D'aucuns les croyaient perdus à jamais, soumis aux affres du temps. Voilà qu'en réalité, ces regalia grecs se trouvaient aux yeux de tous, empaquetés comme il se doit, au Palais de Tatoï, l'ancienne résidence royale située à 15 kilomètres d'Athènes. Le ministère de la Culture grec a ainsi révélé, le 17 juillet, avoir (re)trouvé la couronne, le sceptre et l'épée d'Othon 1er de Grèce, présentés ensemble pour la dernière fois en décembre 1959. Une découverte certes inopinée mais pour le moins historique que l'actuel prétendant au trône hellénique, Pavlos de Grèce, a tenu à célébrer sur Instagram : "Félicitations au ministère de la culture". Si le message se veut sobre, il est surtout symbolique !
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Retrouvés par hasard lors d'un inventaire
"Les emblèmes royaux du roi de Grèce Othon – la couronne, le sceptre et l'épée – ont été retrouvés à Tatoï, lors des travaux de documentation des biens culturels et des objets mobiles par des fonctionnaires des services compétents du ministère de la culture", rapporte ainsi le gouvernement dans un communiqué officiel. Victimes d'un excès de zèle, les regalia avaient été simplement (trop) "bien conservés et soigneusement emballés" dans une des pièces de l'ancien palais royal. De quoi faire taire les nombreuses spéculations qui entouraient leur disparition, qualifiées d'"imaginatives" par le ministère. Cette trouvaille extraordinaire laisse d'ailleurs songeur. Combien de trésors se cachent encore entre ces murs ? Quoi qu'il en soit, le gouvernement précise que la couronne, le sceptre et l'épée sont "en très bon état".
"Cette découverte était inattendue", reconnaît la ministre grecque de la culture, Lina Mendoni. Tandis qu'elle remercie les personnes chargées de la documentation, elle insiste sur l'importance "exceptionnelle" de ces joyaux et ce, "quel que soit le changement d'État" qui leur est associé. Une référence directe aux différents systèmes politiques que le pays a connus depuis le milieu du XIXe siècle : de la république à la monarchie absolue devenue constitutionnelle. Autant d'évènements qu'elle désigne comme "les premières divergences officielles du nouvel État grec". Nul doute pour cette ancienne archéologue de 63 ans : ces trésors "appartiennent au peuple grec et à la nation". À ce titre, ils seront exposés de façon permanente dans la salle des trophées "Eleftherios Venizelos", au Parlement, une fois leur entretien terminé.
Des regalia à l'histoire mouvementée
En 1822, les Grecs se déchirent alors même qu'ils viennent d'aracher leur indépendance face à l'Empire ottoman. Pendant huit ans, le pays est en proie à des guerres civiles si bien que les grandes puissances de l'époque – le Royaume-Uni, la France et la Russie – se décident à intervenir, toutes selon leurs propres intérêts. C'est elles qui, en 1832, imposent au jeune pays un roi venu de Bavière. Le prince Othon, fils du roi Louis Ier de Bavière et de la reine Thérèse de Saxe-Hildburghausen, a à peine dix-sept ans. Mais le cousin germain du futur archiduc d'Autriche François-Joseph Ier, passionné par la Grèce antique, n'a qu'une idée en tête : rendre au pays sa grandeur d'antan.

Le jeune prince débarque ainsi le 6 février 1833 à Nauplie, capitale temporaire de l'État grec nouvellement constitué, acclamé par des citoyens épuisés par les luttes internes. Son père a commandé pour lui une couronne et un sceptre à la célèbre maison d'orfèvrerie parisienne Fossin et Fils, rapporte le journal Greek City Times. L'épée est, quant à elle, forgée par Jules Monceaux. Ces regalia n'arrivent toutefois pas à temps pour son sacre, en 1835. Son règne, lui, se veut absolu. À plusieurs reprises, il exerce lui-même le rôle de Premier ministre ! Les Grecs n'en peuvent plus et l'obligent à signer, en 1843, une constitution qui bride son pouvoir. Si la décision le mine, elle est cependant loin d'être suffisante pour assurer sa position. Accusé d'être sous la coupe des puissances européennes et sans héritier, il est renversé en 1862 au profit d'un prince de Danemark, le futur roi Georges 1er de Grèce, fondateur de la dynastie actuelle.

L'ancien monarque est donc contraint à l'exil avec son épouse Amélie d'Oldenbourg. Direction la Bavière où il rapporte, cachés dans ses valises, les regalia. S'ils sont plutôt simples – il ne s'agit que d'or et d'alliages métalliques sans aucune pierre précieuse à l'exception du lapis-lazuli sur la poignée de l'épée –, ils symbolisent l'état. Par ce geste, Othon souhaite montrer à chacun qu'il n'a pas abdiqué. Il s'éteint pourtant cinq ans plus tard, le coeur bien loin de son pays d'adoption. "Grèce, Grèce, ma chère Grèce…", aurait prononcé le premier roi des Hellènes avant de rendre son dernier souffle.
Pendant plus de 90 ans, la maison des Wittelsbach – dont Othon descendait – refuse catégoriquement de rendre les joyaux aux rois helléniques, les conservant au château de Hohenschwangau à Munich. Ce n'est qu'en décembre 1959 qu'Albert de Bavière, en sa qualité de chef de maison, accepte de les remettre au roi Paul 1er de Grèce, le grand-père du prince Pavlos. Une cérémonie est organisée en présence du Premier ministre grec de l'époque, de politiques, du couple royal et du fils d’Albert, Maximilien-Emmanuel.
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Les premiers emblèmes du trône de Grèce retrouvent enfin leur pays... pour mieux disparaître ensuite. C'est en effet la dernière fois que les regalia sont aperçus ensemble. En mars 1964, la couronne est utilisée seule lors des funérailles du roi Paul ainsi qu'en 1981 pour celles de son épouse, la reine Frederika. Avant d'être rangée pendant plus de 40 ans, au côté du sceptre et de l'épée, échappant ainsi miraculeusement aux nombreux pillages du palais de Tatoï.
