elle a insufflé aide tout le monde dans ce métier. Elle connaît admirablement son pays et son peuple. Elle forme avec mon cousin le duc d’Édimbourg un couple parfait. Lui est un peu plus libre, ce qui est très bien dans un ménage.
En janvier 1962, à l’occasion des 25 ans de mariage de la reine Juliana des Pays-Bas, vous êtes le premier à inviter la reine Farah à danser…
Toute la jeunesse royale avait été invitée, y compris la jeune reine d’Iran que personne n’osait approcher. Je savais que Farah avait fait ses études en France, je me suis approché pour l’inviter à danser en me disant que je pourrais au moins lui parler. Depuis ce jour, nous sommes restés très amis. C’est une femme pour laquelle j’ai un respect total. Je lui ai écrit l’autre jour en lui disant: "Madame. Il y a eu beaucoup de femmes célèbres dans l’Histoire, mais peu de grandes dames. Vous en êtes une." La façon dont elle a traversé son destin tragique, sans jamais un mot d’amertume! Je l’ai connue au sommet de la gloire et en exil poursuivie par tous, elle est restée la même.
Neuf ans plus tard, vous êtes invité aux fêtes de Persépolis…
Ce fut assez phénoménal même si on en a dit des horreurs. La revue militaire sur fond des ruines de Persépolis était tellement belle. Mais le fait le plus exceptionnel est que toutes les influences s’y sont rencontrées: les pays du bloc communiste, les républiques, les monarchies, tous les continents. Aucun événement n’en a réuni autant, surtout pendant trois jours. Il y avait les banquets officiels, mais aussi beaucoup de repas plus intimes. Dans ce village de tentes montées pour l’événement, énormément de contacts discrets se sont noués entre dirigeants qui normalement ne se seraient jamais croisés.
Peu avant le mariage de votre cousin Constantin en septembre 1962, vous êtes envoyé en tournée pour y convier les rois non européens…
La rencontre la plus impressionnante fut celle du négus d’Éthiopie, un petit homme à l’aura et à la majesté incomparables dont la légende veut qu’il descende du roi...
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