"Je n’aurais absolument aucun problème avec ça !" Interrogé sur sa réaction si l’un de ses enfants annonçait son homosexualité, le prince William — pour la première fois — répond sans ambages. "J’y ai beaucoup pensé récemment", confie-t-il, "je crois que c’est quelque chose auquel on commence à réfléchir quand on devient parent."
Le lieu, il est vrai, se prête à la confidence : ce 26 juin 2019, William rend visite à une association londonienne qui vient en aide aux jeunes homosexuels sans domicile fixe, rejetés par leurs proches suite à la révélation de leur orientation sexuelle. Le père du prince George, de la princesse Charlotte et du prince Louis, n’est pas insensible aux parcours de vie brisés de ces adolescents et de ces jeunes adultes.

Ce qui ne l’empêche pas d’exprimer une inquiétude toute personnelle : "La seule chose qui m’inquiéterait, c’est de savoir comment, avec les rôles que mes enfants remplissent, cela serait vu et interprété." De quels rôles parle William ? Serait-il possible qu’aujourd’hui, même avec le soutien public de parents aimants, être homosexuel dans une famille royale pose un problème ? Et surtout à qui ? L’institution ou l’opinion ?
Ces dernières années, les familles royales ont pourtant montré leur ouverture d’esprit — certes progressive, mais réelle — sur l’acceptation de l’homosexualité, voire la défense des droits LGBT+.
Un mariage gay chez les Windsor en 2018
À ce registre, les très progressistes couronnes du Nord sont les plus en pointe. En mars dernier, la princesse héritière Victoria de Suède a ainsi été récompensée par le magazine gay GX pour son engagement et sa participation à la Marche des fiertés de Stockholm. Preuve que la tolérance n’a pas d’âge, le discours du roi Harald V de Norvège en faveur des minorités le 1er septembre 2016, à l’occasion de ses vingt-cinq ans de règne, a été largement applaudi. En Espagne, les défenseurs des droits LGBT+ sont souvent conviés aux réceptions données au palais royal en l’honneur des forces vives du pays, au même titre que les autres associations.

Pourtant, force est de constater qu’aucun membre de famille royale n’a jusque-là fait de coming-out. En 2018, la presse s’émerveillait du premier mariage gay chez les Windsor, celui de lord Ivar Mountbatten, cousin éloigné d’Élisabeth II, et de son compagnon James Coyle. Une première pour le moins timide : lord Ivar Mountbatten étant près de 500e dans l’ordre de succession au trône ! Plus récemment, en juin 2021, le duc Franz de Bavière, 87 ans, arrière-petit-fils du roi Louis III, posait avec son ami de longue date, Thomas Greinwald, pour le photographe néerlandais Erwin Olaf. Un cliché en guise de reconnaissance publique, facilité sans doute par le fait que les rois de Bavière ont perdu leur couronne en 1918.

En droit, pourtant, rien n’empêche les princesses et princes des familles régnantes de convoler en justes noces avec un partenaire de même sexe. Dans pratiquement toutes les monarchies d’Europe le mariage homosexuel a été légalisé, à l’exception de Monaco et du Liechtenstein, où des unions civiles existent néanmoins. Bien sûr, la question n’est pas la même dans le cas d’un prince ou d’une princesse héritière...

Quelles seraient les conséquences institutionnelles si une princesse héritière de Norvège, de Belgique ou d’Espagne devait, un jour, révéler son homosexualité et vouloir se marier selon son cœur ? Dans ce domaine, et de manière inattendue, la récente biographie consacrée à Amalia des Pays-Bas a fait bouger les lignes. Emboîtant le pas au gouvernement néerlandais, le gouvernement suédois a réagi, confirmant que l’homosexualité assumée de futurs rois ou futures reines de Suède ne poserait aucune difficulté.
"En Belgique, le mariage du chef de l’État reste soumis à l’approbation du gouvernement"
Même son de cloche à Bruxelles, avec la déclaration du Premier ministre belge Alexander De Croo : "Un prince ou une princesse héritière a les mêmes droits que tous les Belges à cet égard." Une déclaration politique confirmée par le constitutionnaliste Marc Uyttendaele dans les colonnes du Soir : "Il n’y aurait aucune difficulté, parce que les lois sur le mariage sont claires en Belgique." Une liberté gravée dans le marbre ? "En Belgique, le mariage du chef de l’État reste soumis à l’approbation du gouvernement", relativise David Paternotte, maître de conférences en sociologie à l’Université libre de Bruxelles et spécialiste des questions de genre. Rien ne dit, en effet, qu’un gouvernement conservateur ne voit d’un très bon œil pareille alliance...

"À l’inverse d’autres pays, le roi et la reine des Belges n’ont jamais pris de position ouvertement pro-LGBT+. Les positions catholiques très conservatrices de la famille royale n’aident probablement pas", analyse d’ailleurs David Paternotte, conscient que l’enjeu est d’autant plus grand que la question en appelle une autre, plus brûlante encore, celle de la descendance : "La question qui pourrait se poser et à laquelle personne n’a la réponse, c’est celle de la filiation. Quelle sera la place dans l’ordre de succession au trône d’un enfant né par insémination artificielle ou par GPA — ni interdite ni encadrée en Belgique — ou d’un enfant adopté ?"

En Espagne non plus, la question du mariage gay d’un prince ou d’une princesse des Asturies ne rencontrerait, a priori, aucune difficulté d’ordre juridique. C’est du moins ce que soutient Beatriz Collantes Sanchez, maîtresse de conférences en droit public espagnol à l’université Paris-Nanterre : "Si Leonor d’Espagne annonçait son homosexualité, il n’y a rien dans la Constitution espagnole qui puisse l’empêcher de devenir reine."
Rien qui ne puisse ébranler la Couronne ? Outre les relations avec l’Église — qui ne reconnaît pas le mariage homosexuel — et l’acceptation de l’opinion publique — difficilement appréciable —, il est fort à parier qu’un tel événement ne serait pas sans susciter des remous...
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